VALENTIN S'AFFIRME

17. VIDE-GRENIER

« Allô Gilles ? Que fais-tu cet après-midi ? »
— Que veux-tu me proposer ?
— Oh, une simple balade en vélo.
— Je te connais Val, allez, annonce : but et destination de ta petite rando ?
— OK Gilles. Le hameau de La Palud du Val au bout du lac, chiner au vide grenier.
— Banco. Je suis chez toi dans dix minutes.
Effectivement, moins d’un quart d’heure après, Gilles était là, sac à dos léger, lunettes de soleil et casquette américaine.
— Nous prenons la piste cyclable, hein ? Mes parents ne veulent pas que je roule sur la grande départementale.
— Bien sûr, sauf sur la fin, où nous emprunterons une petite route sur deux kilomètres.
— Qu’est-ce que tu veux acheter ?
— C’est un vide grenier, pas un magasin.
— Ne me prends pas pour un demeuré Val, je te connais trop bien je te le répète. Quand tu fais quelque chose, c’est que tu as une intention, alors c’est quoi ?
— Je veux acheter un téléphone.
— Tu as cassé le tien ?
— Je viens de t’appeler.
— Ah oui, c’est vrai. Tu veux bien m’expliquer ?
— Non seulement je te dirai tout mais tu participeras à mon enquête, enfin si tu le veux bien.
— Une enquête, mais c’est bien sûr ! Tu veux finir gendarme ou policier ou bien ? Bon, de toute façon je suis partant.
— Pas d’emballement, il se peut très bien que nous ne trouvions pas le type de téléphone adéquat, ensuite que ma recherche fasse un flop si je ne trouve pas d’éléments probants. Peut-être que j’échafaude toute une histoire alors que la vérité est d’une banalité désespérante.
— Tu parles toujours comme une encyclopédie, je vais chercher mon dictionnaire pour comprendre tout ce que tu racontes.

Roulant côte à côte sur la magnifique piste cyclable en balcon dominant le lac aux eaux bleu foncé, les deux amis devisaient.
— Tu as vu la couleur du lac, incroyable ! fit remarquer Gilles.
— J’ai observé qu’il prend toujours des couleurs très prononcées quand il y a du vent.
— Oui, tu dois avoir raison. Je crois que je suis très en forme en ce moment, reprit son ami, je pédale quasiment sans effort.
— C’est plutôt grâce au vent. Il souffle du nord.
— Mais on ne le sent pas !
— Évidemment puisque tu l’as dans le dos, il te pousse. Le retour sera plus hard.
Arrivés au hameau de La Palud du Val, les deux amis attachèrent l’un à l’autre leurs VTT et commencèrent à déambuler dans les rues bordées d’étals improvisés sur des tables de camping, sur des toiles cirées ou simplement à même le sol.
— Ce matin je pensais à Margot… commença Gilles.
— Olivier va être jaloux et je ne te parle pas de Lucie !
— Tu es bête ! En voyant cette dame qui vend un vélo d’occasion, ça me revient en tête. Je me disais simplement qu’avec le printemps nous allions pouvoir faire des randos sympas entre copains mais Margot n’a toujours de bicyclette et ça me gêne.
— C’est étrange, ce matin j’ai eu la même pensée.
— Les grands esprits se rencontrent.
— L’entreprise d’espaces verts de son père commence à décoller mais je crois qu’ils sont toujours ric-rac sur le plan financier. Elle en aura un mais pas tout de suite.
— Regarde Val, cette dame le vend quarante euros et il a l’air en bon état. En se cotisant avec les copains, on pourrait lui offrir.
— Margot risque de se vexer.
— Pas si on lui demande de participer elle aussi.
— Elle va croire qu’on lui fait la charité.
— Tu as des objections à tout.
— Écoute Gilles, ma grand-mère va avoir un vélo à assistance électrique dans quelques jours. Elle ne se servira plus de son ancien. Je vais lui demander de le prêter à Margot, un prêt de longue durée et fin août, quand ce sera son anniversaire, on lui donnera. Elle ne pourra pas refuser un cadeau d’anniversaire.
— Oui, je crois que c’est une bonne solution. J’ai plusieurs idées de randonnées en tête... Ah, tiens regarde là, il y a peut-être ce que tu cherches. Un vrai bric-à-brac électronique ! Si tu repères ce qui te conviens, tu me laisses faire pour négocier le prix. C’est un téléphone de quelle marque que tu cherches ?
— Je crois que ça n’a pas d’importance pourvu qu’il accepte une grosse carte SIM.
— Là il y a un Nokia, comme l’ancien portable de Bouboule, celui qu’il a cassé, tu te rappelles ? Laisse-moi faire. Bonjour monsieur, quel prix ce téléphone ?
— Dix euros, il y a une étiquette dessous avec le prix, répondit l’homme d’un ton peu engageant.
— Je peux l’ouvrir pour voir la batterie ?
— Je vais te le faire.
— Il fonctionne ?
— Il marchait avant que j’en achète un autre, mais il doit être déchargé.
— Il a son cordon de charge ?
— Y a tout, même la boite.
Gilles jeta un coup d’œil à son copain qui fit un léger signe d’assentiment.
— Cinq euros, proposa Gilles.
— Non, c’est dix euros, il les vaut.
— Dommage, je n’ai que cinq. Bon tant pis, viens Val, continua Gilles en lui prenant le bras et en exerçant une pression significative.
— Allez, je ne veux pas le ramener, donne tes cinq euros ! le rappela le brocanteur du dimanche.
Quand, boite avec le téléphone et ses accessoires au fond du sac à dos de Valentin, il se furent éloignés du vendeur, Gilles fit remarquer avec un sourire où se lisait un petit air de triomphe :
— Tu me dois dix euros Val... Non cinq, je ne veux pas t’arnaquer. Allez, deux cinquante si tu me mets au courant de tes recherches !
— D’accord, tu as la monnaie de cent euros ?
— Hein ?