VALENTIN S'AFFIRME

3. CONTRADICTION

Le lendemain matin, Valentin était à la grille d'entrée du collège avant tout le monde. Il voulait assister à l'arrivée d'Emily, lui laisser une chance de s'expliquer, de revenir, de recommencer comme avant. Les premiers à le rejoindre furent Gilles et Florian suivis de Pascal avec Eva. Le téléphone de Gilles avait dû beaucoup fonctionner la veille au soir car personne parmi ses amis ne lui posa de question, tous se comportaient comme si rien ne s'était passé. La nuit lui ayant porté conseil, Valentin avait décidé de ne rien tenter. « C'est elle qui est partie, c'est à elle de faire le premier pas de la réconciliation, si toutefois elle le veut. Quant à moi je ferai celui qui n'attend rien. Priorité à mes copains. »
A l'arrivée du Thénardier suivi comme son ombre par Clébar, Valentin ne put s'empêcher de lancer : « Oh Tony, tu boites ! Tu es tombé ? Quelqu'un t'a fait un croche-patte ? », déclenchant l'hilarité de son cercle d'amis.
Quand à son tour Emily arriva en compagnie de Romuald et des jumelles, Valentin riait encore avec Pauline et Margot. Il ne se départit pas de son apparente gaîté quand elle passa près de lui, ne réagit pas à son sourire qu'il supposa ironique ni au petit signe de la main qu'elle lui fit mais crut reconnaître un peu de dépit dans son expression.

La matinée commençait par un cours d'anglais. Radissel, comme les élèves surnommaient Raoul Dissel le professeur de langue, pour une fois s'exprima en français.
— Nous allons parler aujourd'hui de l'influence de l'Angleterre dans la généralisation du sport au niveau mondial. Qui a une idée ? Qui veut prendre la parole ?
Emily leva immédiatement la main.
— Je suppose que vous êtes Emily Gilmore qui nous vient de Brighton. Je me réjouis d'avoir dans ma classe quelqu'un dont l'anglais est la langue maternelle. Parlez-nous des sports que les britanniques ont apporté au monde.
— Les anglais ont inventé le foot-ball, le rugby, le hand-ball...
— Faux ! coupa Valentin. Le hand-ball est d'origine germanique. D'ailleurs les puristes prononcent hand-bal et non hand-bol.
— Yes, oui peut-être mais le basket-ball lui est anglais...
— Faux encore, interjeta Valentin. Le basket a été inventé par un professeur canadien du nom de Naismith exerçant au Collège de Springfield dans l'état du Massachusets aux USA. Il a inventé ce jeu pour permettre à ses étudiants de faire du sport en salle pendant la mauvaise saison. A l'origine la balle devait être lancée dans un véritable panier.
— Il n'empêche que l'origine de ce sport est anglo-saxonne ! En revanche le tennis lui est purement anglais...
— Toujours faux. Le tennis est dérivé du jeu de paume français dans lequel celui qui engageait l'échange devez dire « tenez ». Les anglais se sont contentés de déformer le mot.
— Ça demande à être confirmé, ergota Emily, mais l'athlétisme lui est typiquement anglais.
— Depuis quand les anglais sont-ils passés au système métrique ? Toutes les courses, tous les concours sont exprimés en mètres que je sache. Et qu'on ne me dise pas que la ville de Marathon se situe au Royaume-Uni. Quant aux jeux olympiques modernes, c'est bien un français, le baron Pierre de Coubertin qui les a créés. En fait les anglais se sont contentés de codifier les sports inventés par les autres.
— Tu es bien véhément aujourd'hui Valentin, intervint le professeur. Il ne faudrait pas que tu décourages Emily et la dissuades de participer.
— Je me contente de rétablir les vérités monsieur. Quand on veut prendre la parole, il vaut mieux savoir de quoi on parle, ne pensez-vous pas ?
— Certes Valentin, certes. Passons à autre chose. En gardant le même thème et pour revenir à l'apprentissage de la langue de Shakespeare, je vous ai préparé un petit texte, il s'agit du commentaire d'un match de rugby par un journaliste sportif anglais. Je vous demande de le traduire en français, non pas mot à mot, non pas littéralement mais en employant les expressions que pourrait utiliser un confrère français.
— Ce sera noté m'sieur ? demanda Romuald.
— Si je te dis que non, tu vas écrire n 'importe quoi, si je te dis que que oui, tu vas copier sur ta voisine, donc je te réponds : tu verras bien. Au travail, il vous reste un quart d'heure.

— Comment tu l'as mouchée l'Emily ! Elle est tombée de haut, elle était au bord des larmes, j’ai bien vu, dit Gilles à son ami au moment de l'interclasse. Comment tu fais pour savoir tout ça ?
— Rappelle-toi : un peu avant les vacances de Noël, Radissel avait dit qu'à la rentrée nous parlerions de l'origine anglaise de beaucoup de sports. Alors j'ai cherché des informations sur internet. Pour moi c'était bien que ce soit Emily qui se sente obligée de prendre la parole.
— Elle va t'en vouloir de l'avoir mise en défaut, sur son terrain en plus.
— Comme j'ai dit tout à l'heure en classe, quand on avance quelque chose, il vaut mieux être sûr de ses sources. Elle veut me défier, elle va trouver à qui parler.
— Oh, je n'en doute pas. On a gym maintenant, tu y vas ou tu t'es fait dispenser ?
— J'y vais bien sûr. Doucet le prof est un type correct. J'aime beaucoup ses cours : peu de parlotte et beaucoup d'action. En ce moment, j’ai besoin d’action pour me changer les idées.