VALENTIN S'AFFIRME

38. PRÉPARATIFS

Quand tous les parents furent partis, les quatorze adolescents se mirent à leur travail d’organisation. Florian commença par recenser à voix haute les tentes disponibles.
— J’ai trois tentes à deux places, deux à trois places, ce qui fait douze couchages donc il en manque deux. Eh les amis, il manque une tente à deux places, comment va-t-on faire ? J’ai bien chez moi une vieille canadienne à piquets en plus de ma Quetchua mais pas sûr qu’elle soit imperméable...
— J’ai peut-être une solution, dit Valentin. Mon grand-père possède une tente parapluie, du temps où il faisait de la haute montagne. Comme son nom l’indique, elle s’ouvre comme un parapluie à quatre baleines, on y entre par un sas en forme de chaussette. Inconvénient, on ne peut pas y mettre de matelas pneumatique, simplement des nattes de rando en mousse, c’est moins confortable. Qui est volontaire ?
— Eva et moi, nous sommes des poids plume, elle nous conviendra, proposa Lucie, je laisse ma tente à quelqu’un d’autre.
— Vendu ! trancha Florian. Alors répartition : dans la grande Quetchua de Charly, Olivier et Quentin, ça vous va ? Bon. Avec Mathilde dans sa « trois places », qui en plus de moi ?
— N’y pense même pas ! fit Mathilde en simulant un œil courroucé. Avec moi, Pauline et Emily.
— C’est OK. Donc Amandine et Margot dans la petite Quetchua rouge à deux places de Lucie et c’est réglé pour les filles. Reste ma tente et celle de Gilles.
— Quoi ? Tu emmènes ta tante ? s’amusa Bouboule.
— Ben oui, tu veux venir avec nous ? Sérieusement, Gilles tu prends Bouboule ou Val ?
— Celui qui ronfle le moins !
— Moi je ne ronfle pas ! continua Bouboule.
— Comment le sais-tu ? Tu t’es déjà regardé dormir ? taquina Valentin.
— Bon, allez, Bouboule avec moi, trancha Florian.
— Avec plaisir grand sportif. Comme ça tu me défendras en cas d’attaque de loup-garou.
— Promis. Donc Valentin avec Gilles.
— OK pour moi répondit Valentin. Dis Florian, ta vieille canadienne, tu peux aussi la prendre, elle servira de tente de service pour entreposer les provisions.
— Bonne idée, c’est noté. Donc demain en fin d’après-midi, avec Margot et son père, on fait la tournée de récupération, préparez tout, tentes, matelas, duvets, ustensiles de cuisine, etc. pour éviter de perdre du temps. Je peux fournir aussi un camping-gaz à grosse bouteille bleue et son brûleur. Ah oui, je prendrai également mon gonfleur à pied pour les vélos. Bon, voilà, c’est tout pour moi.
— Je viens de téléphoner au patron du camping, expliqua Gilles à son tour. Il a été sympa, il nous propose un grand emplacement en lisière de forêt au prix hors-saison, 15 euros la nuit, électricité comprise.
— A quoi sert l’électricité dans une tente ? On a nos lampes de téléphone ! se moqua Amandine.
— Et ton téléphone, tu le recharges au gaz ? lui renvoya Gilles. Ça me fait penser qu’il faut prendre une rallonge électrique et une multiprise. Voilà pour moi.
— Avec Quentin nous allons faire les achats alimentaires demain matin, dit à son tour Mathilde. J’ai fait une liste : des pâtes, de la sauce tomate, du gruyère râpé, des boites de conserves, du sel, du sucre, du thé, du cacao, des fruits etc. mais il reste deux problèmes : le pain et la boisson.
— Pour le pain, un boulanger passe au camp tous les matins et pour la boisson, au camping, il y a un bachal avec de l’eau de source à volonté, résolut Gilles. Prenez simplement du sirop de menthe ou de citron.
— C’est quoi un bachal ? demanda Emily l’anglaise.
— C’est savoyard, ça désigne un abreuvoir taillé dans un tronc d’arbre, renseigna Gilles.
— Problème encore, ajouta Mathilde, sur le plan financier, dix euros par personne, c’est trop serré. Avec les soixante euros du prix du camping, il ne reste que quatre-vingts euros pour la nourriture et la petite pharmacie de Pauline. Il vaut mieux prévoir quinze euros par personne. Est-ce que ça gêne quelqu’un ? Eva, Lucie, Margot, Pascal ?
— C’est bon pour moi, répondit Pascal.
— Pour moi aussi, ajouta Margot.
— De toute façon, il n’y a pas de problème, rassura Valentin, j’ai encore quelques euros de la prime pour l’arrestation des trafiquants de diamants à laquelle vous avez contribué les filles, je les mets dans le pot commun.
— Comme ça c’est parfait, conclut Mathilde. A toi Quentin pour les menus.
Pendant que Quentin énumérait ses recettes de pâtes, Mathilde murmura dans l’oreille de Valentin :
— C’est très bien ce que tu as proposé, comme ça, elles n’auront pas l’impression d’être à la charge des autres et ne seront pas gênées, elles auront un peu le sentiment d’avoir gagné cet argent.
— C’était le but, répondit Valentin sur le même ton. A quelle heure le départ, Gilles ? continua-t-il à voix haute cette fois.
— On va dire dix heures place de la mairie, pas d’objections ?
— C’est bon ? Tout est réglé ? demanda Charly, alors maintenant surprise ! ajouta-t-il en pianotant son téléphone : « Papa, tu peux la faire venir ! »
Tous les yeux se tournèrent vers la porte ouvrant sur le perron.
— Marion ! s’exclamèrent les copains avec un bel ensemble.
— Bon-jour à tout le mon-de, articula Marion avant de descendre avec précaution les trois marches l’amenant sur la pelouse. Tous vinrent à sa rencontre, lui firent la bise, la félicitèrent.
— C’est chouette que tu sois là... Tu a l’air d’aller bien... Tu parles maintenant... et tu marches... on est content de te revoir...
— Tiens, assieds-toi, dit Charly en lui dépliant un fauteuil de toile près d’un tréteau, j’apporte le troisième panier de cerises, régalez-vous.
— Tu vois Charly, lui dit Valentin en s’approchant de lui et en le tirant à l’écart, j’avais encore de petites réticences à ton égard mais dans le fond, je crois que tu es un bon mec.
— En réalité, je ne l’étais pas, tu en sais quelque chose et j’en ai encore honte, mais grâce à toi et tes amis, je me suis un peu... amélioré !
— Qu’est-ce qu’elles font là celles-là ? dit Bouboule en regardant vers le lac, attirant l’attention de tous.
Sur le chemin des roselières, devant le petit portail de la villa, Océane et Marine regardaient la réunion des amis, attendant visiblement d’être invitées.
— Qu’est-ce qu’on fait ? On les invite à boire un coup avec nous ? demanda Charly.
— Je crois qu’en France on dit « il ne faut pas faire entrer le loup dans la bergerie » dit Emily. Maintenant tu es chez toi, donc tu fais comme tu veux.
— Elles ne veulent peut-être pas entrer, je crois qu’elles appellent Valentin. Valentin, c’est pour toi ! déclara Bouboule la fine oreille.
— Que voulez-vous ? leur demanda Valentin d’une voix un peu rogue et sans sourire en s’avançant vers elles mais en restant à l’intérieur de la propriété.
— Ne sois pas si agressif Valentin. Nous voulons juste te rembourser ce que tu as dépensé pour nous en Angleterre. Ça a été un peu long mais on a eu du mal à réunir la somme.
Tiens, l’équivalent de vingt-cinq livres, arrondi à trente euros, tout est dedans, expliqua Océane en lui tendant une enveloppe fermée.
— Mieux vaut tard que jamais, répliqua Valentin en saisissant l’enveloppe, merci quand même.
— C’est nous qui te remercions. Tu sais, malgré les apparences, on n’a pas oublié ce que tu as fait pour nous. Tu nous fais entrer ? On voudrait voir Marion.
— Je ne suis pas chez moi.
— Appelle Charles-Henri, s’il te plaît.
— Charly, elles veulent te voir ! lança Valentin, gêné mais poli.
Tournant le dos, Valentin se dirigea vers Mathilde et lui tendit l’enveloppe sans l’avoir ouverte.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Un retour de placement sans intérêt que j’ai fait en Angleterre lors de notre voyage scolaire. Il y a normalement de quoi compléter largement la contribution d’Eva et de Lucie.
Charly s’était avancé vers la barrière et les jumelles, sourcils interrogatifs.
— Charles-Henri, on peut se joindre à vous ? minauda Océane.
— Notre réunion est terminée.
— Ah... dit Marine déçue, c’était pour quoi votre réunion ? Pour Marion ?
— Oui, c’est ça, pour Marion, pour fêter sa guérison. Au revoir.
— Ce n’est pas très sympa ta réaction, Charles-Henri !
— Non, n’est-ce pas ? répondit Charly, visage fermé, en leur tournant le dos.