VALENTIN AU COLLEGE

2. AU COLLÈGE

La secrétaire appuya sur une touche de l'interphone placé sur son bureau encombré. Quelques secondes après, une voix rendue nasillarde par l'électronique sommaire de l'engin répondit : « Oui, qu'y a-t-il ? »
— J'ai là monsieur Valmont qui dit avoir rendez-vous, monsieur le…
« Ah, c'est juste, faites entrer madame Belmont. »
La secrétaire se leva, alla ouvrir la porte du bureau directorial et s'effaça :
— Par ici messieurs.
— Ah, monsieur Valmont, entrez. Entrez jeune homme. Asseyez-vous je vous prie. Vous êtes parfaitement à l'heure. Donc il s'agit de ce jeune homme ?
— Oui, c'est mon petit fils Valentin qui arrive d'Australie.
— Bien, bien. Monsieur Valmont, j'ai inscrit votre petit fils en cinquième C, c'est la moins chargée. Je ne connais pas les programmes correspondant à cette classe en Australie, mais je suppose qu'il ne doivent pas être très différents des nôtres.
— Si ce n'est que tout se passe en langue anglaise.
— Oui bien sûr, donc la maîtrise du français sera peut être un problème pour Valentin ?
— Rassurez-vous, mon fils - son père - est marié à une Australienne mais à la ferme, ils s'expriment aussi bien en français qu'en anglais.
— Bien. Nous sommes presque à mi-octobre, c'est à dire pratiquement à la moitié du premier trimestre, Valentin va devoir fournir un gros effort de rattrapage. Si dans quelques jours vous constatez des problèmes de niveau ou d'adaptation, venez m'en faire part, nous trouverons une solution, quitte à le replacer en sixième. Qu'en pensez-vous Valentin ?
— En Australie dans l'état de Victoria, j'avais pratiquement fini l'année scolaire équivalent à la cinquième d'ici. Pour moi, c'est donc presque un redoublement, par conséquent je pense qu'il n'y aura pas de problème monsieur le directeur.
— On dit « monsieur le Principal ». Bon, on verra ça. Il est neuf heures moins le quart, un surveillant va vous conduire dans la cour et vous indiquera le lieu de rassemblement de votre classe.
Le principal appuya sur un bouton de son interphone :
— Madame Belmont, vous passerez en salle des professeurs à l'interclasse et vous indiquerez aux professeurs de cinquième C l'arrivée dans leur classe d'un nouvel élève. Appelez tout de suite un surveillant pour l'accompagner dans la cour et lui montrer le lieu de regroupement. Allez dans le bureau d'à côté, Valentin.

« La cinquième C se rassemble au niveau de la troisième fenêtre du bâtiment principal afin d'être prise en charge par son professeur. Ça va être l'heure de la récréation, tu n'as qu'à attendre là-bas tes futurs camarades de classe », indiqua le surveillant d'un air las en tendant le bras vers la fenêtre indiquée.
Laissé seul dans la cour, le cœur un peu serré, Valentin promena son regard sur les installations sportives : ici quatre panneaux de basket-ball, là des buts de hand-ball, au sol les nombreux traits multicolores délimitant les terrains de jeu, plus loin en contrebas, séparée du groupe scolaire par une bande herbeuse plantée d’une rangée de peupliers, une mini piste d'athlétisme entourant d'autres espaces de jeu et un grand bâtiment ressemblant à un gymnase, plus bas encore le grillage de clôture du collège. Les peupliers d'Italie qui commençaient à disséminer leurs odorantes feuilles jaunies sur l'enrobé des terrains prouvaient l'arrivée effective de l'automne.
Valentin songea avec nostalgie à la saison qu'il venait de quitter. Octobre ici c'est comme avril là-bas. Il venait de sortir de l'hiver australien et allait entrer presque aussitôt dans l'hiver français. « Deux hivers dans la même année... Dommage, mais de toute façon, je n'y peux rien, alors... »
La stridulation d'une sonnerie le tira de son rêve. Des nuées de jeunes garçons et filles s’éparpillèrent dans la cour avant de s'agréger par affinité.
— T'es qui toi ? fit une voix dans son dos, t'es dans quelle classe ?
Valentin se retourna vers le garçon qui venait de l'interpeller : plus grand que lui, un peu enrobé, des yeux marron foncé, le visage marqué des boutons de l'adolescence.
— Heu... bonjour... Je suis nouveau.
— J’vois bien qu' t'es nouveau, t'es dans quelle classe ?
— Cinq C.
— Comme moi.
— Alors tu peux me dire ce qu'on a comme cours maintenant ?
— On a anglais avec Radissel, je veux dire monsieur Radissel. Il est cool mais il aime bien qu'on l'appelle monsieur et par son nom.
— OK, merci du tuyau.
— De rien, salut boloss.
Valentin fronça les sourcils d'incompréhension puis haussa les épaules. Il avait bien le temps de s'adapter : nouvel environnement, nouveaux copains, nouveaux profs, nouveau langage aussi.
La sonnerie de fin d'interclasse retentit, disloqua les groupes. Vingt à vingt-cinq jeunes se rassemblèrent près de Valentin. Un blondinet vint se placer près de lui.
— Salut, t'es nouveau ?
— Oui, c'est mon premier jour et mon premier cours dans ce collège, je viens d'Australie.
— Alors welcome ! Moi c'est Gilles.
— Salut Gilles. Je m’appelle Valentin.
— Si tu veux, il y a une place libre en classe à côté de moi mais elle est près du bureau. Les autres n'aiment pas, ça fait fayot. Attention, voilà le prof.
— OK Gilles, pas de problème, je te suis.