VALENTIN AU COLLEGE

32. INFORMATIONS

Quand Valentin poussa la porte du sas d'accueil de la gendarmerie, le brigadier Guimard l'introduisit directement dans le bureau de l'adjudant Lemoine.
— Ah, te voilà Valentin, tes grands-parents n'ont pas été inquiets en recevant la convocation ?
— Ils commencent à en avoir l'habitude, mon adjudant, sourit Valentin.
— Sais-tu pourquoi tu es là ?
Valentin se troubla légèrement en pensant à l'épisode de la voiture ventouse mais reprit bien vite son contrôle et son aplomb.
— Je pense que vous voulez me mettre au courant des suites de notre chasse au trésor.
— Tout juste.
— Vous n'avez pas convoqué mon ami Olivier ?
— Ce n'est pas une convocation officielle mais une simple invitation manuscrite que j'ai fait présenter à tes grands-parents.
— Vous auriez pu me téléphoner.
— J'aurais pu mais je voulais qu'ils soient au courant. Tu les aimes bien tes grands-parents ?
— Grand-mère Isabelle et grand-père Jean-Claude sont super gentils avec moi et surtout ils me font confiance.
— Ils te font confiance parce que tu es digne de confiance. Tu raconteras nos conclusions à ton ami Olivier. Pour en venir à cette affaire de trésor il s'agissait bien d'un squelette humain, une jeune fille qui avait à peu près ton âge : douze-treize ans, enterrée là depuis huit à dix années. Elle aurait donc...
— Entre vingt et vingt trois ans, interrompit Valentin avec un petit sourire.
— Tu comptes vite et bien.
— De quoi est-elle décédée ? A-t-on pu le déterminer ?
— Fracture du crâne au niveau du temporal droit, c'est là ! fit l'adjudant en tapotant sa tempe.
— Oui, je sais. Nous étudions le fonctionnement du corps humain en cours de SVT au collège. À quoi ressemblait-elle ? Est-ce qu'il est possible de le savoir ?
— D'après le rapport du laboratoire de médecine légale elle mesurait un mètre quarante cinq, cheveux longs blonds donc peau blanche, habillée d'un pantalon de jean bleu et d'un sweat-shirt rouge léger, des chaussures de tennis aux pieds.
— Donc elle serait décédée en été.
— C'est possible. Nous avons fait l'inventaire des disparitions dans le créneau des dix à huit ans en arrière. Aucune dans la commune ou la ville, une dans la région et cinq en France. Nous avons contacté toutes les familles mais aucune des disparitions ne correspondait.
— Rien ne prouve que la fille soit française. Y avait-il une inscription sur le bracelet gourmette en or ?
— Oui, et c'est étrange. Pas de nom ou prénom comme c'est l'habitude sur ce genre de bijou mais la représentation gravée d'un soleil stylisé. C'est un mystère...
— Donc l'enquête est au point mort ?
— Pas tout à fait, des spécialistes anthropologues tentent une reconstitution faciale à partir du crâne, mais c'est long, cher et pas extrêmement précis.
— Qu'est-ce que c'est une reconstitution faciale ?
— En gros, un modelage qui donne l'aspect probable du visage en se basant sur la forme des os du crâne et du visage. C'est à peu près tout ce que je peux te dire Valentin.
— Avez-vous des informations sur le propriétaire du terrain ?
— Il s'agissait d'une ancienne fermette savoyarde...
— Je m'en doutais, j'ai repéré la présence d'une ancienne étable.
— Comment cela ?
— Aux orties brûlantes qui poussent à côté du monticule de pierres. Les orties soulignent la présence plus ou moins ancienne d'animaux. Et donc le propriétaire ?
— Le dernier propriétaire est mort depuis plus de soixante ans et n'a pas d'héritiers connus. Le bâtiment principal s'est écroulé il y a quarante cinq ou cinquante ans.
— À qui cela appartient-il maintenant ?
— À l'État.
— Et que peut-on déduire de la tombe ?
— Le corps a été enterré à faible profondeur, une soixantaine de centimètres, et recouvert d'une planche. Pour éviter tout effondrement visible de la terre je suppose. La tombe est clandestine et le décès n'a pas été déclaré.
— Donc soit c'est un crime et le meurtrier a trouvé un endroit isolé pour faire disparaître le corps, mais c'est peu probable à mon avis car il n'y a pas eu de disparition par ici à cette époque, soit c'est un accident. Dans ce cas, le responsable n'a pas voulu que quelqu'un mette le nez dans ses affaires car elles sont illégales. Quel est l'endroit le plus près de la tombe où quelqu'un aurait pu faire une chute mortelle ?
— Je pense à la falaise de la montagne aux buis.
— Merci mon adjudant pour tous ces renseignements. C'est calme dans le village en ce moment ?
— Oui, à part une voiture stationnée dans la zone rouge vigipirate la semaine dernière. Nous avons cru à un véhicule piégé, interdit l'accès à l'école maternelle et fait venir un démineur.
— C'était quoi finalement ?
— Fausse alerte. Le véhicule d'un individu qui n'a pas fini de regretter son inconséquence ! Voiture en fourrière, amende aggravée, perte de points du permis de conduire, frais de fourrière. Passe-moi l'expression vulgaire mon petit Valentin, mais ce type est un con, il n'y a pas d'autre mot !