« Grand-mère, la semaine prochaine, les vacances de Pâques commencent, qu'est ce que tu dirais si j'invitais des amis à goûter mercredi pour mes treize ans ? »
— Je dirais excellente idée. Qui veux-tu inviter ?
— Toujours les mêmes : Gilles, Olivier, Florian et Pascal pour les garçons, Mathilde, Pauline, Eva et Lucie pour les filles.
— Avec toi, ça fera neuf. Nous pourrions sortir la table de jardin, la balancelle et les fauteuils d'extérieur. Je vais faire une tarte aux pommes, un gâteau de Savoie et aussi un plateau de bredeles. Comme boissons, qu'est ce qui te ferait plaisir ?
— Tu es trop gentille grand-mère. De l'eau et de la limonade bio ce serait très bien.
— À quelle heure mercredi ?
— Vers seize heures.
— Salut Florian, entre, tu es le premier.
— Salut Val, en forme après la grande bagarre de vendredi dernier ?
— Super, il ne m'a pas touché une seule fois ce gros nul de Thénardier.
— Qu'est-ce que tu lui a mis ! C'était quoi comme technique ?
— Un sport de combat que j'ai appris au Victoria.
— Et qui s'appelle ?
— La boxe française.
— Tu te fous de moi ?
— Non, Flo. C'est un sport qui vient de France où il est trop oublié apparemment. Très efficace pour se défendre. Et toi, encore bravo pour la façon dont tu as contenu Clébar l'autre jour, j'ai bien vu qu'il voulait intervenir.
— Et les filles, Eva et Lucie, répondit Florian, tu as vu comme elles ont assis la grosse Morgane !
— Oh oui, ha ha ha ! Je crois qu'elles ont complètement oublié leur timidité.
— Tiens les voilà justement, avec Mathilde.
— Entrez les filles, tout se passe au jardin. Prenez le siège que vous voulez. Vous avez vu les autres ?
— Du calme Val, il n'est pas encore quatre heures, répondit Mathilde en souriant. Ah, voilà Bouboule et Olive, il ne manque plus que Pauline et Gilles.
— Eva, Lucie, dit Florian, Val vient encore de vous féliciter pour la façon dont vous avez calmé la grosse Morgane. Allez, dis-leur.
— C'est vrai les filles, vous avez été formidables.
— Moins que toi, Val, répondit Lucie, approuvée par un hochement de tête et un sourire d'Eva.
— Flo, je t'ai dit que c'était de la boxe française, mais pas les deux baffes ni le coup de pied au...
Un éclat de rire général souligna l'évocation de la fin du combat. Tous entourèrent Valentin en le congratulant tandis que Pauline et Gilles entraient discrètement et dissimulaient un carton derrière un massif de jonquilles du jardin.
— Comment fais-tu pour réussir tout ce que tu entreprends ? interrogea Pauline.
— Ah, vous êtes arrivés ? Salut Pauline, salut Gilles. Comment je fais ? Je réfléchis avant d'agir, je me mets à la place des autres et j'essaie d'anticiper leurs réactions. J'essaie de toujours me placer sur mon propre terrain, j'utilise mes forces et mes connaissances, quand quelque chose marche bien, je le mémorise.
— Tu savais que Tony était plus fort que toi et tu n'as pas eu peur ?
— Installez-vous tous, mangez et buvez. Je vais vous expliquer. Est-ce que j'ai eu peur ? La réponse est oui mais j'ai mis tous les atouts dans mon jeu avant de me battre. Par exemple, quand j'ai eu la certitude qu'ils me suivaient, j'ai fait semblant de me tordre la cheville. Tony y a vu une chance supplémentaire pour lui : un adversaire handicapé et l'avantage du nombre à huit contre un. Je savais qu'il serait déstabilisé si ses copains étaient neutralisés et ça vous l'avez tous très bien fait. Bravo et merci encore. Le Tony, c'est une brute, mais il a sa fierté. Devant les filles, il n'a pas voulu se dégonfler, me croyant toujours diminué. J'en ai rajouté verbalement pour le vexer, le mettre en colère et récupérer un avantage supplémentaire car un gars en colère perd sa lucidité. À partir de là, tout a été facile. J'ai utilisé des coups de boxe française, c'est une boxe dans laquelle il est possible d'utiliser les poings et les pieds. Voilà toute l'affaire, nous passons à autre chose ?
— Tu pars quand voir tes parents ? demanda Mathilde.
— Je prends l'avion jeudi soir pour Melbourne.
— C'est un vol direct ?
— Il y a près de dix sept mille kilomètres à vol d'oiseau et aucun avion commercial ne peut faire ça d'une traite. Je fais escale à Dubaï.
— Combien d'heures de vol ? s'enquit Pauline.
— Près de vingt quatre heures, c'est vraiment long.
— C'est bien ce que nous avons pensé dit Gilles en se levant de table pendant que Pauline allait chercher le carton dissimulé derrière le massif de jonquilles.
Solennel, Gilles sortit un feuillet de sa poche, s'éclaircit plusieurs fois la voix et commença la lecture de son papier.
— Silence les amis ! Merci. « Valentin, au cours de ces six mois que tu as passés avec nous, tout nouveau que tu étais, tu as trouvé le moyen de rendre service à tout le monde, tu nous as défendus, aidés, conseillés, sauvés et unis. Tu n'as jamais abusé de ta force contre nous, ni de ton intelligence pour nous rabaisser. Comme quelqu'un qui vivait en Angleterre il y a longtemps, tu as toujours défendu le plus faible contre le plus fort et nous t'en remercions.
Au nom de tous les copains et copines, pour t'occuper pendant les vingt quatre heures de voyage qui t'attendent dès demain soir, moi Arroux Gilles dit Agil, j'ai le plaisir de te remettre - tu es prête Pauline ? - de te remettre de la part de tous ce super cadeau d'anniversaire qui comprend :
- Le casse tête des clous chinois pour t'énerver un peu.
- Un jeu de solitaire, magnétique en cas de trou d'air dans l'avion.
Au fur et à mesure que Gilles égrenait, Pauline plaçait les cadeaux sur la table de jardin.
- Cent belles chansons françaises puisque tu aimes les jolies vieilleries. Elles sont repiquées en mp3 sur clé USB. Si tu ne sais pas les mettre dans ton iPhone, tu me demandes !
- Un livre de 150 énigmes à résoudre pour entraîner un peu ton cerveau qui va sûrement se ramollir loin de nous.
- Un taquin seize pièces double image pour t'apprendre la patience.
- Une clé chinoise pour la serrure la plus tordue du monde. C'est un puzzle de deux pièces, tu devrais peut-être y arriver.
- Un roman policier jeunesse pour te détendre après cette épreuve et enfin...
- Une boite à secret japonaise douze mouvements. Si tu veux savoir ce qu'il y a dedans, tu dois d'abord apprendre à l'ouvrir, et c'est pas gagné !
Merci Pauline d'avoir tout bien agencé.
Chacun des copains copines à tenu à participer selon ses moyens. Valentin, tu n'es pas encore parti pour l'Australie que tu nous manques déjà. Les filles veulent te faire la bise et les garçons te serrer la main. Bon anniversaire Valentin ! »
Valentin se retourna pour essuyer discrètement une larme d'émotion puis il prit la parole :
« Mes amis, car nous avons dépassé le stade camarade et celui de copain ; mes amis, je suis tellement ému que je ne sais que dire. Je pars demain soir jeudi pour l'Australie car mes parents vivent là-bas, très loin, et bien sûr ils me manquent. Vous remarquerez que je fais sauter un jour de classe mais c'est uniquement à cause des horaires de vol, pas pour m'éloigner plus tôt de vous. Je vous promets que la première chose que je ferai après le décollage de l'avion sera d'ouvrir, enfin d'essayer d'ouvrir la boite à secret.
Dans trois semaines, je serai de retour parmi vous et très heureux d'y être, soyez en sûrs. Merci de tout cœur mes amis. »