VALENTIN DÉTECTIVE

12. NOUVELLE DÉCOUVERTE

Revenus à la villa, les deux amis s’installèrent dans la vaste chambre de Charly. Valentin jeta un coup d’œil au le mobilier ultra moderne du lieu ainsi qu’à l’ordinateur dernier cri posé sur un large meuble secrétaire.
— Tu as de bonnes conditions pour travailler, dis-donc. Tu peux allumer ton ordi ? Je veux faire une recherche avant de prévenir les copains, tu es connecté ?
— Absolument. Que veux-tu chercher ?
— Amandine aurait été piquée à la fesse par une épine d’acacia qui n’existe pas. Qu’est-ce qui a pu la piquer à ton avis ?
— Une guêpe, un insecte…
— Notre copine n’est pas du genre à s’évanouir après ce genre de petit bobo. Non, j’ai un horrible soupçon, je pense qu’elle a été volontairement droguée à son insu. Une des deux personnes l’a bousculée tandis que l’autre s’est placée derrière elle et lui a injecté un produit pour la neutraliser. Je tape « agression à la seringue », entrée… Tiens regarde, il y a plein de cas un peu partout, en Angleterre mais aussi en France, surtout dans des boites de nuit. Je lis : « la police parisienne a annoncé avoir arrêté trois hommes soupçonnés d’avoir tenté d’administrer par aiguilles des substances illicites à des jeunes. C’est à la suite d’une série de témoignages de jeunes filles affirmant avoir été droguées par ce moyen que la police a pu opérer ces arrestations. »
— Dans des boites de nuit peut-être mais chez nous, en pleine nature, c’est beaucoup moins crédible, non ?
— Sauf si ces malfaisants ont étudié les habitudes d’Amandine. S’ils savent qu’elle passe tous les jours dans ce bois, ils ont pu établir un plan d’action. Le premier la bouscule volontairement, fait semblant de s’excuser, le deuxième arrive, rebouscule et le premier en profite pour injecter de la drogue à l’aide d’une mini-seringue à travers son collant de course.
— Tu penses que le produit injecté peut agir instantanément ?
— Ils ont pu utiliser un produit anesthésique qui endort en quelques secondes, ou peut-être du GHB.
— C’est quoi le GHB ?
— Tu n’étais pas encore dans notre collège quand l’adjudant-chef Lemoine nous a fait une conférence pour nous mettre en garde contre les drogues. Il nous a expliqué que le GHB est la drogue du violeur car la personne agressée ne garde pas le souvenir de ce qui s’est passé. Mais si nous sommes quasiment sûrs qu’elle a reçu une piqûre, nous ne pouvons pas être affirmatifs sur le contenu injecté. D’autant plus que je ne crois pas que le GHB endorme instantanément.
— Mais si Amandine a été enlevée, c’est dans quel but ? Tu crois que c’est pour la…
— J’ai essayé de réfléchir à la question et je pense qu’il peut y avoir cinq motifs possibles. Un : pour obtenir une rançon, deux : pour se venger des parents, trois : pour abuser d’elle, quatre pour la vendre à un réseau de prostitution étranger : et cinq pour en faire une esclave.
— Il n’y a plus d’esclavage à notre époque.
— J’ai lu quelque part sur internet que dans certains pays on séquestre des jeunes pour les obliger à exécuter toutes sortes de corvées. Je crois même qu’en France il y a encore des cas.
— Mais Amandine n’est pas fille à se laisser faire.
— D’accord avec toi, mais elle peut être sous l’influence de drogues chimiques diverses. C’est une jolie jeune fille de quinze ans, elle a pu susciter la convoitise d’hommes mal intentionnés.
— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
— Logiquement nous devrions donner nos informations et nos conclusions au gendarmes.
— Que pourraient-ils faire de plus que nous ?
— Lancer une alerte enlèvement, contrôler les ambulances, chercher dans leurs fichiers des affaires similaires. Mais si nous leur balançons toute l’histoire, ils vont nous interdire de continuer à chercher.
— C’est fort probable. Écoute Val, demain Bouboule va à l’hôpital avec Marion, attendons qu’il nous dise s’il a trouvé quelque chose. Pour l’instant contentons-nous de dire à tous les copains qu’Amandine a eu un malaise et qu’une ambulance s’en est chargée et qu’on ne sait rien d’autre pour l’instant.
— OK, je te laisse diffuser le WhatsApp à tout le groupe et recontactons-nous demain matin.

Après avoir regardé l’heure indiquée par l’ordinateur, Valentin serra la main de Charly, sortit, sauta sur son VTT et fonça à toutes pédales vers la maison de ses grands-parents. L’itinéraire du retour l’amena à passer une fois de plus par le camp scout. Il venait de dépasser le petit parking où avait été vue l’ambulance suspecte quand une idée fulgura dans son esprit. Il bloqua son frein arrière, fit un dérapage en demi-cercle qui balaya les gravillons du bord de la route. Quelques coups de pédales le ramenèrent au niveau du parc de stationnement matérialisé par un mini-talus herbeux entourant les quatre côtés, excepté l’espace d’entrée-sortie. Valentin laissa tomber son vélo contre le talus. Il pénétra dans l’espace clos où trois véhicules stationnaient encore. Il n’avait aucune idée de ce qu’il cherchait, il inspecta cependant un à un les emplacements libres sans rien remarquer. Il monta ensuite sur le talus périmétrique et, les yeux au sol, fit lentement le tour du petit parc. À l’opposé de l’entrée, dans les hautes herbes sur le versant extérieur du talus, il aperçut ce qui lui sembla être un bout de tissu blanchâtre qu’il tira en le saisissant entre deux doigts. Il sentit comme une résistance élastique à sa traction puis quelque chose céda et vint claquer sur sa main. De surprise il lâcha tout et regarda la cause de sa frayeur. Il reconnut une mini-sacoche en toile beige maculée de noir présentant une face en matière transparente et entourée par un ruban élastique. « Oh, nom d’un chien, on dirait un brassard pour téléphone de jogger… C’est peut-être celui d’Amandine… Serait-ce elle qui a délibérément jeté le sien pour laisser un indice ? » Il réfléchit intensément pendant quelques instants. « Non, ce n’est pas logique, elle ne l’aurait pas jeté en dehors du parking côté pâturage mais plutôt discrètement laissé tomber sous l’ambulance… Non, ça ne peut pas être ça non plus, si elle a été droguée, elle devait être inconsciente… Alors, si ce n’est pas elle qui l’a jeté, c’est forcément ses ravisseurs, mais pourquoi ? » Ne trouvant pas de réponse à son interrogation, il allait remonter sur son vélo quand une autre idée lui vint à l’esprit. « Les ravisseurs ont peut-être pensé que le smartphone avait l’autorisation de détecter sa géolocalisation. Pour éviter d’être retrouvés, les ravisseurs ont dû détruire et jeter le smartphone… Il faut que je retourne chercher. »
Pendant plusieurs minutes Valentin examina les herbes du talus. Ne trouvant rien, il franchit la clôture séparant le parking du pâturage voisin où paissaient quelques génisses. Les herbes y étaient plus rases à part quelques buissons d’orties et de chardons délaissés par les animaux. C’est dans l’un deux qu’il trouva un smartphone, vitre cassée, corps de l’appareil plié tordu, probablement à coups de talons, totalement inutilisable. Il récupéra l’engin, le glissa dans une poche de son bermuda et repartit vers son domicile.
Tout en roulant, il songeait à la suite à donner à l’affaire compte tenu des derniers renseignements obtenus. « Dois-je en parler à mes grands-parents ? J’ai confiance en eux mais non, ils m’obligeraient à tout dire tout de suite à la gendarmerie. Je vais préparer un autre WhatsApp pour avertir l’équipe. Ensuite, bah, la nuit porte conseil.