Trois policiers du commissariat de la ville avaient été appelés en renfort des deux brigadiers Guimard et Dufournet par l’adjudant-chef Lemoine. Les gendarmes étaient en tenue officielle dans une Dacia banalisée aux vitres teintées garée dans la descente à trois-cents mètres en amont de la remise tandis que les policiers en civil, brassard officiel dans la poche, patientaient dans une 308 Peugeot sans signes distinctifs garée dans l’herbe du bas-côté à deux cents mètres en aval de la grange.
— Prêts ? demanda l’adjudant-chef Lemoine dans son micro boutonnière.
— Affirmatif en aval. Affirmatif en amont, entendit-il en retour.
— Opération Val du Mont déclenchée !
Sortant son portable personnel, il tapa de mémoire le numéro de Valentin, lequel stoppa son VTT en pleine montée au col et prit aussitôt l’appel.
— Action, dit simplement le chef.
— OK, répondit le garçon qui mit l’appel en attente et envoya à Olivier un SMS préparé d’avance : « Comme convenu » puis il reprit la ligne et répondit : « c’est fait, bonne chance ! »
À peine dix minutes tard, deux hommes, sacs au dos, sortirent d’une maison à l’entrée du village voisin et coupèrent à travers la prairie en direction du hangar, ce que voyant, deux des policiers habillés en civils-paysans sortirent de leur voiture, l’un portant un panier, l’autre une pelle à l’épaule et remontèrent la route en direction du col. Les deux kidnappeurs étaient arrivés dans la remise. Le vieux tracteur, fumant et hoquetant sortit en marche arrière dévoilant la présence du fourgon blanc. Le tracteur stoppa en pleine prairie, son conducteur sauta prestement au sol. Juste quand il repénétrait dans la grange, une mini-explosion suivie d’un chuintement se firent entendre. Quelqu’un cria : « Putain ! » La portière chauffeur du fourgon claqua rageusement. La voix reprit : « Viens m’aider Mat, j’ai roulé sur une putain de binette, le pneu a éclaté. Sors la roue de secours. »
— Besoin d’aide messieurs ? demanda l’un des policiers en entrant dans la remise.
— Non, ça va aller, merci.
— Vous avez deux roues crevées, vous êtes sûr qu’on ne peut rien faire ?
— Comment deux roues ?
— La roue arrière là aussi, fit le policier au panier.
— Oh putain de putain ! hurla Freddy.
C’est le moment que choisit Lemoine accompagné du brigadier Guimard pour se présenter à son tour à l’entrée du vaste local.
— Qu’est-ce qui se passe ici ? demanda l’adjudant-chef en entrant délibérément.
— Rien de dramatique mais j’ai deux roues crevées à mon fourgon. Je vais faire réparer.
— Peinture plâtrerie Lumiaz, vous êtes artisan ?
— Oui, heu non, en fait Lumiaz m’a prêté son fourgon.
— C’est quoi ce gyrophare sur le siège à l’intérieur ? Vous n’êtes pas plutôt en train de voler ce véhicule ?
— Heu, pas du tout, je vais vous expliquer. Je voulais juste le déplacer pour ranger mon tracteur au fond.
— C’est vous l’agriculteur propriétaire de ce hangar ?
— Heu non, on a loué un emplacement pour garer notre fourgon.
— Votre fourgon ? Ce n’est pas clair cette affaire. Montrez-nous vos papiers.
Les deux malfrats échangèrent un bref regard et se ruèrent vers l’extérieur, Freddy fut aussitôt bloqué par le policier à la pelle mais Mathis réussit à raffuter l’autre et détala vers l’amont de la route.
Lemoine hurla dans son micro :
— Dufournet, un homme court vers vous, capturez-le.
Au dernier moment le brigadier sortit de la voiture et se mit bras écartés au milieu de la route en criant « Halte ! ». Mathis raffuta un bras tendu du gendarme et continua au maximum de sa vitesse de course vers le col. Valentin, stationné vélo à la main, bien que loin de l’action n’avait rien perdu de la séquence qui venait de se jouer. Il remonta sur son VTT et, l’air innocent, roula doucement vers le début de la descente. Au dernier moment, il donna un brusque coup de guidon et percuta au niveau du genou l’homme qui ne s’y attendait pas. Tous deux tombèrent lourdement au sol. Le dénommé Mathis tenta de se relever et de courir en tenant à deux mains son genou blessé. Valentin bien que sonné lui aussi mais s’attendant au choc donc moins secoué se releva plus facilement en se frottant une fesse.
— Pardon ! cria-t-il, je ne l’ai pas fait exprès ! Et il se mit à rire.
La voiture des policiers avec simplement son chauffeur et Lemoine en passager passa, moteur hurlant, rasa le Dacia de la gendarmerie et frôla Valentin qui esquiva en torero. L’adjudant-chef, SIG Sauer au poing, bras sorti par la portière tira une fois en l’air en hurlant :
— Halte, dernière sommation.
Le voyou, boitant de plus en plus, s’effondra sur le bas-côté herbeux et leva les mains. La 308 chassa en freinant, stoppa à son niveau. Le chauffeur descendit, menottes prêtes.
— Allongé sur le ventre, tout de suite cria l’adjudant-chef, pistolet encore à la main. Les menottes claquèrent. Dans la voiture ! aboya-t-il encore.
Vaincu, l’homme s’exécuta. La 308 fit demi-tour et retourna vers la remise pendant que Lemoine dans son micro annonçait : « Opération Val du Mont terminée, retournons vers la grange pour perquisition du véhicule. »
Un quart d’heure plus tard, quand les deux voitures des autorités dépassèrent Valentin qui roulait tranquillement dans la descente, l’adjudant-chef, bras passé par une vitre baissée, menaça le garçon de plusieurs mouvements de l’index.
Valentin s’arrêta, se rangea sur le bas-côté, sortit son téléphone et tapa un SMS pour l’adjudant-chef : « Pour Amandine, il ne fallait pas qu’il s’échappe. Pardon et bravo à vous. Je vais bien. »