VALENTIN ET LA NOUVELLE

34. CONCLUSIONS D'ENQUETE

Pendant la récréation, Valentin et ses amis rirent encore du bon tour joué à Jade. Celle-ci, adossée contre le tronc d’un peuplier, l’air buté, semblait plongée dans la contemplation de l’écran de son smartphone.
Valentin eut un instant l’envie de lui téléphoner pour atténuer le ressentiment qu’elle devait avoir de s’être fait bernée. Il sortit l’appareil qu’il avait mis en mode avion avant d’entrer en classe et le réactiva. Presque immédiatement il vibra dans sa main et l’icône « message » afficha le chiffre 2. Il s’éloigna un instant du groupe pour consulter sa correspondance en toute tranquillité.
Le premier message émanait du père de Jade qui le félicitait pour les conclusions qu’il avait tirées du peu d’éléments disponibles dans l’enquête sur l’agression de sa fille, conclusions qui, après investigations à Nouméa, s’étaient avérées exactes. Il ne donnait pas directement le nom de l’agresseur mais celui-ci ne laissait aucun doute.
Le second venait de son grand-père lui disant avoir eu la visite de Lemoine. Celui-ci lui demandait de passer avec Gilles le voir à la gendarmerie après les cours de la journée.
Un instant songeur, il finit par composer le numéro de Jade pourtant à moins de quarante mètres de lui. Celle-ci qui avait toujours les yeux sur son écran leva et tourna la tête vers lui. Il lui fit un signe d’assentiment tout en levant un peu son appareil.
— Qu’est-ce que tu veux encore ? demanda-t-elle d’un ton acerbe après avoir accepté la communication.
— Je veux d’abord que tu m’excuses pour la petite scène que nous t’avons jouée en histoire-géo. Il n’y avait aucune méchanceté, aucune intention malveillante de notre part.
— Si c’est tout ce que tu as à me dire, ce n’était pas la peine d’user ton forfait.
— J’ai autre chose. Ton père vient de me confirmer que ton agresseur, c’était effectivement Maël. Ce serait bien que tu réfléchisses à ce que peut ressentir quelqu’un que tu séduis et laisses tomber ensuite. Ça peut faire très très mal et tu as vu comment certains peuvent réagir. Voilà.
Oublie tes jouets, oublie Charly, oublie Florian, oublie Pierre-André et tous mes autres amis et peut-être que des journées sympas comme la sortie canoë d’Olivier pourront se reproduire. Nous avons math maintenant, j’ai bien compris que ce n’est pas ton point fort. Reprends ta place entre Morgane et moi, si tu as une difficulté, peut-être que Morgane pourra t’aider si tu ne veux pas me demander. Ça sonne, allez ma belle, tu as le droit de m’envoyer un sourire ! Jade lui tira la langue avant de sourire.

À dix-sept heures, Valentin accompagné de Gilles se présenta devant la porte-grille de la gendarmerie qui s’ouvrit sans qu’ils eussent besoin de sonner, signe qu’ils étaient guettés. Dès leur entrée dans le bureau des brigadiers encombré de cartons, l’adjudant-chef Lemoine sortit du sien et tendit la main vers les deux adolescents.
— Bonsoir les jeunes, claironna-t-il. Dites, vos vélos ne sont pas équipés des lumières règlementaires à ce que j’ai pu voir, il va faire nuit, vous serez obligés de rentrer chez vous en les poussant.
— Je suppose que ce n’est pas pour nous faire cette remarque que vous nous avez convoqués au crépuscule, répliqua Valentin en sortant et en agitant une lampe frontale de son mini-sac à dos.
— Toujours aussi pointu, hein ? Non, je vous ai convoqués pour vous offrir un goûter, entrez dans mon bureau.
Gilles jeta un regard étonné à son ami qui se contenta d’un petit sourire en réponse.
— Du thé ou du thé avec les petits pains au chocolat ? continua Lemoine.
— Ce sera du thé pour moi, s’amusa Gilles.
— J’hésite mais je crois que je prendrai la même chose.
— Guimard ! Faites chauffer de l’eau et apportez trois tasses, cria l’adjudant-chef à travers la porte. Alors les petits détectives, devinez pourquoi vous êtes ici.
— Pas pour défaut de lumière, pas pour trafic de cannabis, pas pour vol… À part mon retard de deux minutes ce matin au collège, je ne vois pas, répondit d’abord Gilles, les yeux pétillants de malice.
— Et toi ? continua Lemoine en désignant Valentin du menton.
— Je dirai que c’est pour avoir fait en sorte d’encombrer les locaux de la gendarmerie de volumineux cartons.
— Tout juste ! Je n’attendais pas de nouvelle attribution avant au moins trois ans. Une imprimante photocopieuse professionnelle, trois nouveaux ordinateurs portables, comment as-tu réussi le miracle de cette dotation anticipée? — Simplement en obligeant une jeune fille à se baigner en hiver, le reste en a découlé, si je peux me permettre la métaphore, comme dit notre professeure de français. Je constate avec plaisir que monsieur Devienne est un homme de parole et d'action rapide. — Exact. Il m’a d’abord confirmé que vos déductions suite à l’agression de sa fille ont permis de confondre le coupable, là-bas en Nouvelle Calédonie. Le dénommé Maël serait venu avec ses parents dans la région à l’occasion de leur quatrième période de vacances. Il aurait obtenu les renseignements concernant Jade et sa famille avant de partir en questionnant d’autres zoreilles comme ils disent. Il a eu les derniers renseignements sur les allées et venues de votre camarade en téléphonant à un autre jeune dont j’ignore le nom. Sachant qu’elle accompagne régulièrement son père le samedi, il a épié son arrivée, l’a suivie et s’est vengé d’elle de cette abominable façon. Heureusement pour elle que vous passiez par-là et que tu aimes te baigner en hiver ! conclut Lemoine en entrant dans le jeu de Valentin.
— Quelle sera sa sanction ? demanda Gilles.
— Comme votre camarade Jade n’a pas d’incapacité permanente, il sera probablement condamné à une bonne dose de travaux d’utilité publique et une interdiction de revenir dans la région.
Autre chose, monsieur Devienne voulait te récompenser Valentin. Pourquoi as-tu choisi… de me faire livrer des cartons ?
— Écoutez monsieur Lemoine, j’ai tout ce qu’il me faut chez mes grands-parents. Pour me distraire, j’ai d’excellents amis et même quelques ennemis. J’ai trouvé cette solution qui va améliorer les conditions de travail de vos subordonnés, solution qui ne coûte rien à monsieur Devienne puisqu'il a simplement dû faire appuyer par le préfet votre demande de dotation. Vu comment vous nous recevez, cela vous fait plaisir, donc à nous aussi.
— Merci Valentin, merci à vous deux. Dis-moi Valentin, tu ne m’as jamais parlé de ce que tu veux faire plus tard Valentin. Tu as toutes les qualités pour réussir dans une école d’officiers ou de police.
— Je n’ai aucune idée concernant ma future orientation. Vous savez, ce n’est pas parce que j’aime trouver des solutions que je veux devenir enquêteur. Ah, tiens à propos, vous vous souvenez de Mehdi Elhadj et Quentin Malfroid, les deux qui nous avaient racketté Gilles et moi ? Et bien ils continuent leur petit trafic de cannabis. Pris récemment par la police avec du shit sur eux, ils ont été admonestés puis libérés.
— Hein ? Comment tu sais ça ?
— C’était pendant ma garde à vue à l’hôtel de police dans le bureau du lieutenant Marchais. Quand j’étais seul, bizarrement, une feuille de papier est tombée de son bureau alors que j’attendais en me gelant.
— Un coup de vent, sans doute !
Valentin sourit malicieusement avant d’enchainer :
— Mon œil s’est posé dessus un instant par mégarde.
— Ce qu’il y a de bien avec toi, c’est que quand tu mens, tu t’arranges pour qu’on sache que c’est un mensonge.
— Donc en fait je ne mens pas.
— Si on veut. Vous n’êtes pas retourné vous frotter à cette mauvaise graine, j’espère ! Danger puissance dix quand il s’agit de drogue ! — Non, rassurez-vous. Mais à la réflexion, peut-être que nous pourrions... — Valentin tu es incorrigible !


Fin du tome 8 des aventures de Valentin.