VALENTIN S'AFFIRME

4. REPORTAGE

Relativement satisfait de sa journée au collège, à la fois content et navré d'avoir si totalement contré Emily, heureux d'avoir, avec son équipe de copains, gagné le petit match de volley qui, en cours d'EPS, l'avait opposé à Tony, Clément, Romuald complétés par Adrien, Lucas et Alexis les trois autres garçons de la classe, Valentin loin de son état de délabrement mental physique et sentimental de la veille rentra chez lui en sifflotant.
Dès son arrivée, sa grand-mère s'empressa, le bombardant de questions.
— Valentin, ça va ? Tu te sens bien ? Tu n'as plus de fièvre ? Tu n'es pas fatigué ?
— Tout va bien Za, ton breuvage au thym et au citron s'est montré particulièrement efficace, je me sens en forme.
— Bon, tant mieux. Tu veux du thé ou du chocolat pour goûter ?
— Du thé rouge avec un bol de céréales s'il te plaît.
— Je te fais ça tout de suite. Tiens, tu as du courrier, une lettre bizarre, on dirait qu'elle vient d'Angleterre.
Valentin prit un couteau de cuisine, découpa soigneusement le rabat de l'enveloppe, sortit deux feuillets dactylographiés. D'abord sourcils froncés puis un large sourire illuminant son visage, il lut les feuilles à en-tête.
— Bonne nouvelle mon petit Valentin ? Tu as l'air tout réjoui.
— C'est une lettre de la BBC London & South East, C'est une télévision régionale anglaise, un peu comme FR3 Auvergne-Rhône-Alpes chez nous. Ils veulent faire un reportage sur moi.
— Sur toi ? Et en quel honneur ?
— Parce que, quand j'étais en Angleterre avec le collège, j'ai pris la défense d'une jeune femme qui se faisait agresser par un sale type.
— Hein ? Tu t'es battu ? Tu ne nous as pas dit ça !
— Non, rassure-toi, j'ai simplement demandé aux gens qui étaient là de se mobiliser et ça a marché.
— Tu aurais pu nous en parler !
— Je ne pensais pas que cela en valait la peine, d'ailleurs j'avais presque oublié l'incident.
— Tu veux donner suite à cette demande de la télé anglaise ?
— Pourquoi pas. Je suis curieux de voir comment fonctionne le milieu de la télévision. Ils me demandent, au cas ou j'accepterais, si je peux trouver dans la région une équipe de tournage pour faire un petit reportage sur moi et mon environnement, sinon ils enverront une délégation de techniciens.
— Donc tu vas dire oui et accepter qu'une équipe de la télévision anglaise vienne ici.
— Je pense plutôt au groupe qui a effectué le reportage sur la venue du ministre dans le collège. Le responsable du tournage m'avait donné une carte avec ses coordonnées, je dois encore l'avoir dans mon secrétaire, je vais la chercher.
Valentin monta trois par trois les marches de l'escalier menant à sa chambre, ouvrit un petit tiroir de son meuble secrétaire et en sortit un bristol imprimé.
— Voilà, je l'ai retrouvé Za. Christophe Dumont. Mise en scène et réalisation. Théâtre, cinéma et télévision et il donne une adresse ainsi que deux numéros de téléphone. Si Yanco et toi vous êtes d'accord, je l'appelle dès ce soir.
— Comment ça va se passer ?
— La BBC veut m'inviter dans un de leurs studios à Londres pour une émission de témoignage. Je te traduis le titre : « Témoignages. Peur ou indifférence, le manque de réactions des témoins de violences. » A mon avis, ils ont pensé à moi parce que je suis un jeune qui est intervenu pour défendre une personne agressée alors que beaucoup d'adultes témoins de la scène n'ont pas bougé. Je me demande d'ailleurs comment ils ont fait pour me retrouver… Ils veulent d'abord me présenter par un reportage sur moi dans la vie de tous les jours : collège, famille, environnement, fréquentations.
— L'équipe de tournage va venir filmer ici ? Il faut que je fasse le ménage à fond.
— Ne t'inquiète pas Za, la maison est toujours nickel, il n'y a pas une poussière qui ose montrer le bout de son nez !
— Comment tu vois le tournage ?
— Le plus simplement du monde : moi avec mes copains, moi ici dans la cuisine, la salle à manger, le coin salon puis en haut dans ma chambre. Aussi moi en VTT au bord du lac, moi au collège. Je pense d'ailleurs que Dumont, s'il accepte de tourner, va ressortir une partie du film réalisé dans la classe lors de la venue du ministre.
— Nous avons été bien fiers de toi lorsque nous avons vu ce reportage aux actualités régionales. Tiens, j'entends ton grand-père qui rentre la voiture, tu vas pouvoir lui demander la permission mais je pense qu'il dira également oui.

« Allô monsieur Dumont ? Excusez-moi de vous déranger, je suis Valentin Valmont, un élève du collège de Saint Thomas du lac en Haute Savoie. Vous y avez fait récemment un reportage sur la venue d'un ministre dans ma classe. Oui, très bien. J'étais un peu intervenu dans la discussion et à la fin de la séance, vous m'aviez donné une carte de visite avec vos coordonnées en me disant : prends, ça pourra peut-être te servir un jour. Vous vous souvenez ? Et bien ce jour est venu. La télévision anglaise veut un portrait filmé de moi dans mon environnement et j'ai pensé à vous plutôt qu'à une de leurs équipes. Seriez-vous d'accord ? Oui ? Formidable ! Le calendrier ? L'émission est prévue mi-février, il faudrait qu'ils aient le reportage pour la dernière semaine de janvier. Vous avez un créneau ? Vers le quinze janvier ? Extra. Qui paye ? Les anglais bien sûr. Je dois leur fournir le numéro de téléphone de l'équipe qui va réaliser le tournage si j'en trouve une, oui, pour les mises au point financières. Oui, d'accord, je vais également vous donner mon numéro de portable. Euh... ne m'appelez pas pendant les cours n'est-ce pas. Merci, à bientôt monsieur Dumont.
— Et bien, on peut dire que tu ne laisses pas traîner les choses toi !
— C’est toi Yanco qui dit qu’il faut battre le fer quand il est chaud.