Dès la fin de cette étrange journée de classe, Valentin se rapprocha à nouveau de son ami.
— Tu sais Gilles, il faut vraiment que tu apprennes à te défendre par toi-même. Tu te souviens de ma grande bagarre contre le Thénardier l'an dernier ? Tu te rappelles la technique que j'avais utilisée pour le neutraliser ?
— Oui, tu nous avais parlé d'une boxe spéciale.
— De boxe française exactement. Il faut absolument que tu saches les rudiments de ce sport idéal pour se défendre. C'est pour ça que j'aimerais passer chez toi tout à l'heure après la classe. Le temps de rentrer prendre mon survêtement et mes baskets et j'arrive. Pourrons-nous nous entraîner dans ton garage ?
— Je vais replier la table de ping-pong et faire de la place.
— A part la course à pied difficile à pratiquer dans un garage, fais l'échauffement que Filedoux nous a appris, plus des assouplissements de jambes.
— Dis donc tu prends ton rôle au sérieux !
— Si nous devons nous battre contre la bande au Thénardier, ce sera du sérieux également ! Dans vingt minutes je suis chez toi.
Effectivement, vingt minutes plus tard, Valentin se présenta à la porte de la maison de Gilles. Après avoir bien civilement salué les parents de son ami et serré la main de son grand frère, ils s'isolèrent dans le garage.
— Tout d'abord, voici comment on se met en garde, c'est un peu différent de la boxe anglaise. Tu es droitier donc tu tends ton bras gauche devant toi, à l'horizontale, poing fermé, et tu mets ton poing droit au niveau de ta joue droite, coude au corps. Avance ton pied gauche et ouvre le pied droit, perpendiculaire à l'autre, un peu plus écarté qu'en garde anglaise. Oui, top ! Dès que tu as porté un coup, tu dois très vite revenir en garde. Ton poing droit tient l'adversaire à distance et ton gauche protège ton visage et ton foie. Je vais t'apprendre deux coups de pied par jour, si nous avons quatre jours de répit, tu connaîtras huit séquences et c'est suffisant pour bien se défendre.
Première technique : coup de pied bas de la jambe arrière au tibia de l'adversaire. Si ce coup arrive à destination, il fait horriblement mal. Regarde bien, tu te cambres en arrière comme un arc en baissant les deux bras et en même temps tu lances ton pied droit vers le milieu de la jambe de l'adversaire. Je répète trois fois le geste… Voilà, à toi, dans le vide pour commencer. Pas mal, recule bien la tête pour éviter un éventuel coup de poing au visage, oui, c'est ça. Face à moi maintenant.
— Mais je vais te faire mal, je n'en ai pas envie...
— Ne t'inquiète pas, je saurai esquiver le coup. Frappes comme si c'était Tony en face de toi.
— T'es sûr ?
— Absolument certain.
Gilles se cambra et lança son pied arrière que Valentin esquiva facilement en relevant son genou gauche vers son épaule droite.
— Tu es beaucoup trop lent. L'adversaire a le temps de réagir. Il faut qu'à chaque coup que tu portes, tu déclenches la foudre. Et puis tu es trop loin de moi, si je n'avais pas esquivé ton pied, tu n'aurais pu que m'effleurer. Contre Tony et sa bande, nous n'allons pas nous battre à fleurets mouchetés mais au contraire comme si notre vie en dépendait. Allez, répète le geste ! Oui, c'est mieux mais encore trop lent. Allez, encore ; encore ; encore !
Dès que tu as porté le coup, tu reviens en garde, n'oublie pas. OK. Maintenant, l'esquive, tu m'as vu faire ? Alors je te porte le coup, d’abord lentement puis de plus en plus vite, lève bien le genou, non, pas devant toi, il faut que tu protèges tes parties... vitales, vers l'épaule droite le genou gauche ! Oui, ça vient. Oui, c'est ça.
Une riposte maintenant : le genou que tu viens de lever pour esquiver, c'est la préparation du coup qui suit. Tu détends ta jambe en visant le genou de la jambe avancée de ton adversaire. Cela s'appelle un chassé bas, comme si tu le repoussais du pied mais avec vitesse et énergie. En fait, tu peux viser le genou mais aussi le corps si tu es suffisamment souple. Dans ce cas tu baisses ton buste à l'horizontale et tu frappes. Allez mon vieux, dans le vide trois ou quatre fois… OK, contre moi, vas-y franchement. Oui, c'est bien Gilles, tu es plus doué pour la bagarre que tu ne crois. Allez, je te montre la fin de la séquence. Si on tente sur toi le coup de pied bas que je t'ai appris au début, tu esquives et tu ripostes par un chassé, ensuite tu reprends appui sur le pied qui vient de frapper et tu finis par un direct du gauche au visage et tu te remets en garde. Je te montre tout l'enchaînement. Esquive, riposte, appui, direct, en garde. Esquive, riposte, appui, direct, en garde.
Bon, ça suffit pour ce soir, demain je t'apprendrai à tirer au flanc, mais pas comme tu l’espères !