« Za, voici la liste de tous ceux que je veux inviter. Avec moi, nous serons donc douze. C'est trop pour vous ? »
— Penses-tu, quelques gâteaux à faire cuire. Clafoutis et tartes aux fraises, ça te conviens ?
— Il faudrait que je sois difficile !
— Prévois d'acheter cinq ou six bouteilles de limonade ou de soda, ce que tu veux. Je te laisse aussi organiser la table. Celle du jardin ne suffira pas, tu vas devoir sortir les tréteaux et le plateau en bois ainsi que les deux bancs. Le temps sera un peu orageux, prévois aussi de te replier dans le garage au cas où.
— OK, pas de problème Za, j'organise.
— Tu as de nouveaux amis, je vois.
— Il y a Amandine Fontaine, Quentin Ouvrard et Margot Chevril.
— Il en est où le père de Margot ?
— Il a acheté sa tondeuse à gazon professionnelle et quelques outils indispensables. Il a également déclaré la création de son entreprise à la chambre des métiers. Ce sont des tracasseries et de la paperasse m'a-t-il dit mais il va y arriver tellement il est motivé. Il veut vraiment s'en sortir pour sa fille.
— C'est grâce à toi tout ça.
— Et à mes amis mais il s'agit surtout d'un enchaînement de circonstances. L'autre jour j'ai entendu à la radio un homme qui disait « là où il y a une volonté, il y a un chemin ».
— C'est souvent vrai.
— Dans le cas du père de Margot il y a eu une volonté et beaucoup de bonnes volontés. Je vais bientôt mettre fin à la souscription sur internet et remercier tous les donateurs. Il faudra aussi que j'organise sa publicité, je verrai cela plus tard, pour l'instant je vais acheter les boissons pour le goûter des copains.
— Prends mon porte-monnaie sur le buffet de la cuisine.
— OK, à tout à l'heure Za.
— Bienvenue à vous tous mes amis. Demain nous serons en vacances et nous allons forcément nous perdre de vue. C'est un peu triste alors j'ai voulu vous remercier tous en organisant ce petit goûter.
— Nous remercier de quoi ? interrogea Olivier.
— D'être mes amis. Quand je suis arrivé dans ce village, vers le milieu du mois d'octobre dernier, je ne connaissais personne, je ne connaissais pas la France bien que j'y sois né et que j'y ai vécu mes cinq premières années.
— T'es né où ? demanda Florian.
— Ici. Je suis savoyard comme vous. Mon père a épousé ma mère, heu oui, d'accord, j'enfonce une porte ouverte, mais ma mère est Australienne ; quand elle a hérité de la ferme de ses parents, nous sommes allés vivre la-bas, vers Melbourne, à près de vingt milles kilomètres, un pays où l'on parle l'anglais. Mes parents m'ont appris en même temps les deux langues. À la ferme nous parlions indifféremment l'anglais ou le français.
— Et tu ne mélangeais pas tout ? s'étonna Mathilde.
— Absolument pas, même à six ou sept ans, c'est bizarre mais quand on s'exprime, on ne confond jamais les deux langues, on te parle en anglais, tu réponds en anglais, on discute en français, tu participes en français. Donc, quand je suis arrivé, j'étais un peu stressé forcément, surtout que mon premier contact élève a été le Thénardier qui m'a fait mauvaise plaisanterie, vous vous rappelez Radissel ? Heureusement, j'ai tout de suite été adopté par Gilles ici présent. Merci Gilles, c'est grâce à toi que je me suis vite adapté.
— Et que tu es devenu le meilleur ! appuya Bouboule.
— Oui, compléta Florian, je me demande comment tu fais pour toujours trouver une solution à tous les problèmes.
— Et toi, comment tu fais pour être aussi fort en gym et au foot ?
— Ben j'suis comme ça et je m’entraîne, j'aime pas perdre !
— Tu as tout trouvé. C'est valable dans tous les domaines, Flo. Quand il y a un problème, moi non plus je n'aime pas perdre alors je cherche des solutions.
— Dis donc Val, c'est pour les faire admirer que tu as mis des gâteaux sur la table ? fit malicieusement Bouboule en lançant un clin d’œil.
— Allez-y, servez-vous, mangez, buvez, je ne vais pas vous tenir la main !
— Attends, d'abord est-ce que tu vas nous dire comment vous avez fait Gilles et toi pour votre numéro de magie ? demanda Pauline, j'ai trouvé ça extraordinaire, j'ai beau chercher, je ne comprends toujours pas.
— Oui, dis-nous, pressèrent les amis.
— On refait un numéro ? proposa Gilles.
— Si tu veux, je vais chercher de quoi me bander les yeux.
— Tu nous diras, toi ? Parce que je suis comme Pauline, avoua Lucie.
— Ben non, peut-être qu'on resservira le même plat l'an prochain mais je vous donne un indice : écoutez bien les paroles que je vais prononcer. Val va mettre son bandeau et en plus, il va nous tourner le dos, hein Val ? Êtes-vous prêt maître Nitlav ?
— Je suis prêt monsieur Sellig.
Gilles se leva, alla se placer derrière Amandine et mit la main sur l'épaule de la fille.
— Maître Nitlav, À Mon Avis vous allez reconnaître la personne qui est devant moi.
— Vous êtes derrière une fille aux longs cheveux roux, elle est depuis peu dans notre groupe, elle a récemment compris beaucoup de choses sur nous, il s'agit d'Amandine Fontaine.
— C'est incroyable, hein ? dit Lucie à Amandine.
— Stupéfiant ! Et dire que Tony pense que Valentin un con !
— Oh, celui-là, ne m'en parle pas !
— Je me déplace, poursuivit Gilles, voilà... Maître Nitlav, Maintenant Avez-vous Reconnu cette personne ?
— Vous êtes encore derrière une demoiselle, elle a des cheveux blonds coupés court, elle vient d'être admise en quatrième comme nous tous, elle fait partie de notre groupe bien que n'étant pas encore dans notre classe, bienvenue Margot Chevril.
Margot, les larmes aux yeux se leva et se dirigea vers Valentin qui ôtait son bandeau.
— Tu me permets Valentin ? demanda-t-elle d'une voix étranglée ; elle lui appuya deux baisers sur les joues et se serra contre lui en l'entourant de ses bras. Merci, merci pour tout ce que tu as fait pour mon père et pour moi.
Elle dénoua ses bras et les joues mouillées, se tourna vers la grande table des convives :
— Et merci à vous tous aussi, je n'oublierai jamais.
— Je n'ai toujours rien compris à votre truc, avoua Pauline pour changer l'ambiance. Bien sûr vous n'allez pas nous le dire.
— Non, mais je vais vous montrer celui de la corde à nœud qui devient lisse. Je vais chercher ma ficelle magique.
Valentin disparut un instant dans le garage et revint avec une cordelette présentant trois nœuds sur sa longueur.
— Tiens bien le bout, Pauline dit-il en lui présentant l'extrémité du cordage. Il emprisonna la corde dans ses deux mains réunies près de celles de Pauline et recula lentement. Les nœuds disparurent l'un après l'autre au contact de ses mains, laissant le cordage parfaitement lisse.
— Tu as compris ?
— Non, répondit Pauline d'un mouvement de tête.
— Alors regarde. Valentin ouvrit ses deux mains et présenta trois petits bouts de la même cordelette, voici les nœuds !
— J'ai compris, s'écria Mathilde, ce sont des nœuds factices !
— Des nœuds quoi ? s'étonna Florian.
— Des faux nœuds. En réalité, la corde n'est pas coupée du tout, les nœuds sont rajoutés dessus, j'ai bon ?
— C'est tout à fait cela, Mathilde, tu viens de comprendre le principe de la magie.
— Là, d'accord mais pour la divination, je n'ai pas encore saisi le truc.
— Ça t'occupera pendant les grandes vacances, répliqua Gilles. Et la corde qui se détache de la ceinture de Valentin alors qu'il était solidement attaché, vous avez compris ?
— Quand tu t'es cassé la figure sur scène ? demanda Bouboule en rigolant rétrospectivement.
— Oui, c'est ça. Je vais vous refaire le truc. Tu as une corde un peu plus longue et plus solide, Val ? Et il me faut aussi un escabeau.
— Mon grand-père possède un bout de corde d'attache pour cordée en montagne, je vais te la chercher.
Gilles se dirigea vers un pommier du jardin, déplia l'escabeau à cinq marches et noua la corde en son milieu sur une branche horizontale. Il enleva la petite échelle et s'adressa à l'assemblée.
— Regardez, dit-il en saisissant un des deux brins de corde, je grimpe juqu’à toucher la branche. Qui veux essayer ?
— Moi dit Florian, le grimper c'est aussi ma spécialité.
— Tu n'as pas peur de tomber ? insinua Gilles.
— Tu plaisantes !
— Bon, vas-y alors, répliqua Gilles en tendant un brin à son copain.
Florian sauta et attrapa la corde le plus haut qu'il put. Patatras, la corde se dénoua et Florian se retrouva assis sur le gazon, déclenchant l'hilarité de l'assemblée.
— Tu m'as piégé, hein ? dit Florian beau joueur.
— Oui, un peu. C'est avec ce même nœud que j'avais attaché Valentin-Nitlav quand je l'ai traîné sur scène. C'est le nœud de l'évadé : tu tires sur un brin, le nœud se serre, tu tires sur l'autre, la corde se détache sans avoir à la dénouer et tu peux la récupérer. Regardez, je vais refaire le nœud sans cacher ce que je fais cette fois.
Gilles, remonta sur l'escabeau et habilement réalisa les trois ganses imbriquées.
— Voilà, le brin solide c'est celui-ci , je tire dessus et il résiste ; l'autre, c'est le piège au Florian, une petite traction et tout vient, comme ça. Tu ne t'es pas fait mal Flo ?
— Non, ça va, je suis déjà tombé plus brutalement. Je ne sais pas pourquoi voir quelqu'un tomber sur le cul ça fait toujours rigoler, heu... moi le premier d'ailleurs. Bon, je ne suis pas que nul, Val, prête-moi ton ballon de volley, je vais vous refaire ma démonstration de jonglage : mon record c'est cent dix huit touches. Merci, c'est parti, un, deux, trois, quatre...
— Moi, je coupe un clafoutis, dit Pauline, hum, il est aux griottes, mes cerises préférées, douze parts, pas facile mais je vais essayer d'être équitable. Euh attention les gourmands, il y a des noyaux, c'est d'ailleurs ce qui donne bon goût au gâteau. Hum, comme c'est moi qui l'ai coupé, j'ai droit aux miettes !
— ... cinquante deux, cinquante trois, cinquante quatre... Donne moi ma part Pauline, cinquante cinq, je ne peux pas arrêter, cinquante six, je suis trop, cinquante sept, bien parti...
— Quel est ton meilleur souvenir de cette année scolaire, Valentin ? demanda Mathilde.
— Bonne question, donc réponse très difficile. J'ai de très bons souvenirs avec chacun d'entre vous.
— Mais si devais n'en sélectionner qu'un seul ? Ce qui t'a le plus marqué ?
— Si je réponds trop franchement je vais faire des jaloux.
— Mais non Val, on te connaît bien maintenant, on te promet de ne pas t'en tenir rigueur, amadoua Olivier.
— Vous d'abord, répondit Valentin en retournant le piège. Toi Mathilde, ton meilleur souvenir ?
— C'est quand tu as sauvé Théo mon petit frère du sale type qui le rackettait.
— Gilles ?
— Le jour où nous avons sauvé mon chien Zoreille et aussi quand nous avons fait arrêter les trafiquants de diamants, ce qui en plus nous a rapporté une belle prime.
— cent dix, cent onze, cent douze... Moi c'est quand, cent treize, Valentin, cent quatorze, a sauvé, cent quinze, la vie, cent seize, à ma sœur, cent dix sept, Chloé... FLÛTE ! Raté, à deux touches près, je n'y crois pas ! Jamais je n'oublierai Valentin.
— Bah, consola Bouboule, oublie-le ton record raté, tu as toute ta vie pour le battre. Celui-là, aucun d'entre-nous ne te le piquera.
— Mais non, je te parle de ma sœur évidemment !
— Je te taquine, Flo.
— OK, et toi Bouboule, ton meilleur souvenir ?
— Quand vous avez sauvé mon chat et quand vous avez libéré le parking de mon père de la voiture tampon. Toi Eva ?
— Quand vous m'avez débarrassé de la grosse Morgane. Elle n'a plus jamais osé m'embêter.
— Il ne manquerait plus que ça, s'insurgea Bouboule. Et toi Lucie, ton meilleur souvenir ?
— Quand vous avez forcé Thénardier à me rendre mon porte-monnaie et quand Gilles s'est occupé de moi le jour où je me suis cassé le pied.
— Moi, dit Amandine, c'est le fait que Valentin ait sauvé ma sœur de ce Hugo. Et toi Olivier ?
— La délicatesse avec laquelle Valentin m'a recadré quand j'en ai eu besoin.
— Je ne comprends pas, avoua Florian.
— Lui si ! répondit Olivier en désignant Valentin du menton.
— Et toi Quentin ?
— Mon meilleur souvenir, c'est quand vous m'avez accueilli dans votre groupe.
— C'est gentil ça, dit Pauline. Personnellement ce que j'ai le plus aimé, c'est le soir d'orage lors de notre camp dans les Bauges, n'est-ce pas Valentin ? À toi, tu es obligé de le dire maintenant.
— Mon meilleur souvenir, c'est vous tous et votre amitié bien sûr mais c'est surtout Margot. Non, ne va pas pleurer Margot voyons, nous n'évoquons que des bonnes choses. Réussir à redonner confiance à ton père, lui trouver du travail, t'aider à passer en quatrième et le plus important de tout : te rendre le sourire, c'est ça mon plus grand moment.
— Et le mien de meilleur souvenir, c'est d'avoir retrouvé le sourire grâce à vous tous, dit Margot en fondant en larmes. Excusez-moi mais je suis tellement heureuse avec vous tous.
— Alors j'ai une bonne nouvelle pour toi, conclut Valentin, je pense que tu seras dans notre classe l'an prochain, le principal m'a promis d'examiner ton cas.
— Encore signé Valentin ! s'exclama Florian au milieu des applaudissements et des vivats de tous les copains.