Carine Fontaine fit signe à la classe de troisième C rassemblée dans la cour de rentrer en classe. Le brouhaha d’installation apaisé, elle remarqua :
— Valentin tu as été malade vendredi ?
— Pas du tout madame, je suis en pleine forme, voici mon mot d’excuse.
La professeure parcourut des yeux le billet à en-tête de la gendarmerie nationale :
« Par nécessité de service, Valentin Valmont a dû se présenter vendredi après-midi à la gendarmerie de Saint Thomas du lac où il a été retenu jusqu’à dix-sept heures.
Adjudant-chef Lemoine »
La jeune professeure, prête à lui poser une question, regarda Valentin mais celui-ci plaça un index verticalement devant ses lèvres. Elle se ravisa immédiatement, jetant un regard complice à son élève.
— Aujourd’hui nous allons étudier le système solaire, la Terre et les planètes, leurs satellites, les comètes, bolides et autres étoiles filantes. Sortez vos classeurs et écrivez….
À dix heures, tous ses amis se pressèrent autour de Valentin.
— Alors, raconte !
— Les deux ravisseurs d’Amandine ont été arrêtés !
— OUAIH ! Le cri fut unanime.
Submergé de questions, Valentin raconta ce qu’il savait de la fin de l’enquête, les rôles capitaux de Florian et d’Olivier dans la conclusion de l’affaire et, au nom d’Amandine, remercia tous les amis de s’être tant impliqués.
— Tu l’as prévenue de l’arrestation de ses deux tourmenteurs ? demanda Pauline en sortant son téléphone.
— Non, j’aimerais mieux que nous lui disions tout à l’occasion d’une grande réunion de nous tous, si toutefois les gendarmes n’ont pas déjà prévenu ses parents.
— C’est une bonne idée, Val. Êtes-vous d’accord pour faire cette réunion chez moi cet après-midi à la fin des cours ? demanda Charly. On pourrait grignoter, boire un coup, tout raconter et même aller nager, le lac est encore à vingt et un degrés, prenez vos maillots de bain.
Valentin attendit la sonnerie de la reprise des cours pour glisser quelques mots à l’oreille de Charly qui acquiesça d’un mouvement de tête.
Il était dix-sept heures trente, ils étaient tous réunis sur la pelouse entretenue de la villa des parents de Charly, tous sauf Amandine.
— Pourquoi n’est-elle pas là ? s’inquiéta Pauline soucieuse, tu ne l’as pas invitée ?
— Patience, répondit Charly affairé à poser sur une table à tréteaux quelques bouteilles de limonade et de jus de fruits ainsi que deux paniers de raisin. Je vous promets trois surprises, d’ailleurs, voici la première ajouta-t-il en apercevant deux bicyclettes arriver par le chemin des Roselières.
— Les jumelles ! Qu’est-ce qu’elles font là ? s’énerva Olivier, tu sais qu’elles ont insulté Margot l’an dernier ?
— Va les bloquer un instant Charly, tu veux bien ? demanda Valentin. Je veux expliquer certaines choses aux autres. Merci. Alors, tout d’abord, les jumelles sont dégoûtées des inventions des Thénardier, Clébar, Romuald et autre Morgane qui n’ont rien trouvé de plus intelligent que de faire respirer du gaz hilarant à deux asthmatiques. Océane a fait une énorme crise. Elle aurait pu en mourir a dit leur médecin. C’était le jour de l’orage dans le camp scout. La clique au Thénardier, totalement inconsciente, est partie s’abriter en rigolant, laissant tomber les deux filles. Heureusement, je passais par là pour rentrer chez moi et j’ai pu les aider. Après cet épisode, elles ont décidé de laisser tomber leur équipe de branquignols et de nous aider dans notre enquête. C’est grâce à Marine que nous avons pu identifier Le grand type, Freddy Champex et aussi grâce à sa famille que tout va bien se terminer. Alors, je propose que nous fassions la paix avec elles, d’accord Margot ? D’accord Olive ?
— D’accord, dit Olivier un peu à contre-cœur, mais je n’oublie pas qu’Océane a traité Margot de pute. C’était ici même au ponton de Charly l’an dernier.
— Alors, c’est là qu’elle présentera ses excuses à Margot. C’est bon comme ça ? Venez avec moi tous les deux, ajouta Valentin en se dirigeant vers le petit portail donnant sur le lac.
Au passage, il demanda à Océane de les suivre sur le ponton et les quatre firent quelques pas sur les planches. Sans rien dire, Valentin regarda successivement plusieurs fois de suite Margot et Océane. Cette dernière comprit ce qu’on attendait d’elle. Une larme au coin de l’œil, elle prononça :
— Margot, je me suis montrée injustement très dure avec toi alors qu’en fait, je ne pensais pas un mot de ce que j’ai pu dire. Tu veux bien me pardonner ?
Margot fit un pas vers la jeune fille et l’enlaça pour une brève étreinte avant de tourner le dos et de partir pour cacher son émotion.
— C’est bon pour toi aussi ? demanda Valentin à Olivier alors qu’ils rejoignaient le groupe.
Olivier fit un bref signe d’assentiment du menton.
— C’était ma première surprise ! annonça Charly, les autres ne devraient pas tarder.
Le bruit d’une voiture se garant dans la cour arrière de la villa lui fit ajouter :
— Je crois que les voilà.
Du Dacia qui venait de stopper sortirent l’Adjudant-chef Lemoine accompagné d’Amandine. Tous se précipitèrent vers la jeune fille pour lui témoigner qui amitié, qui affection et peut-être même un sentiment caché pour un garçon du groupe. Les effusions terminées, les regards se tournèrent vers le gendarme.
— Je présume que vous désirez tous connaitre la conclusion de cette affaire.
— Absolument, répondit Charly, installez-vous dans ce fauteuil en toile, nous allons nous assoir sur l’herbe.
— Merci jeune homme. Donc vous connaissez le début de l’histoire, on m’a dit que vous avez tous œuvré pour découvrir la vérité et démasquer les deux criminels. Oui, criminels car un enlèvement est un crime puni de vingt ans de prison. Vous savez en outre qu’ils ont été arrêtés et placés en garde è vue grâce aux actions déterminantes de trois d’entre vous.
Maintenant, l’affaire n’est pas complètement terminée. Bien que tout les accable, ces deux malfaisants nient et pour l’instant nous n’avons que des témoignages et pas encore de preuves matérielles irréfutables. Cependant, dans le fourgon ambulance maquillé en véhicule d’artisan, nous avons trouvé ceci, dit Lemoine en sortant d’une poche un sachet en plastique transparent contenant un anneau de tissu plissé.
— On dirait mon chouchou ! s’exclama Amandine, j’en portait un comme ça pour tenir mes cheveux le jour où… Je peux le récupérer ?
— Oh mais non Amandine, c’est peut-être la preuve qui nous manque. Nous allons l’envoyer au laboratoire d’analyses de la gendarmerie pour détecter des traces d’ADN. S’il s’avère que c’est bien le tien, ce sera la preuve formelle de leur implication dans ton enlèvement. En outre, au fond de la grange, nous avons trouvé une civière d’ambulance ainsi que son support démonté. Nous ferons une recherche d’empreinte et aussi d’ADN sur les sangles. Quand ils seront face à ces preuves, ils ne pourront plus nier.
Il nous restera à leur faire avouer le nom de leur commanditaire, le donneur d’ordres, ajouta l’adjudant-chef devant quelques regards étonnés. Il y a de fortes chances pour que celui-ci se trouve à l’étranger. C’est probablement quelqu’un de riche et puissant. Dès qu’il sera identifié, nous lancerons un mandat d’arrêt international et si le pays où il se trouve accepte, il sera extradé et jugé en France.
— Mais si le pays refuse, il pourra revenir et recommencer, s’inquiéta Charly.
— Ce sera difficile voire impossible pour lui. Dès qu’il fera un pas en France, il sera arrêté avec la certitude d’écoper de vingt ans de prison. Pour te rassurer complètement, Amandine, ce n’est pas toi particulièrement qui été visée mais tu as été repérée par ces deux bandits parce que tu avais l’habitude de passer toujours à peu près à la même heure dans ce bois et aussi parce que tu es une jolie fille. Grâce à l’intelligence de votre ami Valentin et aussi parce qu’il n’a pas de préjugé contre les gendarmes, l’affaire est résolue.
— Ne m’accusez pas de tous les maux, sourit Valentin, je n’ai été que le dépositaire de l’intelligence de tous.
— Donc maintenant Amandine peut dormir tranquille et se promener à son aise où elle veut, demanda Charly.
— Absolument, confirma Lemoine. Bon les jeunes, je vous laisse, beaucoup de travail m’attend.
L’adjudant-chef parti, Valentin se rapprocha d’Amandine.
— Sais-tu Titamande que c’est grâce à ton smartphone que nous avons pu identifier ces bandits ? Grâce aux photos que tu as prises involontairement en ramassant ton appareil tombé au sol quand tu as été bousculée.
— Ça me fait une belle jambe ! Maintenant je n’ai plus de téléphone.
— Tiens, voilà pour te consoler de toutes tes mésaventures, dit Valentin en sortant un paquet de son petit sac à dos.
Profitant de ce que tous regardaient le paquet qu’Amandine déballait, Valentin se plaça devant les jumelles en promenant un index devant ses lèvres fermées. Les deux jeunes filles approuvèrent de la tête.
— Oh ! fit Amandine, qu’il est beau !
Elle exhiba aux yeux de tous le Samsung S10+ au dos vert, cadeau de remerciement du père des jumelles.
— À qui je dois ce magnifique cadeau ? Qui dois-je remercier, toi Valentin ? Toi Charly ? Vous tous ?
— Ce n’est que le fruit du dévouement de tous ceux qui sont ici. Ne te pose pas de questions et accepte, tout simplement, sourit Valentin, le seul problème est que tu vas devoir reconstituer ta liste de…
— Bon, coupa Florian, Amandine est une grande fille, elle saura faire. Charly a prévu la baignade avant le petit casse-croûte, alors maintenant, tout le monde à l’eau.
— Mais on n’a pas nos maillots ! dirent ensemble les jumelles.
— Pas grave, rigola Florian, venez comme vous êtes !