VALENTIN ET LA NOUVELLE

31. FOOTBALL

Revenu chez lui, Florian consulta immédiatement la météo à sept jours sur son smartphone. « Demain dimanche, dégradation pluvieuse l’après-midi, lundi pluie toute la journée, mardi amélioration : soleil et nuages, mercredi beau temps sec et frais. »
« Bon, mercredi après-midi, ça devrait aller. Maintenant qui je sélectionne ? Olivier incontestable à l’arrière droit, à gauche Quentin ou Charly ? Plutôt Charly, il est plus lent mais plus solide. Donc Quentin avant gauche et moi à droite.
Flûte, Marine a oublié de me donner le numéro de Pierre-André, je lui fais un texto.
Maintenant, organisation matérielle.
1. Je demande à monsieur Doucet l’autorisation d’utiliser le terrain en herbe. S’il est pris par une compète, on se repliera sur la pelouse de l’Esplanade. Je vais aussi lui demander de me prêter deux jeux de chasubles, jaune et rouge, ce serait bien.
2. Dans tous les cas il me faut de la bande de chantier pour délimiter le terrain, des sardines de camping pour fixer la bande plus quatre piquets pour les buts si on joue à l’esplanade.
3. Je demande à Val, Gilles et Bouboule de se coordonner pour assurer l’arbitrage, sifflet, chrono, drapeau. Il faut aussi que je donne un coup de pompe à mon ballon.
4. Pas de crampons, seulement des baskets pour assurer l’égalité dans le jeu et éviter les blessures.
Voilà. Finalement Jade aura servi à me faire trouver un nouveau copain. Jade… Elle était quand même bien belle, super belle même, trop belle pour moi tout seul. Après tout Océane aussi est belle. Non, plutôt jolie que belle. Plus piquante aussi. Plus fidèle ? Ça je ne sais pas. On verra. J’ai l’impression que sa sœur a flashé sur Pierre-André. C’est vrai qu’il est plutôt beau mec. En tout cas il est sympa. Avec lui je vais former le club des anciens de Jade, recrutement en cours, ha ha ha. Ah, voilà la réponse de Marine. Tout est calé, je n’ai plus qu’à téléphoner à Pierre-André. »

Le début de la semaine se passa sans incident notoire. Jade, qui avait retrouvé son teint lumineux et l’éclat troublant de ses yeux vert pâle, semblait s’être assagie. Constamment épiée par Amandine qui en classe se trouvait deux rangs derrière, elle semblait avoir délaissé Charly et parlait le plus souvent avec Valentin, lequel répondait toujours mais avec une froideur polie.
Pierre-André avait annoncé son accord pour jouer deux mi-temps d’une demi-heure à quatre contre quatre. Il avait recruté son quatrième, un martiniquais de sa classe prénommé Abdon, super sympa et bon joueur. Toutes les filles du groupe, même Eva et Pauline, les moins sportives, étaient d’accord pour venir assister au petit match inter-collèges et soutenir leurs champions.
Il faisait effectivement très beau ce mercredi de décembre. Florian et Olivier s’étaient retrouvés vers treize heures pour ficher le ruban délimitant une surface de jeu de soixante-dix mètres sur quarante, installer les lourds mini-buts, piqueter les points de corner. Le terrain était gras mais pas détrempé et tout allait bien se passer.
Les amis de la bande à Valentin arrivèrent en ordre dispersé à partir de quatorze heures et les quatre de la ville descendirent de leurs vélos un quart d’heure plus tard. Océane et Marine qui n’étaient pas encore complètement intégrées dans le groupe de Valentin étaient là ainsi que, prévenus par la rumeur, Jade, Morgane, Romuald, Clément, Alexis et Tony.
Gilles avait accepté de tenir le sifflet d’arbitre et prenait son rôle très au sérieux. À quatorze heures trente précises, après distribution des chasubles, rouges pour les locaux et jaunes pour les visiteurs, il appela les deux capitaines : Florian et Pierre-André qui se serrèrent longuement la main sous les vivats des jumelles et les applaudissements des amis de Valentin. Ce dernier jeta un regard vers Jade qui, mis un part un léger pincement de ses lèvres, ne manifesta pas.
En première mi-temps les joueurs furent très impliqués, très engagés mais le jeu se déroula sans brutalités et s’acheva sur le score de deux à deux. Florian et Quentin avaient marqué chacun un but, Abdon en ayant marqué deux pour les jaunes.
— On peut jouer nous aussi ? cria Tony à l’intention des rouges.
— Il s’agit d’un match amical donc pour vous, c’est niet, hors de question, répliqua Florian.
— Vous avez la trouille de perdre ! persifla Clément.
— Oui, c’est ça, on a peur de vous, rigola Olivier.
— Mais les autres là, ils veulent peut-être jouer contre nous, insista Alexis.
— Désolé, pas prévu au programme, répondit Pierre-André.
— Laisse tomber, Alex, c’est le match des cocus, t’es pas concerné, se moqua Morgane.
Sur la touche Valentin eut une mimique d’appréhension et se prépara au pire mais Gilles opportunément siffla la reprise du match.
— Ce sont des nuls, venez les mecs, on se casse, décréta Tony.
Bouboule qui se trouvait tout près de Tony avait récupéré et gardé le ballon pendant la mi-temps. Il le laissa tomber au sol et lança un grand coup du pointu du pied pour l’envoyer vers le centre du terrain. Il ne toucha pas sa cible évidente pour tous mais atteignit le Thénardier à la malléole du pied droit, celle déjà lésée après son altercation avec Florian. Tony hurla de douleur.
— S’cuse, fit Bouboule, j’suis maladroit, j’ai raté le ballon. C’est d’ailleurs pour ça que Flo ne m’a pas sélectionné pour le match.
— P’tit salaud, tu l’as fait exprès oui, j’vais t’démolir !
— Stop ! fit Valentin suivi de Gilles qui s'était rapproché en entendant le glapissement de Tony. Ce n’était pas volontaire de sa part et il s’est excusé. Si tu veux démolir quelqu’un, essaie avec Gilles ou avec moi, nous sommes OK. Non ? Tu as peur ?

La deuxième mi-temps, aussi équilibrée que la première, vit Charly marquer de loin lors d’un heureux dégagement. Ceux de son camp virent lui taper dans la main pour le féliciter pendant que sur la touche, Jade, sortant de sa réserve, applaudissait à tout rompre en criant « Bravo Charles-Henri, bravo ! » Amandine visage fermé, sourcils froncés s’approcha d’elle mais Valentin vint se placer entre les deux filles et fit signe à Amandine de se calmer. « Pas le moment » lui dit-il à voix basse.
Par la suite, Paul bien servi par Abdon, réussit à crocheter Charly un peu lent et égalisa. Quelques minutes plus tard, sur une passe longue d’Olivier, Quentin centra vers Florian qui, du plat du pied, fit passer le ballon sous l’arceau, portant le score à quatre à trois et déclenchant l’enthousiasme fanatique d’Océane. Il restait une minute à jouer, Julien qui se trouvait sur l’aile gauche près du point de corner contrôla superbement une passe de Paul et centra une balle haute et précise que Pierre-André smacha de la tête et expédia sous l’arceau.
— Bravo, bravo, bravo Pierre-André, cria Marine, récompensée par un large sourire du jeune homme, alors que Gilles sifflait la fin du match.
Florian et Pierre-André de nouveau se serrèrent longuement la main avant de féliciter chacun des autres joueurs.
— Les gars, les gars, écoutez-moi ! Je vous invite tous à boire le coca de l’amitié chez moi. Oui, vous aussi les spectateurs, articula très fort Charly. Dans un quart d’heure à la villa, OK ?