VALENTIN EN VACANCES

16. LA JOLIE VOISINE

Pendant tout le repas qu’ils prirent également à l’extérieur de l’auvent de la grande tente, Valentin regarda discrètement la jeune fille, estima finalement son âge à une quinzaine d’années. Outre ses cheveux mi-longs d’un blond très pâle et ses yeux aux iris d’un bleu presque délavé cerclés de bleu plus foncé, elle avait une bouche souriante aux lèvres charnues et son petit nez légèrement retroussé lui donnait un air mutin. Beaucoup de charme et de vivacité émanait de sa personne.
Repas terminé, les deux garçons se portèrent volontaires pour aller laver la vaisselle au sanitaire du camp. Valentin faisait la plonge et Olivier rinçait dans l’évier voisin. Tout en frottant les assiettes avec une éponge à récurer, il demanda :
— Tu as compris ce que nous nous sommes dit la miss et moi ?
— Pas tout mais en gros, oui. Elle se nomme Inge, elle est danoise, elle aime la montagne, mais je n’ai pas bien compris votre dernier échange.
— Elle a demandé si nous voulions aller avec elle voir le coucher du soleil, ce soir à dix heures, je lui ai répondu oui, tu es d’accord ?
— Bien sûr. On va peut-être apercevoir le rayon vert.
— Je ne comprends pas, de quoi parles-tu ?
— Il parait que quelquefois le dernier rayon que le soleil émet avant de disparaitre dans l’océan prend une nuance verte, mais sur une dizaine de couchants, je n’ai jamais vu le phénomène.
— Dis donc Olive, en classe tu te mets toujours au fond, tu ne te fais pas remarquer mais en fait, tu en connais des choses, tu caches bien ton jeu.
— Ce qu’on fait au collège m’ennuie un peu. En général je comprends bien mais cela ne m’intéresse pas. À part en gym, je fais le minimum pour avoir la moyenne et ça va bien comme ça. Mais si on pensait un peu aux vacances, hein ? Elle est bien jolie la petite Inge.
— Eh oh, halte là Olive, pense plutôt à Margot qui s’ennuie de toi là-haut en Picardie.
— Ça ne m’empêche pas de trouver mignonne la petite Danoise. Allez, on a fini, rapportons tout ça à la tente, prenons nos smartphones et en route vers la plage.

Dès la sortie du camp Inge, tout naturellement, prit dans les siennes une main de chaque garçon qui, surpris, se laissèrent faire. Ils marchèrent ainsi à trois de front vers l’océan.
— Tu ne parles pas du tout le français ? lui demanda Olivier.
— Je comprends un peu, parle un petit peu but speak english plus easy pour moi.
— Valentin parle parfaitement l’anglais, moi beaucoup moins bien, mais on devrait arriver quand même arriver à se comprendre.
— Oui, je me comprends bien avec les français jeunes.
— Evidemment, ils doivent tout de suite penser à la draguer, marmonna Olivier à l’attention de Valentin.
— Que dit ton ami ? dit-elle en tournant la tête vers lui.
— Il demande si tu connais beaucoup de monde dans le camp.
— Non, seulement deux jours nous ici. Vous premiers amis.
Quand ils arrivèrent au sommet de la dune, le parking était à moitié plein de voitures.
— Nous ne sommes pas les seuls à vouloir admirer le couchant, remarqua Olivier.
Le soleil très bas sur l’horizon incendiait le ciel de jaune, d’orange, de rouge et de violet, nuances reflétées sur une large bande de lumière dans le vert argenté de l’eau.
— C’est magnifique, il faut faire des photos et une série de selfies de nous trois, proposa Olivier.
— Faire deux séries plutôt, corrigea Valentin. Une avec l’océan en fond d’image, mais nos visages seront à contre-jour et donc une autre face au soleil, mais le fond sera moins romantique avec le parking et la forêt.
Les trois adolescents se serrèrent, figèrent chacun leur meilleur sourire et les garçons à tour de rôle déclenchèrent leurs prises de vues.
— Venez, il y a un banc de bois face à la mer vers le bout du parking, nous y serons très bien, dit Inge en anglais, traduit aussitôt par Valentin.
Peu à peu le soleil s’enfonça dans l’eau, dessinant d’abord un sablier de lumière flamboyante. Une frange jaune clair souligna le contour supérieur de la boule écarlate, puis la lumière baissa rapidement ne laissant qu’un trait de feu à l’horizon. Jusqu’à disparition complète de l’astre dans l’océan, Valentin prit photo sur photo. Les adolescents s’étaient tus, impressionnés par le grandiose spectacle de la nature. Une petite brise de terre se leva, la jeune fille frissonna.
— Tu as froid, Inge ? Le spectacle est fini, allons marcher sur la plage, décida Olivier.
Dans le sable mouillé, l’océan en se retirant avait laissé de larges mares d’eau salée sur le côté sud desquelles s’échappait un ruisseau.
— Ce sont probablement les baïnes dont nous a parlé le maitre-nageur, émit Valentin.
— Elles n’ont pas l’air bien dangereuses ces baïnes, décida Olivier. On se mouille les pieds pour savoir si l’eau est chaude ?
Les trois se déchaussèrent et gambadèrent de front dans trente centimètres d’eau tiédie par la chaleur de l’après-midi.
— Ouch ! I stepped on tomething that moved ! (Oula ! J’ai marché sur quelque chose qui a bougé !) s’écria soudain Inge en trépignant.
— Perhaps a fish, (Probablement un poisson) supposa Olivier, usant pour la première fois de son anglais scolaire.
— Tu as certainement raison, des poissons peuvent se trouver piégés dans ces mares, je pense à un poisson plat comme une sole qui vit sur le sable, compléta Valentin.
— Mes parents m’ont dit que certaines espèces de poissons de sable qu’on appelle des vives-vipères peuvent faire des piqûres extrêmement douloureuses avec leur nageoire dorsale épineuse. Le remède dans ce cas c’est de pisser sur la piqûre, expliqua crument Olivier.
— Tu te vois appliquer le remède à Inge ? s’amusa Valentin.
— On lui demanderait de le faire elle-même, rétorqua Olivier en riant.
— De quoi vous parlez ? demanda la jeune danoise.
— Nous disions : heureusement que ce n’était pas un poisson qui pique, nous aurions été obligés de te porter jusqu’à ta tente pour te soigner. Il faut d’ailleurs songer à rentrer, il est presque onze heures du soir, traduisit Valentin.
— Alors nous nous verrons demain ?
— Je vote pour, si mes parents sont d’accord.
— Valentin, tout à l’heure, quand nous étions au repas, tu as dit « my friend Olivier » tu voulais dire « mon frère Olivier. »
— Non, Olivier est là avec ses parents et moi je suis leur invité.
— Ah, je comprends. Vous êtes de bons amis.
— C’est exactement ça, conclut Olivier.