40. Affaire de famille.
— Alors capitaine ?
— C’est lui, Dussollier, j’en mettrais ma tête à couper !
— La peine de mort est abolie, capitaine.
— Garde ce genre de remarques pour toi ! Tiens, regarde cette photocopie, qu’est-ce que tu vois ?
— Que c’est un bon de commande de produits alimentaires !
— Qui provient de la prison de Méry, Dussollier.
— Oui, et puis ?
— Il faut te mettre les points sur les i aujourd’hui.
— J’y suis, les petits ronds sur les i et les j.
— C’est Durieu qui a rédigé ce bon de commande, c’est son écriture. Le plus fort dans l’histoire c’est que c’est Durieu en personne qui m’a photocopié le document. Il avait un drôle de petit sourire en me le donnant, comme s’il se foutait de moi. Et le tout enrobé d’une extrême politesse !
— Qu’est-ce qu’on peut faire ?
— Rien, impasse totale, blocage complet. Et toi, tu as du nouveau ?
— Oui, l’usine de Jarrie. Ils ont vidangé une cuve d’acide chlorhydrique et devinez ce qu’ils ont trouvé ?
— Une alliance ?
— Non, Lapierre n’était pas marié ; mais vous brûlez, si j’ose dire.
— Une dent en or ?
— Pas une, trois !
— J’en étais sûr. Quelle mort horrible ! Ensuite ?
— Le rapport du labo sur les débris du feu arrière de voiture, ceux récupérés à Fontaine, c’était bien une 205.
— Autre chose ?
— Oui, j’ai demandé à France Telecom qu’on me communique les relevés d’appels téléphoniques de toutes les victimes. J’en ai obtenu huit sur neuf.
— Celui qui manque ? — L’agriculteur de Morette, il n’avait pas le téléphone.
— Conclusions ?
— Je vais essayer de trouver un point commun dans les appels. Il faut que j’entre tous ces numéros dans l’ordinateur et que je demande au logiciel de comparer les listings. J’en ai pour deux bonnes heures, à moins que quelqu’un me dicte les numéros.
— Cinq sur cinq, Dussollier. Je t’envoie le brigadier de service.

— Capitaine, venez voir, je crois qu’on tient quelque chose. On retrouve le même numéro dans les appels entrants de quatre victimes. Un numéro en 06. Ça provient d’un portable. Je demande l’identification tout de suite.
— Allô ! Oui… Oui… L’adresse ? Je note. Merci.
— Vous ne devinerez jamais capitaine. Le portable en question a été acheté en juin dernier par un certain Durieu, 6, allée des marguerites à Pont de Claix.
— Bravo lieutenant. On va jeter un œil par-là.
— J’ai l’impression que le commissaire va bientôt pouvoir clouer le bec aux journalistes !

— Allée des marguerites, c’est là.
— Essayons d’abord de repérer une 205 sombre avec un choc à l’arrière droit.
— Ici, capitaine, une 205 bleue.
— On tient le bon bout. Tu es chargé ? Tu as les bracelets ?
— Toujours, capitaine.
— Moi, jamais. Il paraît que j’ai tort.
— Dites, c’est un immeuble ! J’espère qu’on ne va pas devoir inspecter tous les appartements.
— Regardons les boites aux lettres.
— Pas de Durieu, capitaine.
— Oui, mais regarde celle-ci : elle n’a pas de nom et c’est la seule. Deuxième étage droite. On monte.
— Sonnez capitaine, je vous couvre !
— Range ton arme, pas besoin de ça dans l’immédiat.
La porte s’ouvrit. Un homme parût sur le seuil.
— Bonjour. Que désirez-vous ?
— Monsieur Durieu ! s’exclama le capitaine.
L’homme leva les sourcils d’un air étonné.
— Guy Durieu, oui. C’est pourquoi ?
Le capitaine et le lieutenant se regardèrent. Ce fut Dussollier qui réagit le premier.
— Police. Voici le capitaine Pricaz, je suis le lieutenant Dussollier. Dites-moi, monsieur GUY Durieu, la 205 bleu marine dans la rue est-elle à vous ?
— Oui. Elle est mal garée ?
— Vous avez eu un accrochage récemment ? Votre feu arrière droit est cassé et la carrosserie enfoncée.
— Je l’ai retrouvée comme ça sur un parking.
— Vous avez le téléphone, monsieur Durieu ? demanda le lieutenant.
— Oui, je possède un portable.
— Quel est votre numéro ?
— Heu, le 06 63 26 04 50. Pourquoi ? Qu’est-ce que tout cela signifie ?
— C’est bien ce numéro-là, capitaine.
— Monsieur Guy Durieu, nous vous plaçons en état d’arrestation.
— Pourquoi ? Pour un simple accrochage ?
— Pour meurtre !
Le visage de Guy Durieu se décomposa. Il tenta de refermer la porte, aussitôt bloquée par le pied de Pricaz.
— Ne tentez rien, monsieur Durieu, nous sommes armés. Et inutile de nier, nous savons tout !
— Mais je n’ai tué personne, moi !
— Monsieur Guy Durieu, nous vous arrêtons pour l’assassinat du juge Bernard, du procureur Delfosse, du docteur Vilmain, du colonel Darsonval, de madame Verdier, de messieurs Pélissier, Lapierre, Pillet et Darmontaz.
— Mais vous êtes fous ! Je ne connais même pas les gens que vous citez !
— Vous aurez le temps de vous expliquer. À partir de cette minute, vous êtes en garde à vue à la disposition de la justice, monsieur Guy Durieu. Passez-lui les menottes, lieutenant.