La décision de Frédéric est prise, il a choisi le sport.
Il va faire une demande d’autorisation de passer le concours d’entrée dans un CREPS. Il a six mois pour se préparer, s’inscrire dans un club, s’entraîner. Il sait ce qui l’attend, son prof de gym l’a averti : un premier concours très physique pour être admis, beaucoup de travail ensuite pour réussir en un an la première partie du professorat et entrer à l’ENSEP… s'il est dans les meilleurs ! Préparer ensuite en trois ans les deux diplômes de la seconde partie.
Frédéric fréquente assidûment le petit stade à côté de son école sur lequel il s’entraîne comme un forcené. De temps en temps passe la promenade du lycée de jeunes filles. Le regard de Marie-Michèle constitue pour lui le plus efficace des dopants.
Il ne sent pas de limites à son courage car, dans son portefeuille, une lettre de son amie ne le quitte jamais. Il en relit régulièrement une phrase qui l’enchante et le remplit d’énergie :
« ... si penser en tous lieux tout le temps à la même personne, si aspirer à la revoir dès qu’on la quitte, n’être bien qu’avec elle, vouloir ne faire qu’un avec elle c’est aimer quelqu’un, alors oui, Frédéric, je t’aime... »
La fin de l’année scolaire se passe au mieux pour Frédéric. Pendant le temps de l’école, il échange avec elle un courrier par semaine, comprends ses états d’âme, lui communique les siens, s’étonne d’une maturité et d’une sensibilité qui n’a d’égale que son espièglerie. Il la rejoint régulièrement à la gare les jours de grande sortie. Ces courts voyages en sa compagnie dans le train des étudiants constituent la première récompense de sa patience. Il aime le contact du corps gracile de Marie-Michèle contre son flanc et le reflet du visage de son amie à côté du sien dans la vitre de la fenêtre pendant que le train file à toute allure dans la plaine picarde. Ils se retrouvent le dimanche après-midi pour une marche sur les sentiers de halage du canal, un tour à bicyclette par les petites routes de campagne, une séance de cinéma quand le temps est moins clément.
Cette situation lui suffit, la passion grandissante qui l’habite s’accompagne du respect de la jeune fille. Des promenades main dans la main, des baisers d’amoureux, une étreinte chaste suffisent à nourrir sa passion. Il n’a cure des vantardises de ses copains de promotion racontant avec complaisance leurs bonnes fortunes, leurs premières expériences sexuelles. Certes, comme les autres, la sève le travaille mais il n’imagine pas la découverte finale avec une autre que Marie-Michèle et... elle est bien trop jeune.
Pourtant, un dimanche de mai, ils se promènent ensemble dans les bois du Rond du Roy de la basse forêt de Coucy le Château, glanent le muguet porte-bonheur. Loin des parents de Marie-Michèle qui les ont amenés, ils posent au sol leur cueillette, s’asseyent au pied d’un chêne dans l’herbe nouvelle qui écarte les feuilles mortes du dernier automne. L’air capiteux du printemps, le soleil qui joue dans les jeunes frondaisons, le fait d’être seul avec Marie-Michèle, Frédéric sent une douce chaleur monter en lui. Il caresse doucement le visage de son amie, glisse ses mains sur les épaules et sur les flancs de la jeune fille, remonte jusqu’aux seins menus, ose glisser une main fiévreuse sous le pull léger qui la vêt, cherche dans le dos une agrafe qu’il ne trouve pas. Marie-Michèle éclate de rire mais ne l’aide en rien sinon par son tacite consentement. Alors il force le passage de ses doigts sous le tissu élastique, touche avec délice les petites pointes durcies, remonte le léger chandail, promène longuement ses lèvres avides sur la délicieuse jeune poitrine tendre et ferme. Elle a posé les mains sur la tête du garçon et le maintient délicatement contre son cœur. Mais en dépit de l’envie qui le submerge, il résiste, il ne veut pas d’une commune initiation bâclée à la sauvette dans la crainte de voir surgir quelqu’un. Aujourd’hui, il n’ira pas plus loin dans l’aboutissement de sa passion. Il sait bien qu’un jour, inéluctablement, ils iront ensemble jusqu’au bout de leur désir mais il ne veut forcer aucune étape, l’amour physique les rattrapera quand ils seront prêts l’un et l’autre.
— Alors, vos observations, mademoiselle ?
— C’est incroyable, docteur. Il a l’air beaucoup mieux maintenant. La fièvre est maintenant tombée à 37°9, le pouls est à 80, la respiration est régulière et sa tension est remontée et stabilisée à 13-9. Vous pensez qu'on peut espérer une rémission ?
— C'est aller un peu vite en besogne, mademoiselle. Vous constatez simplement les effets du fortal sur son organisme, il n’y a qu’à continuer le traitement sans rien changer. Bien entendu, vous continuez à le suivre de très près.
— Bien, docteur.