Il était près de six heures du soir en ce vendredi de début juillet, la chaleur était encore intense. La cour surchauffée du collège de Saint Thomas du Lac était vide d’élèves mais le portail d’entrée encore ouvert. Sans appréhension aucune, Valentin se dirigea vers le panneau d’affichage présentant les résultats du brevet. Il y allait plus pour constater les admis parmi les élèves de la troisième C que sa propre réussite.
Le secrétariat avait bien fait les choses en présentant les résultats par classes. Son regard se porta d’abord sur le premier nom de la feuille le concernant : Arroux Gilles. Son meilleur ami avait bien entendu réussi l’examen. Puis son regard se porta sur le dernier nom, le sien : Valmont Valentin. Bien que n’ayant aucun doute sur son résultat, il eut quand même un petit sourire de contentement. Les douze autres de son groupe figuraient sur la liste1.
Il compta ensuite les élèves inscrits sur la feuille : vingt-cinq sur les vingt-huit de l’effectif. Ainsi seulement trois avaient échoué. Une onde de satisfaction le parcourut quand une lecture plus attentive lui apprit que Margot Chevril,2 la protégée de ses amis qui, partie de très loin avait elle aussi obtenu son diplôme. Qui manquait-il à la liste des admis ? Romuald Michaud ne figurait pas mais ça, c’était largement prévisible. Romuald était de loin le plus nul et le plus paresseux de la classe, roi de la feuille blanche, ne pensant qu’à rire des facéties de son idole Tony Thénard qui lui avait réussi. Marion Lacombe3 avait également échoué et cela navra le cœur sensible de l’adolescent. Le traumatisme crânien suite à l’accident qu’elle avait subi quelques mois auparavant y était sûrement pour beaucoup car Marion n’était pas bête. Il dut chercher pour déterminer le troisième manquant : Benjamin Nardy : un élève effacé dont il n’avait jamais entendu le son de la voix. « À part pour Marion, tout est conforme à mes prévisions » se dit-il en regagnant la sortie.
Il venait à peine de refranchir le portail que son smartphone vibra dans sa poche de bermuda. L’icone de l’application texto affichait le chiffre deux. Le premier message venait de Charles Henri Dubois de la Capelle, plus simplement surnommé Charly par ses copains. « À partir de six heures, toute la classe est invitée à fêter le diplôme et le début des vacances sur la pelouse de notre villa. Il y aura du coca et des cerises à volonté mais vous pouvez apporter tous les compléments que vous voulez. Je compte sur vous tous. » Le second message expédié à dix-huit heures quinze émanait de son ami Gilles qui lui disait : « Qu’est-ce que tu fais ? On t’attend !»
Il était six heures quarante-cinq quand Valentin arrêta son VTT au portillon donnant sur l’arrière la villa des parents de Charly.
— Oh, Valentin, enfin ! Où étais-tu passé ? Tu n’es pas venu voir les résultats ? C’était à quatre heures et je te signale que tu es recalé ! Pas de chance pour un premier de la classe ! s’amusa Pascal Boulot dit Bouboule, entouré de Gilles et de Charly, lesquels affichaient des mines hilares.
— Je n’ai pas réussi mon brevet ? Bon, et bien il faut que je retourne chez moi travailler mon anglais et mes maths pour l’obtenir l’an prochain, salut ! Blague à part, toute la classe est là ?
— Oui, sauf Marion et Benjamin. Romuald qui se fout éperdument du diplôme est venu quand même et il accapare la table de ping-pong avec ses copains habituels. Ceux qui ne sont ni avec nous ni avec le Thénardier jouent au badminton ou au mölkky. Les nôtres sont assis dans l’herbe près du perron, répondit Charly. Nous allions parler vacances quand tu es arrivé. Allons les rejoindre.
Quand le groupe des quatorze amis fut reconstitué, Bouboule à l’esprit vif et curieux entama :
— Alors Val, que fais-tu pendant ces grandes vacances ? Tu retournes en Australie ?
— Juillet-août dans l’hémisphère sud, c’est comme janvier-février ici. Non, je préfère de loin rester en France et profiter de l’été.
— Et quels sont tes projets ? enchaina Charly.
— Mon grand-père a prévu une grande randonnée, le tour du massif du Mont-Blanc. Dix jours de marche avec nuits en refuge. France, Italie, Suisse, France cent cinquante kilomètres, neuf mille mètres de dénivelée positive.
— Waouh ! Ça, j’aimerais bien, commenta Florian le grand sportif. Dis-donc, il est encore en forme ton grand-père pour faire ça à son âge ! Et après ces dix jours ?
— Repos, baignade au lac, vélo avec ceux et celles d’entre vous qui seront dans la région. Je crois que mes grands-parents ont également prévu une semaine à Paris début août, dans une roulotte du camping du Bois de Boulogne, en bord de Seine.
— Moi, mes parents ont décidé de « faire » le canal de Nantes à Brest cette année, continua Florian.
— Il y a un canal par-là ? interrogea Mathilde un peu sceptique.
— En fait il est formé par diverses rivières reliées par des bouts de canal : l'Erdre, l’Oust, le Blavet, l’Aulne et j’en oublie.
— Ça se fait en péniche tout ça ? demanda Amandine.
— Pour nous ce sera camping-car et vélo sur les chemins de halage. Et toi Charly ? Encore Los Angeles ?
— Non, cette année, une semaine en Thaïlande et une autre en Polynésie française.
— Vous ne vous embêtez pas ! Toujours par échange de maisons ? questionna Olivier.
— Non, village-vacances et club-hôtel, mais que je sois là ou non, notre ponton reste à votre disposition. Tu pars aussi Olive ?
— Camping près de Biarritz. Perfectionnement au surf, j’adore d’avance. Toi Bouboule, tu retournes en colo avec Eva ?
— À nos âges, ça s’appelle camp d’ado. Quinze jours en Auvergne pour un séjour spécial jeux, d’intérieur s’il pleut, grands jeux à thème et tir à l’arc sinon.
— Pour devancer ta question, Val, moi je retourne en Vendée et Lucie en Haute-Marne. À propos, son cousin Arthur4 est parfaitement guéri maintenant, expliqua Gilles.
— Oui et c’est grâce à vous, remercia Lucie. Je n’oublierai jamais ce que vous avez fait pour lui.
— Tu ne nous pas dit pour toi Quentin. Tu ne pars pas ? demanda Mathilde.
— Mes parents sont bloqués dans la région à cause de leur métier donc pour moi c’est vacances au lac, mais je me suis inscrit pour un stage de voile sur catamaran.
— Moi aussi je vais encore faire de la voile et toujours aux Glénans en Bretagne, renseigna Amandine. Toi, Emily ?
— Je passe l’été avec ma mère dans notre vieux chalet du Grand-Bornand. S’il y en a parmi vous qui veulent monter passer deux ou trois jours avec moi, ils seront les bienvenus. Nous pouvons les loger dans notre mazot aménagé, répondit la jeune fille en regardant Valentin.
— Ça m’intéresse bien, remercia Margot, mais je n’ai pas de moyen de transport.
— Je n’ai rien de prévu après mon stage de perfectionnement en chant soprano à Paris. Donc à partir du premier août je peux aller avec toi Margot. Tu serais d’accord, Emily ? Ma mère pourrait nous déposer et nous reprendre.
— Super ! commenta Emily sans sourire. Il n’y a plus que toi qui n’a rien dit Pauline, que vas-tu faire ?
— Je vais cultiver mon bout de jardin. Mes parents m’en ont octroyé plus que l’an dernier, j’ai maintenant deux ares.
— Ça fait grand, ça ? questionna Margot.
— Dix mètres sur vingt, renseigna Valentin, deux cents mètres carrés.
— Oui, c’est à peu près ça, confirma Pauline.
— Bon, et maintenant, que voulez-vous faire ? J’ai mis quelques jeux de société sur le plateau des tréteaux. Ou alors vous pouvez jouer au bad, au ping-pong, au mölkky. Vous pouvez aussi danser, énuméra Charly.
— Oh oui, j’aimerais bien danser, Charles-Henri, dit Jade qui s’était rapprochée de leur groupe.
— Nous aussi fit Marine près de sa jumelle Océane.
— Moi également, ajouta Emily. Et toi Valentin ?
— Je préfère aller nager.
— Mais nous, nous n’avons pas nos maillots, regretta Emily.
— Vous n’avez pas besoin de vos maillots de bain pour danser, se moqua Florian. Je t’accompagne Valentin.
— Moi aussi finalement, décida Charles-Henri.
— Nous deux également, fit Olivier en désignant Quentin.
— Tu ne viens pas Gilles ? incita Charly. Je sors un ballon et on fait un petit water-polo sur un seul but, comme du basket 3x3. Le but ce sera le bout du ponton.
— Excellente idée, approuva Florian.
— Les danseuses, pour vous je sors deux baffles wifi et je lance la musique de Valentin, vous vous rappelez ? J’ai repiqué toute sa super sélection. Allez au ponton les mecs, j’arrive tout de suite avec un ballon.
Amandine, Lucie et Margot emboitèrent le pas des garçons jusqu’à l’avancée de bois maintenant marquée par une plaque AOT blanche vissée sur la première planche. Emily, Jade 5 et les jumelles, piégées par leur premier désir eurent une grimace de dépit. Mathilde, Pauline, Eva et Bouboule s’installèrent sur les chaises bistrot autour du plateau servant de table et ouvrirent la boite du jeu de Monopoly.
— Tu vois, il ne faut jamais parler le premier quand on veut avoir le dernier mot, souffla Valentin à l’oreille de Charly.
1. Outre Valentin et Gilles, le groupe comprend par ordre d’entrée en scène dans la saga : Florian, Pascal, Olivier, Quentin et Charly, pour les garçons ainsi que Lucie, Eva, Mathilde, Pauline, Amandine, Margot et Emily pour les filles.
2. Margot était une fille désespérée. Valentin et son équipe l’ont adoptée, aidée, soutenue et intégrée. (Tome 2 : Valentin et ses copains)
3. Marion Lacombe, fauchée par une voiture avait perdu l’usage de la parole suite à un traumatisme crânien. (Tome 5 : Valentin s’affirme)
4. Arthur, le cousin de Lucie, devait subir une opération du cerveau. Valentin et ses amis ont trouvé un financement pour payer son voyage aux US. (Tome 3 : Valentin et compagnie)
5. Emily espère toujours reconquérir Valentin (tome 5 : Valentin s’affirme) et Jade convoite Charly qui lui préfère Amandine. (Tome 8 : Valentin et la nouvelle)