VALENTIN AU LYCÉE

12. Mise en place

Le soir même, dans sa chambre, Valentin finissait l’apprentissage de la leçon de chimie sur la composition microscopique de la matière quand il reçut un texto d’Eva.
« Val, je ne sais comment te remercier. Une fois de plus tu as été formidable de compréhension, de délicatesse et d’efficacité. C’est la deuxième fois que tu viens à mon secours et je ne l’oublierai jamais. Pascal et moi te sommes infiniment reconnaissants.
Je t’embrasse très affectueusement.
Eva.
»
Comment peut-on vouloir faire du mal à des gens aussi gentils, polis, intelligents, tout en finesse, se dit-il. Ce lycée, nous allons le secouer ou plutôt nous allons repérer les malfaisants qui s’y trouvent et les empêcher de nuire.
Il reprit son smartphone et répondit à Eva « Merci et vive le CLASH ! »

Le lendemain matin, à la fin du cours de chimie et avant l’heure de français, il demanda à son professeur :
— S’il vous plait monsieur, m’autorisez-vous à rédiger au tableau une annonce concernant toute notre classe pour le cours d’après ?
— Oui, mais faites vite heu… Valmont, c’est ça ?
— C’est exact, merci monsieur, répondit-il en saisissant le feutre bleu.
Sous l’œil intéressé du professeur il écrivit très lisiblement sur le tableau blanc la phrase décidée la veille :
Si vous êtes brimés, harcelés, tabassés, diffamés, rackettés, moqués, volés, faites appel au CLASH. (Club Lycéen d’Aide et de Secours aux Harcelés) Une urne-contact à ouverture à combinaison sera dès demain à votre disposition en salle de documentation.
Ceci fait, il adressa un sourire au professeur puis sortit rejoindre ses amis.

— Annonce faite en seconde 1, communiqua Gilles quand ils furent réunis.
— En S10 également, énonça Mathilde.
— Pareil en 12, ajouta Quentin.
— En 4 aussi, compléta Charly.
— Je l’ai fait pour la 5, déclara Amandine.
— Je n’ai pas pu le faire en 2, enchaina Olivier, on avait gym. Mais ce sera fait.
— La seconde 9 est avertie, dit Eva.
— En S18, je ne demande même pas, mais en S6 qui devait s’en charger ? questionna Gilles.
— C’était moi, mais je n’ai pas osé, avoua Emily.
— Il n’y a pas à hésiter Emily, fonce, tu ne fais rien de mal au contraire. Les profs sont compréhensifs et je suis sûr qu’ils approuveront notre démarche quand ils sauront le but de notre action, conforta Gilles.
— Je vais essayer à la fin de l’heure d’histoire-géographie.
— Sans faute car il faut qu’il y ait un cours dans l’heure suivante pour que toute la classe de seconde 6 puisse lire le message. Une seule intervention écrite au tableau devrait suffire car les camarades vont se passer le mot.
Autre chose à quoi j’ai pensé les amis, le club devra agir le plus anonymement possible car les mecs que nous allons contrer se régalent avant tout quand ils se sentent forts et ça ne va pas leur plaire qu’on vienne au secours des faibles. Ils auront bien sûr envie de se venger. Ah, j’ai imprimé le texte sur papier à une trentaine d’exemplaire, c’est à peu près le nombre de classes qui restent à prévenir dans tout le lycée. Dès que vous pouvez contacter quelqu’un de confiance dans une classe où il n’y a personne de notre groupe, demandez-lui de le faire et indiquez-moi de quelle section il s’agit. Je vais mettre ces papiers en bibli, la documentaliste saura où.

L’urne de contact, volontiers acceptée par la documentaliste, fut positionnée au début du rayonnage lettre M du mur bibliothèque. Seuls et nommés à l’unanimité, Quentin le fabriquant et Mathilde la responsable connaissaient la combinaison de la boite. Durant une dizaine de jours, il ne se passa rien, l’urne CLASH resta vide de tout papier. Valentin, coordinateur des actions, commençait à se demander si ce club était bien utile car, faute de plainte, il n’y avait pas de nécessité d’agir.
Un mercredi, passé le milieu du mois d’octobre, une plainte anonyme fut déposée. Sur un quart de feuille de copie était écrit « Hier matin dans le vestiaire des filles au gymnase, quelqu’un a volé mon phone 06 62 90 88 72 »
Quand Valentin prit connaissance de la plainte, il commença par se gratter longuement la tête.
— L’enquête va être un brin difficile, dit-il à tous les membres du CLASH qu’il avait réunis après la cantine du jeudi midi. Nous ne disposons que de trois éléments : le matin de mardi dernier, donc un créneau horaire de quatre heures, le lieu : au vestiaire des filles et un numéro de téléphone. Avec ça, il nous faut trouver qui est la victime et qui est le coupable.
— Déjà nous savons que la victime est une fille ce qui élimine la moitié du lycée, fit Eva.
— Une fille d’une classe qui avait gym ce matin-là, compléta Bouboule. Qui avait gym mardi ?
— Je crois que c’était des terminales, renseigna Amandine. On s’occupe aussi des terminales ?
— Nous nous occupons de toutes les plaintes, Amandine, répliqua Valentin. Ce n’est pas ta sœur la victime par hasard ? plaisanta-t-il.
— Je crois qu’à chaque créneau de deux heures, il y a quatre profs de gym qui travaillent en même temps, expliqua Florian, donc pour ce qui nous occupe et pour chaque créneau, il y avait quatre classes de terminales regroupées en deux sections de filles et deux de garçons. Reste à savoir lesquelles.
— Oula, ça fait quand même deux fois trente filles ! comprit Pauline.
— Soixante nanas dans la matinée. Comment pouvons-nous savoir quelles sections ont gym. ? demanda Olivier.
— Amandine, ta sœur est dans quelle classe ? Est-ce qu’elle avait gym ce matin-là ? demanda Charly.
— Elle est en term 3 et elle ne prend pas son sac de sport le mardi.
— J’ai une voisine dans l’immeuble en term 2. Elle trimbale son sac de gym le jeudi, renseigna Pierre-André.
— Pour nous, les regroupements sont 1-2-3-4 et 5-6-7-8, je pense que c’est pareil pour les terminales, raisonna Mathilde, donc il s’agit des terminales 5, 6, 7 et 8.
— Est-ce bien utile de prendre le problème par ce bout-là, raisonna le futé Bouboule. Il suffit de savoir à qui appartient le numéro de téléphone et d’appeler. Je le fais tout de suite : « …Vous êtes sur la messagerie du 06 62 90 88 72… » Flûte, c’est le répondeur de son serveur, elle n’a pas enregistré de message d’accueil. Il faut trouver une autre idée.
— J’ai peur que ce ne soit pas possible d’obtenir le nom, affirma Quentin. Les opérateurs ne divulguent pas les coordonnées de leurs clients.
Valentin se mit à tapoter l’écran de son smartphone.
— Effectivement, dit-il, il est possible de trouver l’opérateur qui gère le numéro mais pas le client, du moins à notre niveau. Donc pour l’heure nous ne pouvons pas avancer plus que ça. Pour tout le monde, rendez-vous demain ici, même heure. Réfléchissez aux divers aspects du problème et venez avec vos idées. Attendez un peu : Florian et Pierre-André, vous êtes toujours au mieux avec les jumelles ?
— Ben… oui, répondit Florian mais je ne vois pas ce que…
— Et qui de vous deux est avec Océane ?
— Ils ne peuvent pas savoir, ce sont des vraies jumelles ! Elles ont toujours eu l’habitude de tout échanger ! rigola Olivier qui hérita d’un coup de coude de Margot.
— Au départ, c’est moi, fit Florian entrant dans le jeu d’Olivier.
— D’accord Flo, tu peux venir deux minutes avec moi, j’ai quelque chose de personnel à te demander.