VALENTIN AU LYCÉE

14. Contact

Il était dix-sept heures et cinq minutes quand Amandine sortit du lycée. Elle désigna discrètement d’un index à peine levé la fille qui la précédait. Celle-ci, ni belle ni vraiment laide, visage jaunâtre, yeux marron, bouche pincée avec un pli d’amertume, semblait vraiment insignifiante. Ses habits gris terne et visiblement bon marché s’accordaient avec le temps maussade.
Mathilde qui guettait le signal d’Amandine se plaça à côté de la fille avec un sourire avenant.
— Bonjour Julie, lui dit-elle.
— Oui, bonjour. On se connait ?
— Oui, mais très indirectement. Tu veux bien que nous fassions quelques pas ensemble ? Je vais t’expliquer.
La fille haussa les épaules l’air désabusé.
— Pourquoi pas. Comment tu connais mon nom ?
— Attends. Tu viens Valentin ? Moi c’est Mathilde Marchand, je suis en seconde 10, lui c’est Valentin Valmont, il est en seconde 18. C’est nous qui avons fondé le CLASH et nous avons trouvé ton papier. C’est dégueulasse ce qu’on t’a fait. Nous avons eu un peu de mal à te situer car tu n’indiquais que ton numéro de téléphone. Nous sommes là pour aider ceux qui se font maltraiter, rabaisser ou voler. Si tu as un petit quart d’heure à nous consacrer, nous allons essayer de récupérer ton appareil.
— Ça ne me coûte rien d’essayer, répondit la fille en haussant les épaules derechef.
— Tout d’abord, bonjour Julie, fit Valentin en prenant un air cordial, je vais te poser des questions pour tenter de trouver la piste du voleur ou de la voleuse. Ton appareil, c’était quelle marque ?
— Un appareil recyclé Samsung S20+. Mes parents ont économisé pour me l’offrir parce que j’ai eu une moyenne de treize sur vingt aux épreuves anticipées de français en fin de première.
— Bon appareil. Nous avons une copine qui possède le S10+ et elle en est très contente. Comment se présente-t-il ? Sa couleur, a-t-il une coque, un étui de protection ?
— Oui, il a un étui de protection à rabat magnétique avec une poche portefeuille dans le rabat. Tout est de couleur vert foncé, très joli.
— Tu avais mis quelque chose dans cette poche ?
— Oui, ma carte de bus et un billet de dix euros.
— Tu n’y avais pas écrit ton code, j’espère, intervint Mathilde.
— Heu, non.
— Il est compliqué ton code ? Ou facile à retenir.
— Facile pour moi. Ma date d’anniversaire comme tout le monde, le onze mai.
— Aïe, fit Valentin, c’est la première combinaison qu’essaie un voleur s’il connait cette date. Est-ce que tu as des ennemis au lycée ?
— Je ne sais pas. Au début de l’année, il y a bien un garçon qui m’a piqué mon sac à dos pour me narguer en se faisant des passes avec ses copains. J’ai eu deux bouquins abîmés.
— Il est dans ta classe ce type ?
— Non, il est en 6.
— Comment est-ce qu’il te connait ? Et toi, connais-tu son nom ?
— Il ne me connait pas spécialement et je ne sais pas son nom. Ce que je sais c’est qu’il sort avec une fille de terminale 5 comme moi. Une fille que je n’aime pas.
— Essaie de te rappeler, mardi dernier dans votre vestiaire, où était cette fille ?
— Sur le banc en face du mien.
— Elle a vu ton appareil ?
— Les profs veulent qu’on éteigne les téléphones. Je l’ai rangé dans la poche extérieure de mon sac, elle a pu le voir.
— Est-elle entrée dans le gymnase avant ou après toi ?
— Comme je n’ai personne avec qui discuter, je suis toujours dans les premières à quitter le vestiaire.
— Est-ce qu’elle aurait pu te le prendre et le glisser dans son sac ?
— Non. À la fin de la séance de gym, notre prof, avant d’ouvrir la porte donnant sur l’extérieur, demande toujours de vérifier nos affaires. C’est là que je me suis aperçue de sa disparition. La prof a fait vider tous les sacs mais on n’a rien trouvé.

Valentin se gratta la tête pendant quelques secondes à la recherche d’un autre scénario. Mathilde posa un bras consolateur sur les épaules de Julie.
— Encore quelques questions, reprit Valentin. Quel est le nom de la fille ?
— Rose Lavigne.
— Il est dans quelle section le copain de la Rose ?
— En terminale 6 comme je t’ai déjà dit. Il a gym en même temps que nous.
— Cette Rose connait-elle ta date de naissance ?
— C’est possible. Un jour elle discutait avec une autre. Je n’ai pas tout entendu mais seulement que l’une disait je suis du 14 juillet et l’autre a répondu moi du 7 mai. Je crois que j’ai dit à l’époque, nous sommes presque jumelles, moi je suis du 11 mai. Elle m’a répondu « on s’en colle, ta vie ne nous intéresse pas. » Une charmante fille comme vous pouvez constater.
— La séance de sport a commencé comment ?
— Par une course d’échauffement à l’extérieur.
— Il n’y avait que votre section dehors ?
— Non, les garçons ont commencé comme nous, par une course.
— Merci Julie. Nous allons te tenir au courant de la suite des opérations du CLASH. S’il te vient une idée ou un souvenir qui peut nous aider, tu peux en faire part à Camille Fontaine de terminale 3, elle nous fera suivre les informations.