VALENTIN AU LYCÉE

15. Recherche

Julie partie, Mathilde dit à Valentin :
— Tu as une idée pour avoir le nom du copain de la Rose ?
— Comme il n’y a pas de listing des amoureux dans le lycée, je ne vois que Camille Fontaine pour se tuyauter et nous renseigner.
— Julie avait son smartphone dans le vestiaire au début des deux heures de gym, elle ne l’avait plus à la fin de la séance, personne ne l’avait dans ses affaires lors de la fouille, comment tu expliques ce mystère ?
— J’ai pensé à un scénario possible quand Julie a parlé des garçons qui se sont fait des passes avec son sac. Tu te rappelles que je lui ai demandé ensuite si elle était entrée dans le gymnase avant ou après la Rose. Elle m’a répondu avant, donc je vois les choses comme ça : la voleuse s’attarde dans le vestiaire pour être la dernière, pique le téléphone sans se faire voir, le planque dans une poche de sa veste de survêtement et le passe à son copain au moment des tours de piste d’échauffement.
— Tu ne crois pas à une entrée dans le vestiaire pendant les cours ?
— Pendant les cours, les portes sont fermées par les profs car il y a sûrement déjà eu des vols. La clé est une clé de sécurité au profil compliqué. Un bricolage ou même un simple passe-partout ne pourraient pas ouvrir. Je crois plutôt au tour de passe-passe entre la Rose et son mec.
— Il nous faut connaitre ce gars donc on explique tout à Amandine qui demande à sa sœur de nous trouver le nom que nous cherchons, conclut Mathilde.
— Je pense à quelque chose de plus simple et de plus rapide. Demain à la récré du matin, j’aborde Julie, je lui file mon smartphone et lui demande de me faire discrètement des photos des deux harceleurs. Peut-être pourra-t-elle aussi obtenir elle-même le nom du mec. Ensuite seulement, donc à notre rassemblement de midi, nous réfléchirons sur la suite à donner.

Au rassemblement voulu par Valentin, ils étaient tous là avec en plus Camille, la sœur d’Amandine. C’est elle qui parla la première.
— Je sais ce que vous faites pour défendre les faibles et les harcelés et je trouve ça très bien. Je sais aussi que vous cherchez le nom du type dont Amandine a la photo sur smartphone. Le gars, je le connais de vue mais je ne sais pas son nom. Je sais seulement qu’il vient au bahut sur sa trottinette électrique noire et rouge.
— Très bien, merci Camille. Nous ne voulons pas t’impliquer dans la suite de ce que nous allons décider, alors tu es libre de partir, répondit Valentin.
— Attends Camille, fit Margot qui intervenait peu d’habitude, pourrais-tu me désigner un gars de sa classe bavard et sympa.
— Qu’est-ce que tu veux faire ? fit Olivier sourcil froncés.
— Obtenir le nom qu’on cherche, rien de plus.
— Attends, je regarde… Tiens, le gars en jean bleu foncé et sweat bleu plus clair près du troisième platane de la rangée de droite. Il est en terminale 6 et on dit que c’est un bon mec.
Margot ne s’absenta pas plus de cinq minutes. Quand elle revint vers la grande table d’extérieur qu’avait accaparée le groupe, un air de triomphe flottait sur son visage.
— Il s’appelle Lucas Mermillod et son téléphone à lui c’est 06 62 33 87 10.
— Ben comment tu as fait ? s’étonna Pauline devançant la même question des autres.
— C’était tout simple, j’ai abordé le gars indiqué par Camille, je lui ai demandé s’il était bien en terminale 6 et s’il connaissait celui qui est sur la photo que je lui ai montrée. Il m’a demandé pourquoi et je lui ai dit qu’on m’avait dit qu’il a un téléphone d’occasion à vendre. Il m’a répondu : Mais t’en as un ! Je lui ai dit que c’était pour une copine. Et il m’a filé les renseignements.
— Il n’a pas eu l’air surpris quand tu lui as parlé d’acheter un téléphone ? s’étonna Gilles.
— Ben non !
— Cela semble vouloir dire que ce n’est pas la première fois que l’autre en a un à vendre, supputa Valentin.
— Comment va-t-on faire pour le coincer maintenant ? s’inquiéta Quentin.
— Pour avoir barre sur quelqu’un il faut connaitre ses points faibles ou vulnérables, expliqua Mathilde. Comment connaitre les siens ?
— On en connait déjà un de ses points vulnérables : sa trottinette ! triompha Bouboule.
— Excellent, dit Olivier. Maintenant il faut savoir laquelle. On ne connait que sa couleur.
— Il faut être là avant lui et repérer où il la range, dit timidement Eva.
— Tu as raison Eva, c’est ce qu’il faut faire, mais pour nous qui venons tous de Saint Thomas, ça va être difficile, estima Pauline.
— Je pourrais demander à mon père de me déposer en avance, proposa Charly.
— C’est sympa de te dévouer, remercia Pierre-André, mais moi j’habite Annecy, pas loin d’ici et j’ai aussi une trottinette, heu pas électrique. Donc je viens en avance et je le guette. Demain je saurai la marque, où il la range, quel est son anti-vol, bref, à dix heures, vous saurez tout !

Effectivement, le lendemain, à dix heures, groupés autour de la table que personne ne leur contestait, les quatorze de Saint Thomas écoutaient Pierre-André faire son compte-rendu.
— Alors le Mermillod est arrivé à sept heures quarante-cinq sur sa trottinette avec devinez qui comme passagère ? Oui, la Rose Lavigne. Il l’a déposée devant la grille puis il est reparti. J’ai couru pour tenter de le suivre, heureusement il n’est pas allé loin, il a tourné deux fois à gauche et il est entré dans la cour de l’internat. Il a plié sa trot’ et l’a antivolée à un arceau pour vélo. J’ai repéré l’endroit et j’ai noté la marque de son engin : c’est une Joyor S10 et quelque chose. Un beau truc à six cents balles.
— Mais c’est super, ça. Nous avons un vrai moyen de pression maintenant, jubila Bouboule. Il suffit de trouver le moyen de lui presser le citron au Lucas Mermillod.
— J’ai pensé à un truc quand j’ai vu qu’il mettait un antivol à sa trottinette : la bloquer par un second antivol pour qu’il ne puisse plus la reprendre. Justement j’en ai un chez moi, compléta Pierre-André.
— Moi, si quelqu’un me faisait ce coup-là, je reviendrais avec une pince coupante pour me libérer, asséna Florian.
— Pince coupante… Ça me donne une idée, émit Valentin. Je vous dis tout après le repas. Retrouvons-nous ici. Merci Pierre-André.
— Attends Val, pourquoi est-ce qu’on s’occupe de lui plutôt que de la fille ?
— Parce que Rose est dans la classe de Julie mais pas Lucas ; parce qu’ils possèdent tous les deux un téléphone et qu’ils vont chercher à revendre celui de Julie ; parce que le gars interviewé par Margot n’a pas eu l’air surpris de ses demandes sur Lucas.

Quand à nouveau ils furent réunis, Valentin sortit une feuille de papier de sa poche et annonça :
— Voici ce que je propose comme plan d’action. Il se mit à lire ce qu’il avait écrit pendant l’heure d’anglais.
À Lucas Mermillod. Nous échangeons l’intégrité de cette belle trottinette contre la restitution du Samsung S20+ que tu as récemment « acquis » en gym avec l’aide de ta copine.
Nous possédons un outil coupant qui adore sectionner les câbles de frein de trottinette et pas seulement ceux-là.
Donc tu déposes discrètement l’objet de l’échange - en bon état et bien protégé sinon le marché ne marche plus - dans la terre du bac à fleur de la ville à l’entrée du lycée et ensuite ta trot’ libérée pourra respirer tranquillement.

Qu’en pensez-vous ?
— Ah oui, super ! Est-ce qu’on met une signature ou pas ? demanda Pauline.
— Ou pas, réagit Gilles. Il faut qu’il se pose plein de questions et qu’il ne trouve pas les réponses.
— Comment tu veux lui faire passer le message ?
— Je propose qu’on l’enroule autour d’une poignée de son engin, répondit Pascal à la place de Valentin.
— Super idée, fit Eva, je fournis les élastiques pour faire tenir le papier.
— Alors maintenant, voici le plan que je vous propose, continua Valentin :
1. Pierre-André immobilise la trot’ avec son antivol et place le papier, Bouboule et Eva sont là pour le sécuriser en faisant le guet.
2. Amandine, Charly et Quentin surveillent et suivent discrètement le Lucas.
3. Florian, Lucie et Gilles surveillent et protègent le bac à fleurs.
4. Pauline, Olivier et Margot tiennent la Rose à l’œil.
5. Emily, Mathilde et moi restons en renfort au cas où. Nous nous tenons au courant par textos. Des remarques ?
— Oui, dit Emily. Nous couperons réellement ses câbles de frein s’il n’obéit pas ?
— Absolument, répondit Olivier. Voler un pauvre, c’est ce qu’il y a de plus dégueulasse. Je serai volontaire pour faire le travail.
— Tu ne peux pas savoir à quel point tu as raison, conforta Margot, qui savait ce que c’est qu’être pauvre.
— Autre objection ? Non ? Alors nous allons pouvoir passer à l’action dès seize heures !
— Et lui, à quelle heure il sort cet aprem ? s’enquit Pierre-André. Il faut que j’aie le temps d’aller chez moi prendre l’antivol.
— À dix-sept heures. C’est ma sœur qui me l’a dit, renseigna Amandine.