À seize heures cinquante-cinq, Pierre-André arriva tout suant dans le parking deux-roues de l’internat du lycée. Il laissa tomber son VTT près de la trottinette électrique de Nathan Girard et fixa l’antivol à combinaison de chiffres exactement comme celui du propriétaire, Eva et Bouboule en grande discussion obstruant le portail pour retarder une éventuelle entrée. Quand l’antivol fut placé, Eva revint vivement vers la trottinette, sortit la lettre écrite par Valentin, l’enroula autour de la poignée droite du guidon et immobilisa le papier avec deux petits élastiques.
— Mets ton VTT là, dit Bouboule à Pierre-André en désignant une place libre à dix mètres de la trottinette entravée.
— Vite, il est cinq heures passées, fit Eva en extrayant son smartphone de son sac à dos.
— Sans te commander, Pierre-André, tu devrais sortir du parking. Si tu le vois arriver, tu nous fais signe et tu pars en lui tournant le dos, commanda Bouboule.
Va là-bas Eva, continua-t-il en désignant le coin le plus éloigné de l’espace de remisage et fais semblant de téléphoner. Attention, Pierre-André vient de me faire signe, il arrive. Je vais écouter ce que va dire le malfaisant.
Au moment où Lucas Mermillod tout guilleret, sifflotant une scie à la mode pénétra dans le parking, Bouboule se pencha vers le dérailleur du VTT pendant qu’Eva, marchant de long en large, smartphone à la main mimait une communication imaginaire.
— Putain ! Qu’est-ce que c’est que bintz ! ragea Lucas. Quel est le connard qui m’a fait cette farce à la con ! s’énerva-t-il en balançant un coup de pied dans les rayons de la roue arrière du vélo voisin. Ah, ben c’est signé on dirait, ajouta Lucas en faisant glisser les élastiques qui maintenaient le papier. Non de Dieu, quelqu’un a balancé ! continua-t-il après avoir lu la missive. Oh putain ! C’est sûrement ce connard qui le voulait pour des clopinettes. Il faut que je prévienne Rose tout de suite.
Il tomba son sac à dos duquel il sortit un iPhone dernier cri.
« Rose, planque le Sam, ne le garde pas à la main, ne fais surtout pas l’affaire, on a été mouchardé, quelqu’un sait. Un mec cherche à me faire chanter, il veut qu’on planque le phone dans le gros pot de fleur à l’entrée du bahut. Pourquoi ? Mais pour l’avoir pour rien, tiens ! Il a bloqué ma bécane avec un deuxième antivol. Attends-moi à l’arrêt de bus, j’arrive t’expliquer. »
Lucas parti, Bouboule sortit son smartphone et expliqua rapidement toute la scène à Valentin. Il suggéra ensuite à Eva : tu devrais rester là près de la trottinette avec ton téléphone en main. Si le type reviens, tu feras semblant de converser avec quelqu’un. Il est possible qu’il t’ait repérée tout à l’heure, alors quand il sera là, tu diras à voix assez haute, comme si tu étais en colère, quelque chose comme : « ah, tu arrives dans deux minutes ! Quand même ! Et bien ce n’est pas trop tôt ! » et tu te dirigeras vers le portail d’entrée en passant à côté de lui puis tu iras vers l’arrêt de bus du lycée. Valentin va vouloir nous rassembler pour décider de la suite car je ne suis pas sûr que ce mec veuille capituler tout de suite. OK ? Je sors avec la bécane de Pierre-André.
« Rassemblement derrière le gymnase près de la rivière. » Le texto de Valentin était impératif.
Quand les quinze adolescents furent réunis, en coordinateur des actions, il fit à tous le compte-rendu résumé des retours qu’il avait eu, en particulier celui de Bouboule.
— En conclusion, finit-il par dire, notre plan numéro un ne s’est pas terminé comme nous l’espérions. Malheureusement, il est cinq heures et demie et la dernière navette scolaire vers Saint Thom part à six heures. Par ailleurs, je présume que le Lucas Mermillod va vouloir récupérer son engin dès ce soir, il va donc revenir avec une pince coupante pour sectionner ton antivol Pierre-André. S’il réussit, ce que nous avons fait n’aura servi à rien. Qui a une idée pour la suite ?
— Moi ! fit calmement Pierre-André. Je suis le seul du groupe à habiter en ville, donc c’est à moi d’agir. Je vais foncer chez moi récupérer une pince coupante et je reviens aussitôt dans le parking. Je sectionne l’antivol de l’autre, je récupère la trot’ et je vais la garer au parking vélos place des cordeliers avec mon antivol. C’est un endroit fréquenté, même s’il réussissait à retrouver l’endroit, il n’oserait pas couper l’antivol devant les passants.
— Excellent, Pierre-André, félicita Florian. Il faut maintenant s’arranger pour lui faire parvenir un dernier ultimatum, mais comment ?
— C’est tout simple, avança Bouboule. Un message écrit positionné à la place exacte où il avait garé sa trot’.
— Pascal, tu es génial une fois de plus, congratula Valentin. Je rédige le message, je te l’envoie par texto, Pierre-André. Tu n’auras qu’à le recopier vite fait et le fixer sur le ratelier d’attache quand tu récupèreras son engin. Fonce ! Maintenant, les amis, il est grand temps d’aller prendre le bus navette. Laissez vos phones allumés, Pierre-André ne manquera pas de nous prévenir.
À l’arrêt du bus devant le lycée, Valentin téléphone en main rédigea son texto :
« Si tu ne veux pas faire le deuil de ta trottinette, dépose le phone à l’endroit prévu avec un moyen de te prévenir. Ceci obligatoirement avant demain matin. C’est le dernier avertissement avant que ton beau véhicule ne meure noyé ! »
Ceci fait, il expédia le texto à Pierre-André sans consulter ses amis, certain qu’il était de leur approbation et conscient de l’urgence de l’action.