Pendant la pause de midi, après la cantine, Pierre-André se dirigea vers les premiers arrivés du groupe en agitant ostensiblement son smartphone :
— J’ai quatre noms, ils commencent tous par la lettre T. Forcément, c’est la seconde seize. Donc on a deux filles et deux mecs : Amélie Thirault, Manon Toussaint, Mohamed Thala, Jules Thouvignon. D’après le copain de mon pote, il s’agit d’une petite bande de connards qui jugent malin et désopilant d’appeler Curt Tronchais comme vous savez.
— Merci Pierre-André. Il nous faut maintenant trouver le moyen de les dissuader d’appeler Curt comme ça, organisa Valentin.
— Il faut leur rendre la monnaie de leur pièce en leur trouvant des surnoms bien dévalorisants, proposa Mathilde, peut-être comprendront-ils.
— En tout cas nous pouvons essayer, fit Lucie. Ils ont donné un surnom qui va chercher en dessous de la ceinture, il faut faire pareil pour eux, même si dans l’absolu je n’approuve pas. Comment se nomme la fille déjà ?
— Amélie Thirault, répéta Pierre-André.
— Tyrolienne, fit Eva.
— Beaucoup trop gentil et trop haut, renchérit Lucie, je propose Tire-au-flanc.
— Pas encore assez dévalorisant. Je propose Tire-au-cul, intervint Pauline, c’est plus vexant pour une fille à cause du double sens. Surtout si c’est un beau mec qui lui balance, hein Florian ?
— Ben si vous êtes d’accord, je m’en charge, répondit l’intéressé.
— Attention Flo, si elle a un petit ami, si celui-ci est dans la bande, s’il est costaud et s’il est à côté d’elle, il peut essayer de te tabasser, mit en garde Emily.
— Avec autant de si on commencerait une symphonie ! rit Mathilde.
— Essayer n’est pas réussir, ma belle, surtout s’il est dans la même bande et si on lui a trouvé un méchant surnom au zig.
— Il vaudrait quand même mieux protéger tes arrières, je peux aller avec toi, proposa Quentin.
— OK, mais contente-toi de me suivre de loin. Ensuite ?
— Manon Toussaint. Qui propose quoi ? demanda Valentin.
— Tous-seins-pendants, c’est pas mal, non ? fit Eva.
— Ou Tous-seins-tout-plats, c’est plus rigolo, ajouta Lucie.
— Ça dépend de son aspect, s’amusa Pierre-André, vous vous occupez du cas les filles ?
— Si elle n’est pas trop costaude, tempéra Eva.
— Je vous suivrai discrètement, rassura Valentin. Maintenant Mohamed Thala.
— Celui-là, c’est pour moi, revendiqua Pauline, avec lui, c’est facile : t’as la braguette ouverte, t’as la morve au nez, t’as la verge molle, t’as la vérole ou quoi… J’en passe et des beaucoup plus salées. Qui pour se joindre à moi ?
— Je veux bien, dit Emily, mais si je parle à peu près bien le français, je ne connais pas l’argot ni les mots de la rue.
— Pas grave, Pauline connait. Nous avançons, c’est bien, complimenta Valentin. Au tour de Jules Thouvignon.
— Troufignon ! Je prends et c’est réglé, accepta Charly.
— Je te suis à distance et s’il t’arrive des bricoles je hurle pour attirer tout le monde, sourit Amandine.
— Donc nous y sommes, dit Pierre-André, j’ai bien noté qui prend qui, et vous enverrai la photo de votre cible par MMS dès que je l’aurai reçue. Je pense que Curt aura fait le nécessaire pour quatorze heures, je les aurai dans la foulée par mon copain. Pour ceux qui ne me l’ont pas encore communiqué, donnez-moi votre numéro de téléphone. Dès que nous aurons un petit temps libre, je vous ferai suivre les belles images. Si c’est possible, à cinq heures, on fonce tous à la sortie du bahut faire du repérage. Dès la sortie, opération CLASH contre harceleurs !