VALENTIN AU LYCÉE

35. Petite affaire

Après la réunion chez Charly, tout alla pour le mieux dans le groupe. Emily, Margot et peut-être aussi les jumelles un instant jalouses de Inge reconnurent vite en elle une camarade vive, enjouée et sympathique.
Une seule plainte fut déposée dans l’urne du CLASH durant la première semaine d’avril. Elle émanait d’un garçon de seconde S7 qui se plaignait de voir disparaitre régulièrement quelques-unes de ses affaires. Il soupçonnait fortement son voisin de table mais n’avait jamais pu le prendre sur le fait, son physique peu impressionnant lui interdisant de s’imposer. Comme il avait indiqué ses nom et prénom, le contacter fut très facile.
Une fois de plus ce fut Bouboule qui eut l’idée du piège à tendre. Ayant constaté qu’Inge, dans ses affaires scolaires possédait une trousse dont le motif décoratif était typiquement de son pays : la représentation d’une sculpture intitulée : “l’homme rencontre la mer”, il proposa au groupe des amis, réunion à laquelle assistait la jeune danoise, de prêter cette trousse introuvable en France au garçon qui se faisait souvent voler.
Il proposa aussi à ce garçon de laisser cette trousse sur sa table à la vue de tous mais de la remettre dans son sac quand il était volontaire pour aller au tableau lors des interrogations de ses professeurs.
Le piège fonctionna, la trousse disparut.
Immédiatement mis au courant par le plaignant, Bouboule avertit toute l’équipe et mobilisa les gros bras : Florian, Olivier, Quentin et Pierre-André pour guetter le garçon à la sortie de cinq heures.
Sitôt repéré, il fut entouré par les quatre costauds. Pierre-André, qui le connaissait pour avoir fréquenté le même collège que lui, l’interpela.
— Oh, Hugues, arrête-toi un instant s’il te plait.
— Pourquoi ? Qu’est-ce que tu veux ? répliqua Hugues déjà sur ses gardes.
— Je veux t’innocenter.
— M’innocenter de quoi ? Oh, là tu yoyotes !
— Je ne crois pas, non. Tu es accusé de vol et je te propose le moyen de mettre fin à cette accusation.
— Qui est-ce qui m’accuse d’abord ? Que je lui fasse une tête à ce menteur. À moins que ce soit toi qui en veuilles une !
— Attention Hugues, la brutalité appelle la brutalité, si tu veux bien comprendre.
Les trois autres costauds avancèrent de quelques pas, complétant un large carré autour du garçon.
— Je te demande simplement de vider ton sac, au sens propre du terme, pour prouver que tu es clean.
— Mais qu’est-ce que tu cherches à la fin ?
— Tu le sauras si je le trouve dans ton sac. C’est facile, non ?
— Je refuse et tu ne me fais pas peur !
— Et avec mon pote, là, ajouta Pierre-André en désignant Quentin. Toujours pas ? Alors deux de plus ?
Olivier s’avança, bras croisés sur la poitrine, mâchoire agressive. Florian agrippa la bretelle libre du sac à dos tenu par le supposé voleur.
— Ça suffit les parlottes ! Passe-moi ça.
Il ouvrit le sac et en répandit le contenu sur l’asphalte du trottoir. Livres et classeurs s’éparpillèrent au sol en même temps qu’une boite de compas, une règle plate, un manga, une trousse ordinaire, un paquet de Lucky Strike dans lequel quelques cigarettes manquantes avaient été remplacées par un briquet publicitaire puis, presque au ralenti, une autre trousse laquelle était décorée d’une image représentant un monument de quatre statues de pierre blanche.
— Qu’est-ce que c’est ? fit Pierre-André en saisissant l’objet.
— C’est une trousse, ça ne se voit pas ?
— Très jolie, j’aimerais bien avoir la même. Tu l’as achetée où ?
— Au grand magasin Carroufe.
Quelques lycéens badauds s’étaient rapprochés avec parmi eux Inge, en mission commandée. Elle se plaça près de Pierre-André, saisit la trousse et proféra :
— Åh jed genkender dette billede. Er du ogs å dansk ? (Oh mais je connais cette image. Est-ce que tu es danois ?)
— Qu’est-ce qu’elle raconte cette meuf ! Cette trousse est à moi, rends-moi ça !
— Image présente monument de mon pays dans ville à moi. Trousse seulement vendue chez moi. Moi prêté trousse à ami à moi, pas toi !
— Alors, Hugues, tu as compris ? Il te faut plus d’explications ?
— Cette meuf est dingue, je vous ai dit que la trousse est à moi.
— Nous te croirons si tu peux dire quel monument représente ce dessin.
— Quatre statues en pierre, ça se voit ?
— Inge, explique-lui. — Monument s’appelle “L’homme rencontre la mer” Œuvre de Swend Wug Hansen, statues très hautes : 9 mètres situées dans ville où je vis : Esbjerg au Denmark.
— Tu n’as rien à rajouter, voleur, menteur, harceleur ? Garde la trousse Inge, elle t’appartient. Quant à toi Hugues, où tu t’achètes une conduite et tu fiches la paix à ceux de ta classe, où les costauds qui sont autour de toi te retrouveront et te le feront payer très cher, compris ? Ramasse ton barda et dégage, minable !