VALENTIN AU LYCÉE

39. Le Proviseur

Pour la troisième fois de l’année, Valentin fut convoqué par le proviseur.
— Ah, monsieur Valmont, je veux vous entendre sur ce club que vous avez créé, le FLASH, c’est ça ?
— Merci d’avoir retenu mon nom et non, pour le club il s’agit du CLASH, in extenso c’est le “Club Lycéen d’Aide et de Secours aux Harcelés.”
— D’où vous est venue cette idée ?
— Un individu peu recommandable de ce lycée faisait chanter une de mes amies en menaçant de publier sur internet des photos-montages probablement créées à l’aide de l’IA, supposées la représenter nue et offerte. Il exigeait d’elle cinquante euros par semaine. Mon amie est d’une famille monoparentale, elle est pauvre. Elle mourait de honte à l’idée que l’on puisse publier ces images, alors elle empruntait à ses amis pour pouvoir payer mais cela ne cessait pas. Le CLASH a pu découvrir l’auteur de cette saloperie, l’obliger à éradiquer les sales images, l’obliger à rembourser et l’inquiéter suffisamment pour le dissuader de continuer. Avons-nous mal agi, monsieur le Proviseur ?
— Vous eussiez mieux fait de me prévenir.
— Je crois monsieur le Proviseur qu’en l’occurrence nous avons plus de pouvoir que vous, ceci soit dit sans vouloir vous offenser. Nous sommes quinze dans le groupe, c’est très dissuasif car nous n’avons jamais eu besoin d’avoir recours à la brutalité. Le harceleur s’est arrêté quand nous avons menacé de rendre publiques ses lâches actions.
— Était-ce un cas unique ?
— Nous avons trouvé une heureuse solution à une dizaine de plaintes.
— Comment êtes-vous mis au courant de ces plaintes ?
— Je préfère ne pas le dire, monsieur le Proviseur. Si cela transpirait, nous n’aurions plus aucune crédibilité.
— Hum, oui, peut-être. J’en viens au but de votre convocation. J’ai été avisé par la police d’un grave fait divers concernant une élève de seconde et deux garçons de terminale et dans lequel vous êtes intervenu. Êtes-vous aussi à l’origine de cela ?
— À l’origine du fait divers, non, à l’origine de sa conclusion, oui.
Comme la police a du vous le dire, une autre de mes amies a été attirée puis séquestrée, déshabillée et a failli être abusée, multi-violée, voire ensuite vendue à un commerce de prostitution international.
C’est du moins ainsi que se terminent ces histoires d’enlèvement de jeunes filles de préférence jolies, m’a dit le lieutenant Marchais.
Ayant déjà été confronté à un fait divers semblable à Saint Thomas du lac, l’adjudant-chef Lemoine pourra vous le confirmer, je suis devenu méfiant et, avec l’accord de mon amie, j’ai installé un traceur dans son téléphone et bien nous en a pris. Sans cela, une de vos élèves aurait disparu et cet abominable trafic aurait probablement continué.
— Quand vous êtes avertis d’un harcèlement, d’un vol, d’un trafic, comment décidez-vous d’agir ?
— Nous sommes quinze dans notre groupe. Quinze intelligences différentes réfléchissant ensemble finissent toujours par trouver des éléments de solution, monsieur le Proviseur.
— Tout ceci n’est pas au détriment de vos études ?
— Consultez mes notes en ligne, monsieur le Proviseur.
— Et les autres de votre... groupe ?
— Quand quelqu’un parmi nos amis est en difficulté, les autres l’aident.
— Vous ne voulez pas me dire les noms des membres de votre club ?
— Vous en connaissez déjà quatre. Rappelez vous les témoignages après la première affaire “Loïs Dumarest”, lequel s’était plaint à vous d’une supposée agression de ma part. Agression de ma part, quel culot ! Au cours de cette... disons entrevue, Gilles Arroux vous avait expliqué la signification du sigle CLASH et Eva Lacourt, jeune fille à l’odorat exceptionnel, avait été indisposée par l’odeur des habits de Hassen Henni, vous vous souvenez ? À propos de ce garçon, je ne l’ai plus vu dans le lycée depuis ce jour-là.
— Convaincu de trafic de haschich, il a été transféré dans un autre établissement par mesure disciplinaire. Bien, monsieur Valmont, je ne vois rien à véritablement vous reprocher, mais je souhaite à l’avenir être averti de ce qui se passe dans mon établissement.
— Désolé, monsieur le Proviseur, je ne suis pas un indic ni une balance et aucun des membres de mon groupe non plus. Mais vous avez ma parole que nous resterons toujours du bon côté de le ligne de... démarcation.