VALENTIN AU LYCÉE

5. Au ponton

  « Voilà, c’est ici » dit Valentin en posant pied à terre. « Place ton VTT contre le mien, je vais les attacher. »
— C’est très joli endroit. Pouvons aller sur ponton ?
— Oui, c’est là que je viens nager avec mes amis d’habitude, mais en ce moment, ils sont tous en vacances un peu partout en France et même en Thaïlande pour celui qui habite ici normalement. Allons au bout, je vais installer une serviette.
Valentin sortit un drap de plage de son petit sac à dos, l’étendit sur le ponton et invita Inge à s’y installer.
— On peut faire naturisme ici ?
— Heu… oui mais pas complètement.
— Je comprends, sourit la jeune fille qui ôta tee-shirt et haut de maillot et s’étendit face au soleil.
Valentin allait lui aussi ôter son tee-shirt quand, au départ du ponton, une autre jeune fille s’engagea sur les planches et s’avança vers eux.
— Emily ! s’exclama le garçon, mais je te croyais dans votre chalet du Grand Bornand.
— Tu es déçu de me voir ? Cache donc ta joie !
— Mais non, qu’est-ce que tu imagines…
— Qui c’est celle-là ? Ta nouvelle petite amie ?
— Inge, je te présente Emily, une camarade de collège. Emily, voici Inge, une amie danoise qui vient passer quelques jours de vacances à Saint Thomas du lac.
— Bonjour, suis contente de connaitre amie de Valentin. Je connais déjà Olivier, ami garçon de lui et moi.
— Installe-toi avec nous Emily, nous sommes venus au ponton de Charly pour nager tranquillement, sans la cohue de la plage municipale.
Valentin enleva son haut et ses baskets et se préparait à plonger quand un jingle retentit, venant de son mini sac à dos. Il sortit son smartphone d’une poche intérieure et fronça les sourcils.
— Un texto de mon grand-père. Il me demande si je n’ai pas emporté par mégarde la clé du garage, il ne peut pas rentrer la voiture ! Voyons… fit-il en farfouillant toutes les poches du sac. Ah, flûte, il a raison. Les filles, je vous abandonne dix minutes, faites connaissance en m’attendant.
Valentin mit la clé dans sa poche de bermuda, réenfila son tee-shirt fit deux pas comme pour partir puis, il se figea, il venait de surprendre les lèvres pincées d’Emily et un inhabituel et dur regard en biais de celle-ci vers la jolie danoise. Perplexe, il observa les deux jeunes filles puis il tapota l’écran de son smartphone qu’il reglissa dans la poche habituelle de son sac à dos.
— Je vais faire vite.

Valentin parti, un long silence s’installa entre les deux filles. Emily enfin osa poser la question qui la tourmentait.
— Tu aimes Valentin ?
— Oh oui, beaucoup, très fort.
— Ah ! Tu le connais depuis longtemps ?
— Sept jours, non huit avec aujourd’hui.
— Tu es là depuis huit jours ?
— Non. Sept jours l’an dernier à Mixelit, camping à l’océan et arrivée ici aujourd’hui. Valentin très gentil avec moi.
— À l’océan, vous avez… fait des… choses ensemble ?
— Oui, beaucoup de choses, lui et moi. Valentin sauver moi de noyer dans fort courant qui entrainait nous au large. Lui me défendre contre jeunes allemands agressifs, lui se battre aussi contre autres jeunes aux mauvaises pensées qui voulaient caresser moi. Nous gagner tournoi de volley-ball de plage avec Olivier. Olivier très gentil aussi. Également Valentin faire arrêter voleurs de sacs à main dans voitures. Aussi nous marcher beaucoup sur plage déserte. Merveilleux.
— C’est là qu’il t’a photographiée toute nue ?
— Non, pas photographié.
— Si ! J’ai vu la photo.
— Pas comprendre…
— Toute nue, avec des mouettes !
Inge éclata de rire.
— Ah oui, quand je faisais naturisme. Oh, comme c’était bien ! Tu as vu la jolie photo ?
— Valentin aussi s’est mis tout nu ?
— Non. Euh juste un petit moment quand lui sauver moi de noyer. Et toi, tu es son amie comment ?
Emily resta silencieuse un moment, puis son visage se décomposa. Elle finit par dire :
— Nous avons été plus que bons amis tous les deux.
— Plus maintenant ?
— Je me sui montrée très bête et injuste envers lui, alors il m’a quittée.
— Toi toujours amoureuse de lui ?
Emily hésita longuement avant d’avouer :
— Oui, je crois que oui.
— Et lui ?
— Je crois que non. Et toi, tu es amoureuse de lui ?
— Moi, je habite Danemark. Trop loin pour être amoureuse, mais amie, oui, très amie car lui très gentil, intelligent, rend beaucoup services.
— Qu’est-ce qu’il t’a rendu comme services ?
— Trouvé camping pour mes parents, indiqué quoi faire dans région ici, prêté bicyclette à moi, emmené moi là pour nager, promis faire tour du lac, grimper montagne, faire canoé. Lui penser toujours aux autres avant de penser lui.
— C’est l’impression qu’il veut donner. Pour l’instant tu as de la chance, mais avec lui tout peut changer très vite. Si tu parles à un autre garçon, il te laissera tomber comme il a fait avec moi ainsi qu’avec d’autres filles que je connais.
— Pas croire que Valentin oublie moi.
— Bien sûr que si ! Je crois qu’il ne reste avec toi que parce que tu te montres nue. Moi je ne l’ai jamais fait, je ne suis pas une pute !
Inge, sans se départir de son sourire s’agenouilla sur la serviette, prit de l’eau dans sa main en cuiller, se mouilla rapidement la nuque puis tourna le dos à Emily et plongea dans la profondeur limpide du lac.

Quand Valentin revint sur le ponton, un peu surpris par l’absence d’Emily, il ne résista pas longtemps à l’appel de l’eau. Après les précautions élémentaires que doit prendre tout nageur, nuque, bras et cuisses mouillés, il plongea et nagea vers Inge qui, splendide naïade, revenait vers lui dans un dos-crawlé techniquement parfait.
Quand ils furent réinstallés sur le ponton, frissonnant de bien-être sous le soleil déclinant de la fin d’après-midi, Valentin, apparemment désinvolte, demanda :
— Tout s’est bien passé avec Emily ?
— Elle m’a dit avoir été petite amie à toi mais plus maintenant et que des regrets elle a.
— Elle t’a demandé ce que tu es pour moi ?
— Oui, très curieuse de savoir tout.
— Que lui as-tu dit ?
— Moi toujours dire vérité : que nous très amis.
— Elle pourrait aussi être ton amie ?
— Ne le pense pas. Elle pas comprendre naturisme, pas comprendre amitié avec garçon. Elle dit à moi mot que je ne connais pas ?
— Quel mot ?
— Elle dire moi une pote, je crois. Que cela veut dire ?
— Heu, en langage populaire, pote veut dire ami.
— Moi pas comprendre ami.
— Dis-moi Inge, tu as aimé nager dans le lac.
— Oh oui ! Eau très propre, agréable sur la peau, pas sel comme à l’océan.
— Nous faisons le tour du lac demain ?
— Ja, oui, je veux bien. Comment se préparer ?
— Je passe te chercher à neuf heures. Mets des baskets, un short, un tee-shirt et un gilet, je m’occupe du reste. N’oublie pas ton téléphone.