Enfermés.
       Privés de la liberté d’aller et venir à notre guise, pour nous évader moralement de nos quatre murs de briques, nous avions mis au point une technique d’escalade de la porte du bout de la cour. C’était d’ailleurs bien facile car, faite de planches verticales assemblées, elle était renforcée par deux « Z » en relief permettant de solides appuis pour les pieds. Alors, accoudés sur son sommet, nous occupions une grande partie de notre temps libre à discuter puis à nous insulter avec les autres gamins du quartier qui allaient et venaient dans la venelle.
Un jour, la discussion ayant une fois de plus dégénéré, nous en étions venus à des échanges de gamelles pleines d’eau, lancées à tir de mortier par-dessus la porte. Nos invisibles adversaires, pris au jeu, se sauvaient pour éviter la douche mais revenaient rapidement nous narguer en agitant la poignée de la porte.
Quel brave homme que notre père ! Il ne nous a même pas grondés lorsque que, revenant de son travail, après avoir tourné la poignée de la porte, il est rentré dans la cour, béret dégoulinant !

       De l’autre côté du mur, il y avait une autre cour, celle de nos voisins bien sûr. Mes parents, sans être fâchés, ne les fréquentaient pas. La simple politesse, bonjour-bonsoir, et c’était tout.
Chez ces gens, il y avait trois enfants, des grands, des vieux, un garçon et deux filles, Colette et Gisèle. Leurs préoccupations n’étaient pas les nôtres. Les filles portaient des bas et mettaient du rouge à lèvres et le garçon n’était pas loin de se raser le menton.
C’était l’après-midi d’un beau jour d’été, j’étais seul. Machinalement, sans faire de bruit, j’ai escaladé la porte de la cour et me suis accoudé, oisif, rêveur, regard dans le vague vers la liberté refusée.
Un petit bruit mouillé a attiré mon attention : dans la cour des voisins, près d’un baquet fumant, Gisèle, pieds nus sur le ciment du sol, jambes nues, petit slip sur ses fesses rebondies, savonnait avec application ses superbes seins nus qui roulaient sous l’action de ses mains.
Toujours agrippé au sommet de la porte, je me suis tassé sur moi-même, ne laissant dépasser que mes yeux. Je fis une rapide mais très ardente prière pour qu’elle ne me voie pas et continue sa toilette.
Ce qu’elle fit.
Elle mit les mains à l’élastique de son slip et le fit prestement glisser sur ses jambes. Avec une petite flexion de ses genoux écartés, elle passa plusieurs fois le gant de toilette couvert de mousse sur la petite toison brune qui séparait ses cuisses puis se rinça abondamment. Tétanisé, la tête et le ventre en feu, je ne perdais pas une miette du spectacle.
Fut-ce le bruit de ma respiration que pourtant je m’efforçais de contrôler, la soudaine prise de conscience d’être épiée ou une facétie du Bon Dieu qui, après avoir exaucé ma prière impie prit un malin plaisir à mettre fin à sa réalisation ? Gisèle leva la tête et m’aperçut.
Elle ne dit pas un mot, ne me gronda pas, ne m'insulta pas. Elle se baissa rapidement, genoux serrés, mettant encore en valeur son fessier arrondi, ramassa son petit slip, sa serviette et s’en fut dans sa maison.
Deux personnes seulement sont au courant de cet épisode : elle et moi. Que ne donnerais-tu pas pour revenir en arrière, belle Gisèle, n’est-ce pas ? Et te laisser admirer à loisir par un petit mâle incandescent...