Elle avait un an de moins que moi. Mince et blonde, des yeux célestes, un teint clair, elle s’habillait de jaune et avait la grâce et l’effronterie des filles qui se sentent jolies. C’était ma cousine Janine.
Notre parenté n’était pas flagrante et peut-être même n’existait-elle pas car sa mère, épouse évasive d’un cousin de mon père était bien délurée. Mais là n’est pas la question...
Janine aimait bien jouer avec nous : à la marelle ou au cerceau, au jeu des métiers, au docteur, à chat perché ou chat blessé, à cache-cache courir ou premier vu. Différente des autres filles, elle savait grimper, sauter, chaparder, mentir mais aussi rire et sourire. Comme un bon copain.
Il me semble bien que c’était le jour de la Pentecôte. Il faisait beau, l’air était léger et capiteux. Avec Jean-Claude et quelques autres chenapans, partenaires épisodiques, nous jouions à courir dans le vallon qui descend vers les Fonts de Noue. C’est le jeu le plus simple du monde : si un joueur se fait toucher de la main par le coureur, il le devient à son tour et court après les autres. Cela ne finit jamais mais dégénère souvent !
Lassés de jouer, nos camarades s’en été allés en criant au tricheur. Nous ne restâmes que trois. Hilares, essoufflés, nous nous reposions, allongés dans l’herbe parfumée du talus.
— Tu sais jouer à la torture ? demandai-je à Janine.
— Non, c’est quoi ?
— Je vais te faire la brûlure indienne !
— Ca fait pas mal au moins ?
— Si t’as mal, tu le dis !
Ce jeu stupide consiste à saisir le poignet de l’autre à deux mains et à tourner celles-ci en sens inverse l’une de l’autre en un mouvement alternatif de frottement.
— Aïe, ça brûle !
— Ben oui, puisque c’est la brûlure indienne.
— J’aime pas !
— Attends, on va changer, on va jouer à la torture chinoise.
— Si ça fait mal, je joue pas.
— Mais non, tu vas voir, couche-toi sur le dos.
Ce jeu-là était beaucoup plus intelligent, vous allez en juger. Janine s’étant docilement allongée, je me mis à quatre pattes au-dessus d’elle, saisis ses poignets dans mes mains et calai ses jambes entre mes pieds et genoux.
— Maintenant, tu es prisonnière, il faut que tu avoues tout !
— Que je dise quoi ?
— N’importe, tu dois avouer, c’est la torture !
Juste au-dessus de son visage illuminé par ses joues rougies et son regard clair, je laissai pendre une stalactite de salive en prenant bien soin de l’aspirer au dernier moment avec un joli bruit mouillé, suave et délicat.
Mon frère qui avait déjà pratiqué cette torture sur moi avec beaucoup d’efficacité riait comme un bossu. La cousine tournait la tête de droite et de gauche en criant :
— Non, non, arrête, arrêêête !
Mais bien entendu, je ne cessai pas. La goutte, retenue par un fragile filet de bave, faisait du yo-yo au-dessus de son visage et, évidemment, par la vertu des secousses qu’elle donnait pour se dégager et le plaisir sardonique que je prenais à laisser le fil s’étendre de plus en plus, la goutte blanche et bulleuse est tombée, juste à la commissure de ses lèvres.
— Beurq, t’es dégoûtant, je t’aime plus, je veux plus jouer avec vous, je veux m’en aller !
— Attends, pleure pas, je vais t’essuyer.
— T’es bête, t’es méchant, t’es sale, voilà !
— Allez, tiens, il n’y a plus rien. T’es plus fâchée ?
Janine haussa les épaules et, sans répondre, se recoucha dans la pente d’herbe douce en nous tournant le dos.
Le soleil était bon, chaud, caressant et faisait courir sur ma peau de délicieux frissons de bien-être. Mon frère, quelques mètres plus loin, cherchait des trèfles à quatre feuilles. Ma blonde cousine se détendit et se mit sur le dos, un avant-bras protégeant ses yeux clairs de l’éclat du soleil.
Elle fit lentement osciller une jambe repliée, laissant à chaque mouvement remonter un peu plus sa jupette, dévoilant sa petite culotte blanche. Appuyé sur un coude, la tête sur la main, très intéressé, je ne perdais pas un centimètre du spectacle inespéré qui s’offrait. Le mouvement du genou faisait bailler la marge de son sous-vêtement et chaque oscillation révélait un peu plus du mystère féminin.
Ému, intrigué, curieux, je me laissai doucement glisser dans la pente légère, m’aidant des coudes et des talons, de façon à contempler de plus près le délicieux tableau. Janine, les yeux cachés sous son bras, continuait son manège. Son genou battait une lente mesure.
Je suis resté longtemps ainsi sans bouger, sans rien dire de peur de rompre le charme.
Puis j’ai osé.
J’ai avancé une main avec délicatesse, sans toucher la peau diaphane. J’ai doucement saisi le bord de la petite culotte et, salive épaisse, cœur plein de l’appréhension d’une rebuffade, j’ai lentement écarté le tissu, révélant une charmante petite vulve rose et dodue.
Ce furent quelques secondes d’éternité.
Mon frère, intrigué par ce long silence, s’était approché. Janine, d’une ondulation du bassin, remit son petit slip en place chrétienne, sans pour autant changer son adorable position. Les oreilles tintant, des ondes de chaud et de froid dans le corps, à nouveau, j’ai osé. Le petit sexe nubile a réapparu.
J’ai jeté un bref coup d’œil à mon frère, formidablement intéressé lui aussi, puis j’ai regardé le visage de Janine. Sous le coude replié, le regard filtrait, amusé, ironique, narquois. Nouveau mouvement de hanche, nouveau rideau.
Alors, nouvelle tentative !
C’est ainsi que, à tour de rôle, pendant un long moment, nous écartâmes la lisière de sa petite culotte, dardant nos regards curieux vers la différence essentielle.
Et chaque fois, avec un bienheureux retard, ma très belle et très perverse cousine, d’un geste du bassin accompagné d’un grognement hypocrite s’amusait à nous priver de notre belle image.
Il a duré longtemps cet adorable manège.
De quelle façon se serait-il terminé si la voix de notre mère ne nous avait pas appelés pour le repas du clan ?