Nostalgie.
       J’ai récemment voulu revoir le cadre de mes vacances d’enfant.
Très gentiment accueilli par une affable secrétaire, j’ai pu refaire le tour de cette immense propriété devenue depuis centre sportif.
Certes, le lac de canotage, vaincu par un été de sècheresse, était à sec et le quai d’embarquement menace ruine. D’ailleurs il n’y a plus de canoës... La piscine devenue trop vétuste et désuète a été comblée, les plongeoirs démolis et le vestiaire, stockant du bric-à-brac, est en piteux état. Le théâtre de verdure, si romantique avec sa charmille et ses saules pleureurs, a laissé place à un gymnase moderne, et les parcours sportifs du colon n’existent plus. Les pratiques ont changé. Il n’y a plus de nymphéas ni de poissons rouges dans les bassins sans eau.
Pourtant, dès mes premiers pas dans les chemins bordés de troènes et de symphorines, le soleil est sorti de son nuage, il a inondé les arbres et les bâtiments d’une limpide et douce lumière de septembre. Les bruits, les images, les odeurs ont afflué en masse. Le cœur plein de nostalgie, je me suis trouvé projeté cinquante ans en arrière. J’ai de nouveau senti l’odeur pénétrante du buis surchauffé, j’ai entendu les chants de marche, les cris des colons, les cliquetis des couverts au réfectoire. J’ai revu les copains, les chefs, retrouvé des noms oubliés ; les paroles des chansons me sont revenues en mémoire. Je me suis vu guettant les moutons, tirant des foulards, bloquant des ballons, sautant les obstacles, nageant et pagayant.
Et sur la façade sud du réfectoire, devenu salle à manger, le cadran solaire en forme de blason, décoré de glands et de feuilles de chêne, de fleurs en étoile et d’un soleil sortant d’une mer d’azur porte toujours la devise du colon :

ÉLÈVE-TOI COMME LUI
BOUGE RAYONNE
AIME DONNE
RIS ET PARDONNE.