13. Nuit chaude.
 Il devait être un peu plus de minuit.
Dans l’environnement inconnu de cette chambre, Yannick ne dormait pas. Trop de questions auxquelles il ne trouvait pas de réponses certaines se bousculaient dans sa tête.
Que désire vraiment Brigitte ? Qu’attend-elle de moi ? J’ai l’impression qu’elle a une certaine nostalgie de nos années d’EN.
Elle n’est visiblement pas heureuse avec son mari. Mais alors pourquoi ne demande-t-elle pas le divorce ? Elle semble avoir du mal à supporter l’égoïsme de cet homme mais elle doit avoir peur de se retrouver sans ressources s’ils se séparent. Ce mec qui a eu le bonheur de trouver une femme splendide, intelligente, dévouée ne sait pas apprécier sa chance.

 Il en était là de ses réflexions quand il entendit un petit grattement à la porte de la chambre et une voix chuchoter : « Yannick, tu dors ? »
— Non, pas encore.
— Je peux venir discuter un peu avec toi ?
— Mais oui Brigitte.
Quand elle passa entre le veilleuse au-dessus de la porte et le lit dans lequel Yannick s’était dressé en appui sur les coudes, sa silhouette de femme se dessina de profil dans la transparence de sa nuisette : la poitrine un peu lourde mais encore bien placée, les cuisses pleines, les reins cambrés, les fesses rebondies.
— Toi non plus tu ne peux pas dormir ?
— Cela m’arrive souvent surtout quand il fait chaud et orageux comme maintenant.
— Assieds-toi sur le lit. Je suis sûr que tu as envie de me dire quelque chose.
— Exactement. Je repensais à notre rencontre à Laon, près de la porte de Soissons, à l’endroit précis où nous sommes retournés il y a un mois, tu te souviens ?
— Oh oui, je me souviens, c’était l’endroit de notre premier baiser. Nous étions jeunes, beaux, sûrs de notre avenir. Ce sont des moments comme ça qui font la qualité d’une vie. Je sens encore ton contact sur mes lèvres.
— Comme ça ? dit-elle en se penchant vers lui et en posant sa bouche contre celle de son très ancien ami.
Son sein gauche caressa au passage le bras gauche et la poitrine nue de Yannick qui fut pris d’une pulsion. Il emprisonna le sein dans sa main droite et enlaça le buste de Brigitte de son bras gauche pour la maintenir contre lui, pour prolonger le baiser. Quand il la relâcha, elle s’allongea près de lui.
Il s’appuya sur un coude de façon à mieux envisager son amie, attacha ses yeux au myosotis sombre de ceux de Brigitte.
— Ce que nous faisons est-il bien raisonnable ? Je ne me sens pas le droit de t’inciter à être infidèle.
— Tu es un homme bien, Yannick, mais je veux te dire autre chose. Au début de mon union avec Yves, je lui servais de secrétaire et notais les demandes de visites à domicile. J’ai rapidement constaté qu’une adresse revenait souvent dans ses rendez-vous mais à l’époque, je n’avais pas vraiment de soupçons. Je me suis quand même renseignée, c’était l’adresse d’une femme seule. Maintenant les médecins ne se déplacent plus mais lui continue et la plupart des patients qu’il va visiter sont encore des femmes. J’ai observé aussi que, quand il téléphone et que je suis dans les parages, souvent il baisse la voix.
Un jour je lui ai demandé pourquoi ? « Secret médical » m’a-t-il répondu. Et puis, tu sais, comme pour toi il y a 48 ans et huit mois - tu vois j’ai bien retenu et calculé - il y a toujours une bonne âme pour t’ouvrir les yeux. Mon mari, qui l’est devenu si peu, se paye du bon temps pendant que sa fidèle épouse l’attends à la maison près de ses fourneaux. Quelle injustice !

 Dehors grondait le tonnerre, la pluie martelait les vitres de la fenêtre. Dans la chambre, l’atmosphère était lourde et moite.
Ému par les confidences de Brigitte, Yannick couché sur son côté droit se colla à son amie, posa une main sur son le haut de son ventre, après quelques secondes, il remonta doucement jusqu’à toucher le mamelon d’un sein qui durcit sous le contact caressant. Sa main descendit ensuite lentement vers la toison soyeuse jusqu’au niveau des cuisses.
Elle haleta un début de respiration, écarta un peu plus les jambes, posa une main sur le ventre de l’homme à la recherche d’une virilité fortement affirmée. Après quelques instants, Yannick n’y tenant plus écarta le drap qui le couvrait encore en partie, se coucha sur son amie, glissa lentement jusqu’à enfouir son visage entre les cuisses consentantes pour un très long baiser, jusqu’à ce qu’elle gémisse avant de se contracter rythmiquement au paroxysme de son orgasme.
Elle ôta son arachnéenne nuisette pour se coucher sur lui, mit en place sa virilité et corps cambré, seins emprisonnés dans les mains de l’homme, entreprit de rendre le plaisir qu’elle venait de prendre. Elle eut un nouveau violent orgasme quand il explosa en elle.
Quand ensuite ils reposèrent sur le drap chiffonné, épuisés, main dans la main, allongés l’un près de l’autre. Yannick soupira comme pour lui-même :
— J’en rêvais depuis notre éphémère union, il y a si longtemps…
En un écho au sens à peine déformé elle murmura à son tour « Je n’ai jamais connu pareilles sensations, je ne pensais pas que l’amour physique puisse être intense à ce point. »
— Tu n’as jamais eu d’orgasme avec ton mari ?
— Avec lui, c’était le devoir conjugal du samedi, vite fait mal fait.
— Tu pleures ? questionna Yannick au bout d’un instant en entendant Brigitte renifler.
— J’ai plus de soixante ans maintenant et tu viens de me faire comprendre que je suis passée à côté de bien des choses. C’est terrible de s’apercevoir qu'on n'a pas su deviner que le bonheur de toute une vie était à portée de main et qu’on n’a pas su le cueillir. Bon il faut que j’arrête avec ça, cela ne me mène à rien. Je vais te laisser dormir Yannick. Tu comptes partir à quelle heure demain matin ?
— Combien de temps faut-il pour arriver à Laon ?
— Moins de trois quarts d’heure.
— Je commencerai à rouler à neuf heures et demie.
— Bien entendu, tu reviendras ici demain après-midi, je peux encore te loger.
— Merci, avec plaisir.
— Bonne nuit alors, dit-elle en posant un dernier baiser sur les lèvres de son amant.