17. Visite inattendue.
 Le mardi qui suivit son retour de Picardie, Yannick, obéissant en cela à la volonté de sa fille qui ne voulait pas le voir se laisser aller à la morosité et au désespoir, avait décidé de faire une petite randonnée en solitaire dans le massif des Bauges. Casse-croûte dans le sac à dos, il s’apprêtait à sortir quand retentit la sonnette de l’entrée. « Flora et Adrien sont au travail, les enfants à l’école, c’est sûrement un démarchage », pensa-t-il en s’apprêtant à éconduire l’intrus. Sac de randonnée tenue à la main par une bretelle, il ouvrit la porte d’entrée.
Un gendarme stationnait sur le paillasson, un autre un peu plus en retrait.
— Monsieur Lefevre ? interrogea le premier militaire.
— Oui. Que désirez-vous ?
— Je suis le brigadier Clusel, l’adjudant-chef Monod désire vous parler. Pouvons-nous entrer ?
— Heu, oui, pas de problème. J’ai commis une infraction routière ?
— Si tel est le cas, vous recevrez votre contravention par la poste, intervint l’adjudant-chef. Nous avons juste quelques questions de routine à vous poser.
— J’allais partir en randonnée mais bon, entrez. Asseyez-vous, dit Yannick en désignant les fauteuils du salon.
— Ce n’est pas utile. Monsieur Lefevre, que possédez-vous comme véhicule ?
— Ah, c’est donc bien un problème routier. Ma voiture c’est une Citroën C4.
— D’accord, de quelle couleur ?
— Difficile d’être précis, je dirais café au lait.
— D’accord. Son immatriculation ?
— Désolé, je ne l’ai pas mémorisé. Attendez, les papiers son dans mon sac à dos. Euh… voilà : CA 838 EN. J’ai fait un gros dépassement de vitesse sur l’autoroute ?
— Nous avons simplement pour mission de contrôler les informations fournies par le centre informatisé des cartes grises. C’est tout pour ce qui nous concerne.
— Je ne vois pas très bien l’utilité de tout ça mais bon, ce sont les mystères de l’administration.
— À propos d’administration, monsieur Lefevre, vous étiez bien professeur au collège de Saint Jorioz ?
— Oui, monsieur euh… mon adjudant-chef, j’enseignais les maths plus quelques heures d’éducation physique.
— Vous avez eu mon fils, Yann Monod en gym. Il vous a beaucoup apprécié.
— Yann c’était votre fils ? Un gentil garçon, très bon en volley-ball.
— Il continue à faire du volley en club. Personnellement j’aurais préféré qu’il fasse du rugby, mais bon… Nous n’allons pas vous ennuyer plus longtemps, monsieur Lefevre, bonne randonnée. Où allez-vous ?
— Je vais faire le col du Sollier.
— Petite balade sympa, surtout en cette saison. Bonne journée.
— Merci, pareillement.
 Sur la route sinueuse menant d’abord au col de Leschaux, Yannick se posait des questions sur le motif réel de cette visite inattendue.
« Pourquoi diable veulent-ils savoir tout cela. À la réflexion, sur l’autoroute, j’avais enclenché le régulateur de vitesse sur 120, donc je n’ai pas pu faire d’excès. À l’arrivée, en ville et le long du lac, j’ai tellement l’habitude que là non plus… Alors pourquoi la gendarmerie s’est-elle dérangée ? Pourquoi ces questions uniquement sur ma voiture ? Usurpation de plaque minéralogique ou alors… Les italiens ont le même système de numérotation que nous, donc peut-être une homonymie avec infraction à la clé. Possiblement un trafic illicite dans une voiture semblable à la mienne et toutes les C4 de la région sont vérifiées. Oui, c’est peut-être ça. L’adjudant-chef s’est montré cordial, donc rien de grave me concernant.