Il était huit heures du matin le lendemain de sa randonnée quand Yannick réactiva son smartphone. Le chiffre un en rouge ornait l’icône de l’application téléphonique. Il la relança et constata qu’un nouveau message vocal l’attendait. Il émanait du brigadier Clusel de la brigade de gendarmerie de Saint Jorioz. Ce message succinct lui demandait de passer au plus vite à leur local.
« Que me veulent-ils encore ? Ils ont oublié de me demander quel est le modèle de ma C4 ou quoi ? J’y passerai en fin de matinée avec ma voiture, comme ça ils pourront l’inspecter sous toutes les coutures.
La petite brigade occupait un appartement au rez-de-chaussée d’un immeuble bâti en bordure de l’ancienne nationale traversant la commune. Un bouton de sonnette permettait de demander l’ouverture de la porte grillagée de la clôture entourant le bâtiment. Sans hésiter, Yannick appuya brièvement sur le bouton.
— C’est pourquoi ? demanda une voix déformée par l’électronique.
— Lefevre, dit simplement Yannick.
Un grésillement libérant la gâche indiqua que l’accès était possible. Quelques pas dans une allée mal entretenue puis trois marches l’amenèrent devant la porte vitrée donnant accès au local d’accueil. Dans ce local, assis devant un écran d’ordinateur, avec ses deux index, le brigadier Clusel tapait un rapport en pinçant un bout de langue entre ses lèvres serrées.
— Bonjour brigadier, j’ai bien reçu votre message vocal. Je ne vois pas bien pourquoi je suis convoqué, mais enfin je suis là.
— C’est l’adjudant-chef qui veut vous parler. Attendez.
Le brigadier appuya sur une touche du mini-central téléphonique posé sur son bureau.
— Oui ? nasilla le haut-parleur intégré.
— Monsieur Lefevre est là.
— Faites-le entrer.
— Bonjour mon adjudant-chef, vous désirez d’autres renseignements sur ma voiture ? Je suis venu avec.
— J’ai juste quelques questions. Vous avez voyagé récemment ?
— Je suis allé régler quelques problèmes de cimetière à Laon, dans l’Aisne. La pierre tombale de mes parents avait été endommagée.
— Malveillance ?
— Non, plutôt maladresse d’un conducteur de minipelle.
— Vous êtes d’origine picarde ?
— Je suis né à Laon. Ma famille est originaire de Picardie depuis cinq générations au moins. Ce n’est pas pour savoir ça que vous m’avez convoqué ?
— Connaissez-vous le village de Guignicourt, dans l’Aisne justement ?
— Pourquoi cette question ?
— Une voiture semblable à la vôtre a été remarquée dans le village, donc je vous repose la question, êtes-vous allé à Guignicourt ?
— Effectivement, j’y suis passé en fin de semaine dernière. C’est un coin de mon département d’origine que je connaissais mal, je voulais le découvrir.
— Alors monsieur Lefevre, je dois prendre vos empreintes digitales.
— Hein ? Pourquoi ?
— La brigade de gendarmerie de Guignicourt diligente une enquête sur un fait divers local. Le conducteur d’une voiture semblable à la vôtre est soupçonné. Ils possèdent plusieurs empreintes. Comme ils ont pu grâce à divers témoignages concordants obtenir le numéro d’immatriculation et qu’il correspond à celui de votre C4, Ils me demandent de leur faxer vos empreintes dans la journée. Il ne s’agit pas d’une commission rogatoire, vous pouvez refuser mais la comparaison des empreintes vous mettra vite hors de cause et on vous laissera tranquille.
— Je n’ai aucune raison de refuser, sinon que c’est salissant, ajouta Yannick avec un sourire en coin.
— Plus maintenant. Cela se fait électroniquement, comme sur un téléphone portable quand on a opté pour un déverrouillage par la reconnaissance d’empreinte.
— Je vois. Je suppose par ailleurs que c’est beaucoup plus facile à stocker dans un fichier.
— Exactement, ce qui facilite grandement les comparaisons. En fait on ne faxe plus l’image des empreintes mais on envoie le fichier électronique de celles-ci. Bien, je vous remercie monsieur Lefevre, le brigadier Clusel va s’occuper de la partie technique. Au fait, elle était bien cette randonnée ?
— Super ! Belle vue, beau temps chaud mais plus tempéré en altitude, quelques brins de muguet tardif dans les sous-bois, des orchidées sauvages partout. Sous cet aspect-là, c’est mieux que les champs de Picardie. Mais vous ne m’avez pas dit : que s’est-il passé exactement à Guignicourt ?
— Je ne suis pas habilité à divulguer les informations concernant une enquête en cours, vous le comprenez bien monsieur Lefevre.