6. Brigitte Jankovski
 Yannick prit rapidement sa décision, il accepta la demande de Brigitte par un message amical mais succinct :
« Quel plaisir d’avoir un signe de toi après tant d’années.
Voici mon adresse de courriel pour que nous puissions échanger avec un peu de confidentialité.
Bien amicalement.
yannick-lefevre@gmail.com
»
Le message expédié, il fit venir à l’écran la page de son ancienne amie. Elle avait mis une photo d’elle plutôt flatteuse.
Évidemment, quand on publie une photo de soi, on prend celle où l’on se trouve le mieux, quitte à en choisir une un peu ancienne, ce qui semblait être le cas.
Il agrandit l’image pour mieux détailler l’aspect de celle qui fut l’amour de son adolescence. Certes ses traits avaient muri comme accusaient les pattes d’oies aux commissures des yeux et des lèvres mais elle avait toujours un joli visage encadré de cheveux d’un blond plus terne que jadis. Ses joues plus pleines et ses bras un peu enrobés accusaient un léger embonpoint mais avec ses yeux bleu-myosotis, un peu fatigués par les ans, elle restait encore globalement une jolie femme.
Yannick étudia ensuite soigneusement son profil : mariée, un fils, une fille et deux petits enfants. Des voyages lointains : Inde, Argentine, Brésil, Chine, Canada, États-Unis, Thaïlande. Curieusement son parcours de vie n’était pas documenté après sa sortie de l’École Normale, aucun sport spécifié non plus dans le chapitre loisirs où seule figurait la lecture. Sa liste d’amis comportait une quinzaine de noms dans lesquels il reconnut ceux de filles de sa promotion. Elle n’indiquait ni son nom de femme mariée ni son lieu de résidence. « Étranges oublis » pensa-t-il en quittant la page profil de sa lointaine ex.

 La tablette indiquait vingt-deux heures trente, il allait tout éteindre quand arriva un nouveau courriel personnel. Brigitte Jankovski, ravie de son acceptation, venait de lui écrire un long message dans lequel elle donnait sur elle quelques précisions omises dans sa page des « Copains d’école. »
Après la quatrième année d’EN, elle avait été nommée institutrice à Origny Sainte Benoite mais n’y avait exercé que deux ans. Elle avait ensuite habité à Guignicourt un village situé à mi-distance de Reims et de Laon. Elle était contente qu’ils se soient retrouvés et espérait qu’ils pourraient un jour se rencontrer. Et pour finir, elle l’embrassait.
Sans se poser de question, au bas de son écran il toucha la flèche « Répondre »
« Bonsoir Brigitte,
Coïncidence, je loge actuellement non loin de chez toi. Je suis à l’hôtel à Laon car j’ai quelques affaires à régler dans la région et ne repartirai vers mes montagnes de Haute Savoie qu’après-demain. Si par hasard demain mardi était un jour de sortie pour toi et Laon ta destination, puisque tu le souhaites, nous pourrions nous voir, par exemple devant une tasse de thé. Je te propose la brasserie du parvis de la cathédrale ou je pourrais être vers quatorze ou quinze heures. Bien sûr, aucune obligation pour toi.
Bises,
Yannick.
»
« Bon, elle viendra ou pas, mais peu importe », se dit-il en éteignant sa tablette ainsi que son téléphone qu’il mit à charger avant de se coucher.