Le soir même, Valentin qui, pour des raisons de crédibilité, n’avait pas voulu que Florian Olivier et Quentin marchassent en sa compagnie à la sortie du collège, appela Florian au téléphone.
— Salut Flo, dit-il sans préambule, je viens aux nouvelles.
— Nous sommes tous les trois chez moi, je mets le haut-parleur.
— Salut Olive, salut Quentin. Tout d’abord, excusez-moi tous pour mes provocations en classe, bien sûr je ne pensais rien de ce que je vous ai dit. Quand je t'ai vu prendre ton air dur Olive, j'ai cru que je t'avais vraiment vexé.
— Mais non Val, rassure-toi, on te connaît. On applique le plan, c'est tout.
— Tout a fonctionné comme prévu ?
— Oui, j’ai l’impression que le poisson est en train de mordre à l’hameçon, répondit Quentin.
— Tony vous a demandé de les rejoindre ?
— Pour l’instant, il s’est contenté de casser du sucre sur ton dos, et aussi sur celui de Gilles, expliqua Florian.
— Ouais, continua Olivier, comme quoi tu ne serais pas un vrai pote, que tu ne penses qu’à te faire valoir, que t’es tout le temps fourré avec les profs, que t’es un ami des flics, sûrement même un indic et que Gilles est ton toutou, qu'il pense et fait tout comme toi.
— Que lui avez-vous répondu ?
— Moi j’ai dit que j’en avais marre de tes vannes, Olivier qu'il ne voulait plus entendre parler de toi et Quentin qu’il s’était toujours méfié de vous deux.
— Me voici rhabillé pour le reste de l’hiver, s’amusa Valentin. Ils ne vous ont rien proposé ?
— Si, reprit Olivier, ils nous invitent tous les trois à jouer au basket avec eux, le Thénardier, Clébar et Rom, mercredi après-midi s’il fait beau et pas trop froid.
— Au terrain junior ?
— Non, sur les terrains en accès libre derrière le collège.
— Et les filles de leur clan ?
— On ne sait pas exactement mais j’ai vu Clébar parler aux jumelles à voix basse et elles ont fait signe que oui.
— Il a dû leur demander de me suivre pour repérer mon trajet et mes habitudes.
— Comment tu peux le savoir ? s’étonna Florian.
— J'ai plusieurs fois repéré les jumelles en centre village ces derniers temps, alors qu’elles n’ont pas à passer par là pour rentrer chez elles.
— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda Quentin.
— Allez jouer au basket demain. Je passerai même vous voir, par hasard bien entendu, si vous me prévenez de l’heure par SMS. Essayez de perdre contre eux, ils vous apprécieront d’autant mieux.
— Ça ne va pas être facile de perdre contre ces nuls ! Le Thénardier, il s’entraîne tout le temps et il est toujours aussi mauvais. N'est pas basketteur américain qui veut ! Comment tu vois la suite par rapport à eux ?
— J’attends de savoir s’ils me font toujours suivre. Pour tester, je vais changer de parcours jeudi, faire un grand crochet vers le lac. Si je repère quelqu’un de leur groupe dans mon sillage, je serai fixé sur leurs intentions, je n’ai pas envie de leur laisser le choix du terrain. Je vous tiens au courant les copains. Attendez-vous à recevoir encore quelques vannes en classe.
Le lendemain mardi il ne se passa rien de notable sinon que Valentin tactiquement continua à envoyer des piques moqueuses envers Tony et sa bande augmentée, des remarques plus subtiles à l'encontre d'Emily et des jumelles. Après la classe, il décida d'appliquer son plan et de changer son itinéraire de retour en VTT. Il invita Gilles à l'accompagner et demanda à Bouboule de les suivre de loin de façon à repérer une éventuelle filature.
Rue le long de la rivière, parcours gymnique de santé, chemin du petit bois, chemin blanc, esplanade de l'embarcadère, le port puis le chemin des roselières jusqu'à la villa de Charly. Ce dernier, neutre dans cette rivalité mais mis dans la confidence, avait accepté de jouer le jeu sous prétexte de travail en commun. Gilles et Valentin avaient décidé que, si une confrontation devait avoir lieu, il valait mieux que ce soit sur le sentier du bord du lac, quasi désert en cette saison.
Au niveau de la rivière, sur la passerelle menant à l'esplanade, le téléphone de Valentin vibra dans sa poche. Sans arrêter de pédaler, avec les dents il enleva son gant droit, réussit à extirper son appareil de son anorak et du pouce afficha le SMS qui venait de lui parvenir. Il provenait de Bouboule et était des plus laconiques : « Océane et Emily » sans aucune explication, mais il n'en était pas besoin.
— C'était Bouboule. Comme prévu nous sommes suivis, dit-il à Gilles.
Ils restèrent une trentaine de minutes chez Charly et quand ils ressortirent de la grosse et luxueuse villa, Valentin qui avait repéré le vélo d'Océane toujours appuyé contre le mur de la maison d'Emily lança à voix haute « A vendredi après les cours pour la revanche, Charly ! »
Le soir, Florian l'avertit par téléphone que Tony et les siens allaient probablement passer à l'action vendredi après la classe.
— Mais je ne sais pas où exactement, ajouta-t-il. Je sais qu'ils ont demandé aux filles d'assister au pugilat, certains qu'ils sont de leur victoire.
— Et vous ?
— Tony a simplement dit qu'il allait nous venger de tes vexations mais il ne nous a pas invités à participer.