Le lendemain à la même heure l'entraînement reprit.
— Hier je t'ai enseigné le coup de pied bas et le coup de pied chassé en riposte, tu te rappelles bien ? Vas-y, refais-les en shadow-boxing.
Gilles eut un instant d'incompréhension avant de se souvenir.
— Ah oui, on boxe dans le vide, contre son ombre !
Il effectua à plusieurs reprises les enchaînements demandés par Valentin.
— OK, c'est pas mal. Aujourd'hui, tu vas apprendre les fouettés. Regarde, la technique est assez simple : tu te mets de profil par rapport à ton adversaire, tu vises la partie que tu veux frapper chez l'autre avec ta cuisse et immédiatement tu déclenches un fouetté de la jambe, comme ça. Tu peux même doubler le coup si tu as un bon équilibre : paf paf et tu reprends aussitôt ta garde et tes appuis. Tu as le fouetté bas, le fouetté au corps et le fouetté au visage. Toi qui es plus souple que moi, ça ne devrait pas de poser de problème, allez, entraîne-toi sur moi et ne retiens pas tes coups.
— Mais je vais te faire mal si je te touche, je n'en ai toujours pas envie !
— Ton fouetté bas, je vais l'esquiver en levant mon genou, ton fouetté au corps je vais le bloquer en baissant mon avant-bras et le fouetté au visage je vais l'arrêter en prenant ton pied à deux mains, vas-y franco je te dis.
Pendant vingt bonnes minutes, Valentin boosta son ami, lui faisant enchaîner chassés et fouettés, esquives blocages et contres. Quand il estima que son ami, rouge et suant, en avait assez fait, il mit fin à la séance.
— A demain Gilles. Demain c'est mercredi alors nous ferons deux entraînements, un à deux heures et un à cinq heures.
— Pourquoi tant se presser ?
— Les vacances commencent vendredi soir et mon petit doigt me dit qu'ils vont nous agresser ce jour-là.
— Pourquoi vendredi et pas jeudi ?
— Vendredi nous allons sortir une heure plus tôt, à trois heures donc. Ce qui fera une heure de jour en plus. Au milieu du mois de février, une heure l’après-midi ça compte. Donc j'ai encore besoin de deux séances d'apprentissage et une autre pour la mise au point de notre tactique.
Mercredi à quatorze heures, toujours pile au rendez-vous, Valentin commença par dire à son ami :
— Tu m'as dit que tu te rappelais ma bagarre contre le Tony juste avant les dernières grandes vacances ? J'ai réussi à le sonner et à le rendre fou de rage avec un revers tournant. C'est un coup qui se fait de dos par rapport à l'adversaire. Regarde bien. Tu pivotes sur tes deux avant-pieds vers la droite jusqu'à tourner le dos et là tout en finissant le mouvement tournant, tu lèves ta jambe droite et tu frappes ton adversaire avec ton talon soit en bas au genou, soit au flanc, soit au visage si tu es souple et bien équilibré. C'est un coup surprenant pour quelqu'un qui ne connaît pas cette technique. Allez mon Gilles, tu répètes le mouvement cinq fois de suite… Rotation, lever la jambe, frapper... et tu te remets en garde à chaque fois, n'oublie pas. Rotation, lever de jambe, frapper, en garde... OK, contre moi maintenant, lâche tes coups, je sais les esquiver ou les parer.
Au bout d'un quart d'heure de répétitions intensives, Valentin décréta une pose.
— Tu es en train de devenir un champion de la savate, Gilles ! Ce soir nous allons réviser les coups de poing : uppercut du gauche, c'est un coup meurtrier car si tu touches l'autre, tu l'atteins au foie, ou au menton s'il est penché en avant et là tu peux le sonner pour le compte ! Il y a aussi les crochets mais je ne suis pas trop pour car tu es obligé de trop te rapprocher de l'autre. Le direct à la face lui est un bon coup de boxe française surtout contre un adversaire qui charge. Je te montrerai aussi les coups interdits car comme nos adversaires eux ne s'interdiront rien, il vaut mieux être parés.
— C'est quoi ces coups-là ?
— Des gestes qui se pratiquent de face : coup du pointu du pied là où ça fait vraiment très mal chez les garçons, tu vois ce que je veux dire ? Et tu as le même coup au niveau de l'estomac qui t'envoie direct au tapis si tu touches un peu fort et aussi au menton. En plus, pour ceux qui sont super souples des jambes, j'ai déjà vu pratiquer le coup de talon descendant sur le sommet du crâne.
— Je crois que j’ai bien fait d'être ton ami plutôt que ton adversaire ! C'est en Australie que tu as appris tout ça ?
— Oui, j'avais un prof de gym super sympa et qui avait pratiqué ce sport en compétition. Je crois que j'ai à peu près retenu ses leçons. Allez, habillons-nous chaudement et allons aux terrains de basket derrière le collège, nos potes jouent en amical contre l'équipe à Tony.
Quand Valentin et Gilles descendirent de leurs VTT près des terrains de basket, le match à trois contre trois sur un seul panier avait commencé. Ils se placèrent derrière le grillage de protection pour assister à la rencontre. A bout d'une minute, Valentin demanda :
— Quel est le score ?
N'obtenant pas de réponse, Gilles réitéra :
— Oh les mecs, ça fait combien ?
— Ça ne te regarde pas, minus, balança Tony.
— Match nul pour l'instant, répondit néanmoins Florian.
— Des nuls contre des nuls, ça ne peut donner qu'un match nul, continua Gilles.
La réflexion eut le don d'énerver Tony au plus haut point. Il lança violemment le ballon en direction de Gilles, heureusement protégé par le grillage.
— Touche pour nous, décréta Quentin en récupérant la balle.
— Pas du tout, on n'était pas en train de jouer, c'est moi qu'avait la balle.
— Oh le mauvais joueur, il ne connaît même pas la règle du jeu se moqua Valentin.
— C'est moi qui avais le ballon en dernier ! répéta Tony en le prenant d'autorité des mains de Quentin, à moi la remise en jeu. Tiens Romuald, rusa-t-il en lançant la balle à Clément.
— Oh la grosse feinte ! s'esclaffa Gilles.
Clément attrapa le ballon et remisa immédiatement sur Tony qui tira à mi-distance et marqua.
— Douze à dix, triompha-t-il, on garde la balle. A toi Romuald, fit-il en lui lançant effectivement le ballon cette fois. Chargé par Olivier, Romuald dribbla sur place, ne sachant trop que faire. Tony vint se placer derrière lui, récupéra la balle des mains de son équipier, fit trois pas en dribblant vers le panier et tenta un nouveau tir à mi-distance contré par un saut vertical de Quentin qui dévia la trajectoire. Bousculé par Tony à la retombée, Quentin s'écroula et se roula au sol en se tenant une cheville.
— Aie, je me suis foulé le pied, gémit-il.
— Tu peux continuer à jouer ? demanda Florian après quelques instants.
— Sais pas, crois pas, grimaça Quentin en tentant de se relever.
— Qu'est-ce qu'on fait, on arrête ? demanda Olivier.
— Ben... obligés, dit Florian.
— Bon, alors douze à dix pour nous, se réjouit Tony. Pour la revanche, c'est quand vous voudrez !
A la fin de la séance d'entraînement du soir, Valentin estima que son meilleur ami était armé pour se défendre contre n'importe quel gars de son âge. Quand ils se quittèrent, il suggéra : « en prévision de la confrontation, pensons aux endroits les plus propices pour nous, essayons de prévoir une tactique qui puisse les affaiblir, les vexer, les énerver et rappelle-toi toujours, si nous devons nous battre, rien n'a d'importance tant que nous ne sommes pas blessés, les injures, les moqueries, les cris, les gestes insultants, tout ça n’existe pas. Ne pas s'énerver, rester lucide, prendre son temps, utiliser les points faibles de l'autre. N'oublie pas que le petit David a vaincu le géant Goliath, alors pas de complexes ! »