VALENTIN S'AFFIRME

36. PROJET

Le surveillant s’arrêta devant le panneau d’affichage officiel et punaisa une feuille à l’en-tête du collège sur laquelle on pouvait lire :
« Le brevet des collèges devant se dérouler dans notre établissement les jeudi 27 et vendredi 28 juin, le collège sera fermé pendant une semaine à compter du mercredi 26 pour préparation des salles d’examen. »
Un cachet de l’établissement suivi de la griffe du principal donnait du sérieux à l’annonce.
— Ouais ! s’écria Tony qui se trouvait près du panneau au moment de l’affichage, plus que deux jours d’école les gars ! hurla-t-il à l’intention de ses copains.
Valentin et ses treize amis, assis par petits groupes dans l’herbe un peu sèche, comme ils en avaient l’habitude les jours de beau temps, se réjouirent également mais avec un peu moins d’exubérance cependant. Gilles discutait avec Valentin son meilleur ami.
— Tu vas retourner en Australie cet été encore ?
— Pas cette fois. Ce sont mes parents qui viennent en France. Étant donné que là-bas c’est le début de l’hiver, la ferme est quasi au repos. Leur employé suffit à faire les petits travaux d’entretien des serres.
— Tes parents vont rester ici à Saint Thomas ?
— Une semaine au début de leur séjour et une semaine à la fin. Entre temps ils vont visiter la France que ma mère, d’origine australienne, ne connaît pas bien.
— Tu iras avec eux ?
— Pas trop envie de bouger, je me sens bien ici. Et toi ?
— Quinze jours en Vendée début août comme l’an dernier. Avant je ne sais pas trop. Comme toi j’aimerais rester ici, aller en montagne, nager au lac, faire du vélo... Tiens, ça me donne une idée : puisque le collège ferme pendant une semaine pour le brevet, on pourrait peut-être organiser un petit séjour sous tente avec les copains ? Pas trop loin bien entendu pour que les parents puissent être rassurés et intervenir au besoin.
— C’est une idée à creuser. Tu verrais ça où ?
— Dans un camping, sinon on n’aurait jamais le feu vert. A combien faut-il être pour qu’une réunion de copains comme ça soit réussie ?
— Ce n’est pas une question de nombre mais d’entente. Penons les choses dans l’ordre, si tu veux que les parents donnent leur accord, il faut leur présenter un projet irréprochable : le lieu, la durée, les moyens de transport, la nourriture, l’argent nécessaire, les activités prévues, la moralité... Oui, la moralité, surtout si des copines veulent venir, les parents tiendront beaucoup à ça, tu peux en être sûr ! Sans oublier la communication journalière et un adulte responsable pas loin.
— Donc où, quand, comment, pourquoi, et avec qui...
— Exactement ! Si nous montrons par nos prévisions que nous sommes sérieux, responsables, et que nous avons tout examiné, il leur sera plus difficile de dire non. Procédons par ordre. Où ?
— Je propose le camping du Petit Crêt, c’est à quatre kilomètres à peine de Saint Thomas. Il n’y a pas grand monde en juin.
— Oui, pas mal. Quand ?
— Pendant le brevet et le week-end qui suit donc jeudi, vendredi, samedi et retour dimanche.
— Valable. Avec qui maintenant ? demanda Valentin avec un petit sourire narquois.
— Attends, je fais une annonce. Hé les amis ! Qui serait partant pour passer quatre jours sous la tente dans un camping pas loin d’ici ? Sous réserve de l’accord de vos parents, bien sûr.
Immédiatement les mains de Florian, Olivier, et Charly se levèrent, suivies par celles d’Amandine, Pauline, Emily et Mathilde. Quentin demanda :
— Je suis assez d’accord, ce serait un camp comment ?
— Comme un camp d’ados mais sans mono, expliqua Gilles.
— Qu’est-ce qu’on y ferait ? voulut savoir Pascal.
— Marche en montagne, en forêt, jeux, chanter, rire, activités et corvées en commun... Être ensemble en toute amitié quoi, et seulement en toute amitié, précisa Valentin, non sans intention.
Lucie leva timidement la main.
— Eva, Pascal et moi, on aimerait bien mais on n’a pas de matériel et il faudrait convaincre nos mères et les parents de Pascal.
— Pour le matos : tentes, matelas pneumatiques et duvets, on empruntera, on trouvera. Reste évidemment à décider les parents, répondit Florian.
Margot après avoir hésité demanda :
— Ce sera cher ?
— L’argent n’est pas un problème si on met tout en commun, rassura Charly.
Après un blanc dans les conversations, Valentin reprit la parole.
— Il semblerait que sur le principe, tout le monde soit d’accord. La plus grosse difficulté, vous l’avez tous bien compris, c’est évidemment de convaincre les parents. Ce serait intelligent de faire une réunion avec eux pour leur présenter un projet hyper sérieux. De plus il faudrait que cela se fasse très rapidement. Nous sommes lundi, le projet doit être au point ce soir pour pouvoir le leur présenter demain. Seulement, je ne sais pas où réunir tout le monde. Le principal ne voudra pas ouvrir une salle de classe en pleine préparation du brevet, surtout si c’est moi qui demande après l’affaire Jocrisse.
Charly leva les yeux de son smartphone qu’il pianotait depuis une minute et dit :
— Écoutez : je viens de regarder la météo, beau temps faiblement nuageux, températures de saison pendant une semaine. C’est top ! Puisque c’est matériellement réalisable, je propose donc une réunion générale avec vos parents, chez moi, sur la pelouse de la villa demain mardi à dix-huit heures trente. En attendant, aujourd’hui après la classe, même endroit, chacun vient pour une réunion préparatoire avec ses idées, la liste du matériel dont il peut disposer, les arguments susceptibles de convaincre, vous voyez ? Nous rédigerons un topo écrit complet que nous pourrons proposer à chaque famille. Nous allons leur présenter un plan top niveau et vous verrez que si quelques parents sont d’accord, et je pense qu’il y en aura, les autres suivront, ajouta Charly déjà psychologue.
— Super, Charly, dit Valentin en se levant et en venant serrer la main de son ancien adversaire, merci d’organiser tout ça. Pas d’objection ? ajouta-t-il en se tournant vers les autres... Adopté ! A ce soir, cinq heures chez toi, Charly.