VALENTIN S'AFFIRME

6. LE COCARD DE GILLES

Une journée se passa sans que rien de nouveau arriva mais le mardi matin qui suivit, quand Gilles se présenta, au dernier moment, juste avant la fermeture du portail du collège, tous les copains étaient déjà dans la cour à l'exception de Valentin qui l'attendait pour lui remettre une clé USB contenant le film de Christophe Dumont.
— Tiens Gilles, c'est le... Oh mais que t'est-il arrivé ? dit-il en voyant l’œil au beurre noir de son ami, tu t'es cogné ?
— Oui, je me suis cogné... contre le Thénardier.
— Encore lui ! Il était seul ? Raconte-moi.
— Ben hier, je rentrais à la maison. Thénardier et Clébar discutaient sur le trottoir. A deux ils le barraient complètement. Bon, moi, je n'ai pas à demander de permission, j'essaie de passer entre les deux et forcément je repousse un peu Clément. Thénardier me dit comme ça : « Tu bouscules mon copain ! » et il me bourre pour me faire reculer. J’allais discuter pour faire valoir mes droits mais à ce moment-là, pan, il m'allonge un direct en plein sur l’œil. J'étais sonné ! Je ne voyais plus rien. Je les ai entendus s'éloigner en se marrant, les salauds !
— Les salauds comme tu dis. Il ne faut pas les laisser s'en tirer comme ça. Jamais je n'admettrai qu'on s'en prenne impunément à quelqu'un de notre groupe. En attendant de trouver des idées pour les contrer, il faut absolument que tu saches te défendre, Gilles. Je vais t'apprendre les coups de boxe française que je connais. Toi qui es souple et agile, cela devrait bien te convenir. Il faut commencer dès que possible. Je peux venir chez toi ce soir ?
— Ce soir, tous les soirs, tu seras toujours le bienvenu à la maison Val.
— En attendant, nous allons raconter tout ça aux copains et aux copines. Il n’y a pas de honte pour toi, ils t’ont pris en traîtres. Pour trouver une occasion de te venger, nous allons demander à Bouboule de laisser traîner ses oreilles pour connaître leurs manigances.
— D’accord, on parle aux copains à la récré, je fais passer le mot.

A dix heures, dès la fin du cours de français, les douze copains, bravant le froid mordant de la bise de janvier, se réunirent près de leur banc favori. Après le récit de Gilles, l’exposé des intentions de Valentin, chacun y alla de son idée.
— Je peux relancer Marine, dit Florian, je crois qu’elle a toujours un petit faible pour moi, je pourrai la faire parler des habitudes du Thénardier et de ses acolytes.
— Ça ne te coûte pas grand-chose d’essayer, hein Flo ? dit Olivier. Elle est plutôt agréable physiquement mais fais bien attention, les filles sont beaucoup plus fines que nous !
— J’ai une idée, intervint Margot : tant que Tony et ses copains nous croiront unis, ils ne tenteront rien contre nous, enfin contre toi Val, mais s’ils pensent que nous nous sommes disputés, que nous sommes fâchés, ils essaieront d’en attirer quelques-uns dans leur groupe pour mettre Valentin et Gilles en état de faiblesse.
— Qu’est-ce que je disais, hein ? Elles ne sont pas plus malines que nous nos copines ? Bravo Margot.
— Bien vu Margot, opina Mathilde. Je compléterai en disant qu’il faut que ce soient les plus costauds qui fassent semblant de se brouiller avec Val, donc toi Olivier, toi Florian et aussi Quentin.
— Sous quel prétexte ? objecta Pauline, Valentin ne fait jamais rien pour nous fâcher.
— Exact, appuya Amandine, il faut prévoir et inventer des motifs de dispute. Ils n’ont qu’à dire que Valentin veut toujours commander et qu’ils en ont marre.
— Mais tout le monde ici sait bien que Valentin ne commande pas. Il demande toujours l’avis de tous et se range derrière la majorité, fit observer Lucie.
— D’accord avec ça mais les autres ne le savent pas forcément, reprit Margot. Ils seront trop heureux de se renforcer.
— J’ai une idée !
Bouboule venait de prendre la parole après avoir longuement chuchoté avec Eva.
— Écoutez ça. En classe, on va demander à Flo, Quentin et Olive de participer, de prendre souvent la parole et de dire des inepties. Non, je n’ajoute pas « comme d’habitude », Olive ! Valentin les corrige et se moque un peu d’eux. Au moment de l’intercours, quand tout le monde est groupé devant la salle de classe, nos trois potes rouspètent après Val qui en rigolant les traite de nuls et de débiles. Le ton monte, Flo Olive et Quentin se vexent et envoient Val bouler. Cela devrait réjouir le Thénardier et sa clique. Comme ils ont déjà cherché à nous affaiblir, ils vont sauter sur l’occasion pour les enrôler. Le Tony va y voir l’occasion de se venger de la raclée que Valentin lui à mise l’an dernier. Il ne va pas tarder à organiser une bagarre. Si vous trois vous faites semblant d’être d’accord, vous serez mis dans la confidence et vous connaîtrez leurs plans, et quand on connaît la stratégie de l’adversaire, on a déjà la moitié de la victoire.
— Mais tu es génial Bouboule ! s’exclama Gilles.
— Oh, le mérite en revient autant à Eva, c’est elle qui a eu l’idée de départ.
— Alors bravo Eva, bravo Margot.
— Hein que les filles sont plus futées que nous ! triompha Olivier.
— Dans quels cours on doit dire des conneries ? demanda Quentin.
— Nous avons maths à quatorze heures et anglais ensuite, les deux points forts de Val. Vous allez pouvoir passer tout de suite à l’action et passer pour des nuls les amis, organisa Bouboule.