Lorsque le silence s’établit dans la classe après l’installation des élèves, monsieur Derrien professeur de mathématiques, comme à son habitude, fit l’appel des élèves.
« … et pour terminer, Valentin Valmont. »
— Présent monsieur.
— Bien. Je vois avec plaisir que vous allez mieux Valentin. Quand nous nous sommes quittés précipitamment, je vous posais la question de la formule permettant de calculer le volume de la sphère. La savez-vous ?
— Quatre tiers de Pi multiplié par le cube du rayon de la sphère.
— C’est exact. Donc pour calculer le volume d’un ballon par exemple, comment faire ? Olivier ?
— Ben on ne peut pas.
— Pourquoi cela ?
— Parce qu’on ne peut pas mesurer son rayon.
Valentin éclata de rire.
— Bien sûr que si c’est possible, il suffit de réfléchir un peu.
— Tu dis ça parce qu’on n’a pas de ballon ici ! C’est facile de se moquer des autres quand on ne risque rien.
— J’ai mon ballon de basket dans mon sac de sport, intervint triomphalement Tony.
— Valentin, vous pouvez nous faire une démonstration avec le ballon de Tony ? demanda monsieur Derrien avec un petit air amusé.
— Prête-le moi, fit Valentin en se levant et en tendant une main vers son ennemi.
Tony se leva de sa chaise, fouilla dans le sac à ses pieds puis, se redressant, lança violemment le ballon que Valentin évita. La sphère orange frappa le bureau du professeur avant de rebondir sur le pupitre de Pauline, balayant au passage équerre, compas et crayons. Après un regard glacial à Tony, Pauline se leva, ramassa le ballon et vint le donner à Valentin.
— Doucement Tony, vous n’êtes pas dans un match, calma le professeur. A vous Valentin, nous sommes curieux de voir votre méthode.
Ce dernier posa le ballon au sol contre une partie libre du mur face à la classe, alla vers le tableau récupérer la grande équerre puis, à la façon d’une toise, l’appuya contre le mur avant de la faire glisser jusqu’au contact de la sphère et enfin marqua le mur d’un petit trait de crayon au niveau du bas de l’équerre.
— Voilà, du sol à la marque, je peux mesurer le diamètre du ballon : 24 centimètres. Je laisse à Olivier le soin de calculer le rayon mais c’est peut-être trop difficile pour lui !
Olivier prit un air terrible, serra les mâchoires tout en avançant le menton, agita un doigt menaçant en direction de Valentin, mais finalement ne répondit rien.
— Pas mal Valentin, reprit monsieur Derrien, et maintenant ?
— Maintenant il n’y a plus qu’à faire le calcul, mais le résultat sera toujours approximatif pour trois raisons. Premièrement...
— Stop Valentin, stop, je vois que vous avez compris le problème avec le volume de la sphère, laissez les autres s’exprimer. Pourquoi le résultat sera-t-il une approximation, voyons, Quentin ?
— Parce que sa mesure à Valentin, c’est vraiment de l’à peu près.
— Si tu trouves mieux, vas-y, fit Valentin goguenard.
— Ben je ne sais pas trop, avec un pied à coulisse...
— Montre-nous, gros malin !
Quentin jeta un regard méchant vers Valentin mais ne répondit pas.
— Quentin n’a pas tout à fait tort, calma le professeur. Toute mesure est forcément une approximation. Mais il y a deux autres raisons. Qui ? Mathilde ?
— Dans la formule, 4/3 est un nombre rationnel mais quand on pose la division, on obtient des décimales à l’infini : un virgule trois trois trois trois... Si on prend un virgule trente-trois, ce sera approximatif.
— Bien Mathilde et la dernière raison, Florian ?
— Heu, c’est Pi.
— Oui, c’est à cause de Pi, pouvez-vous expliquer ?
— Vous nous avez dit la dernière fois que Pi ne tombe jamais juste donc il faut prendre Pi en gros.
— Gros pis, comme ceux de Pauline, rigola Clément.
Pauline se leva calmement, avança vers Clément et lui asséna une formidable baffe avant de retourner tout aussi calmement s’asseoir et reprendre son air attentif. La classe était médusée, seuls Gilles et Valentin riaient franchement.
— Toi, gros nibards, tu vas voir à la sortie ! bougonna Clébar en frottant sa joue endolorie.
— Personne ne s’attaquera à Pauline ni à aucune de mes amies tant que je serai là ! affirma Valentin d’une voix claire. Avis aux amateurs.
— On se calme, on se calme ! Je ne veux pas de ça dans ma classe. Pas de bagarre. Clément respecte tes camarades ! Bon, pour résumer, on sait que le volume calculé d’une sphère est toujours une valeur approchée à cause de l’imprécision de la mesure du rayon, de l’imprécision de Pi et de l’imprécision de la résolution du nombre rationnel quatre tiers. Pour l’instant nous en resteront là à propos de la sphère.
Mathilde a évoqué la particularité du calcul de certains nombres rationnels. Reprenons son exemple : quatre tiers. Déjà, comment obtient-on un tiers, Romuald ?
— Ben on coupe une pizza en trois et qu’on en prend une part.
— Et pour avoir quatre tiers ?
— Ben on la coupe en quatre.
Monsieur Derrien laissa les rires s’apaiser avant d’enchaîner :
— Bravo Romuald, belle démonstration scientifique. Passons, prenons un autre exemple, sortez vos calculettes et posez cette opération : vingt-deux divisé par sept. J’attends vos remarques.
Valentin et Mathilde levèrent rapidement la main, Gilles et Charly plus tardivement.
— Quatre remarques seulement ?
— Ça tombe pas juste, observa Tony.
— On dirait que le résultat dépasse l’écran, dit naïvement Anaïs.
— Je ne dirais pas les choses ainsi, mais il y a de ça. Venez au tableau Anaïs. Écrivez le résultat que donne votre écran.
Anaïs, calculette à la main, prit le feutre bleu et nota sur le tableau blanc :
3,142857142857142
— M’sieur, m’sieur, on dirait que le résultat c’est Pi s’écria Morgane.
— Gros nibard, marmonna Clément.
— Oh toi ça va avec ça maintenant, répliqua Morgane pourtant son alliée.
Monsieur Derrien , comme s’il n’avait pas entendu, enchaîna.
— Effectivement Morgane, le résultat à deux décimales donne 3,14 donc Pi, mais ensuite ?
— Ensuite c’est différent, intervint Gilles. Pour Pi après quatorze, c’est 159 alors que là c’est 285.
— Exact Gilles. Une dernière remarque ? Qui ?
Seuls Mathilde et Valentin gardèrent la main levée.
— Bon, alors Mathilde, dis-nous.
— J’ai remarqué que les nombres qui suivent la virgule se répètent par séries 142857 142857 142857...
— C’est ce que tu voulais dire Valentin ?
Valentin sourit, baissa la main et se contenta d’un hochement de tête.
— Très bien vu. Ce phénomène des séries qui se répètent à l’infini sera l’objet d’une prochaine leçon. Si on revient au volume approché de la sphère maintenant, on peut écrire autrement la formule soit 4/3 x 22/7 x R₃ et l’unité du volume obtenu sera celle correspondant à la mesure de R. Si R est en centimètres, le volume sera exprimé en centimètres cubes, si R est en kilomètres, le volume sera en kilomètres cubes.
— Le kilomètre cube, ça ne sert jamais ! affirma Océane.
— Sauf pour calculer les très gros volumes comme ?
— Les nibards de Pauline, souffla Clément.
— Les planètes ! s’écria Bouboule.
— Exact Pascal. Oui Valentin ?
— Je peux rendre le ballon à Tony.
— Allez-y mais doucement n’est-ce pas ? D’ailleurs c’est l’heure, vous pouvez ranger vos affaires.
Valentin se leva, récupéra le ballon toujours au pied du mur et, le tendant délicatement à Tony, lui dit :
— 7234 centimètres cubes soit un peu plus de 7 litres. 7 litres de presque vide, comme ta tête d’hydrocéphale, gros nul !