Amandine, contrairement à son habitude plutôt désinvolte et sans complexe, aborda Valentin presque timidement ce matin-là.
— S'il te plaît, je peux te parler ?
Considérant la mine soucieuse de sa copine, Valentin se dit intérieurement « Oh, quelque chose ne va pas ce matin... »
— Mais oui Amandine, dis-moi.
— C'est un peu long à expliquer et ça va sonner. On se voit à la récré ?
— Bien sûr.
— Rien que nous deux ?
— Comme tu le désires. C'est grave ?
— Peut-être bien et surtout urgent !
— Tu peux m'en dire plus tout de suite ?
— Ça a rapport avec Facebook, mais... Bon, je te raconte tout à dix heures.
À dix heures, malgré le froid de ce jour gris de décembre, les amis de Valentin s'étaient, comme à leur habitude, regroupés autour de leur banc favori. Non loin d'eux, sur un deuxième banc, devisaient Charly, les jumelles, Marion et Anaïs qui pouvaient maintenant se considérer comme le deuxième cercle de ses amis. Plus loin, accaparant une table de ping-pong en ciment, occupés à faire une partie tournante, se tenaient les autres garçons ainsi que Morgane coiffée de sa casquette anglaise. Les autres filles plus solitaires marchaient de ci de là dans la grande cour de récréation.
Amandine, visage toujours préoccupé, tira le bras de Valentin.
— Viens, marchons un peu.
— Alors, c'est quoi cette histoire avec Facebook ?
— Tu connais le principe ? Tu as des amis virtuels, enfin bien réels mais que tu ne vois jamais, mais tu corresponds avec eux.
— Je connais. Tu as fait la connaissance de quelqu'un ?
— Oui et non. J'entretiens une relation écrite avec une fille de mon âge qui habite dans le nord de la France.
— Comment vous êtes-vous rapprochées, vous avez des points communs ?
— Entre autres, nous sommes rouquines toutes les deux, c'est pour ça qu'elle m'a demandée.
— C'est très bien tout ça. Quel est le problème ?
— J'ai peur pour elle. J'ai le sentiment qu'elle est sur le point de faire une bêtise, une grosse bêtise.
— Tu pourrais me montrer son profil ?
— Oui si tu viens chez moi.
— Pourquoi pas. Ce soir six heures ?
— D'accord.
À six heures moins cinq, Valentin sonna à la porte de l'appartement des parents d'Amandine. Ce fut sa sœur Camille qui vint ouvrir.
— Ah Valentin, ça me fait plaisir de te voir.
— Moi aussi Camille. Le Hugo te fiche la paix maintenant ?
— Oui, je crois qu'il a compris. Tu veux voir ma sœur ?
— Tu ferais une bonne détective ! se moqua Valentin.
— Ma frangine est à l'ordinateur. Tu viens travailler avec elle ?
— Je ne crois pas qu'il s'agisse de travail. Depuis ce matin, Amandine me paraît bien soucieuse, inquiète, préoccupée. Je vais voir ce que je peux faire.
— Tiens, entre, c'est là, c'est notre pièce de travail.
Valentin pénétra dans une grande chambre meublée d'une bibliothèque, de deux secrétaires à abattant et d'une table sur laquelle étaient posés un vénérable ordinateur mini-tour, un large écran plat, un clavier et une souris sans fil. Amandine, qui était assise à cette table, tourna la tête en entendant la porte s'ouvrir.
— Viens t'asseoir à côté de moi, Valentin, dit-elle en tapotant la chaise voisine de la sienne. Là je suis justement sur le profil de Germaine.
— Germaine ? Elle a cent ans ta copine ?
— C'est sérieux Val, je suis vachement inquiète, son pseudo c'est « Renarde. »
— Tiens, pourquoi ?
— Parce qu'elle est rousse tiens donc. Regarde, là, c'est son « mur », tu ne remarques rien ?
— À première vue, c'est bien gris, avec juste un peu de rouge. Toutes les photos sont en noir et blanc à part celle d'un coquelicot flottant dans une baignoire. Quel est le détail qu'il faut voir ?
— La photo de ce type avec un ballon de basket à la main, son pseudo à lui c'est « dribbleur », tu as vu ?
— J'ai l'impression que cette photo vient d'une copie d'écran, clique dessus.
— Il y a une légende : « J'ai quatorze ans et je suis fondu de basket. Plus tard je jouerai en NBA. Je m’entraîne dur et j'aime bien les filles sportives. » C'est quoi le NBA ?
— La NBA, National Basket-ball Association. C'est le championnat professionnel américain de basket. Les bons joueurs y gagnent beaucoup d'argent.
— Ah, OK. Regarde maintenant, je clique sur cette image en accès limité, celle d'un bateau en train de couler, c'est cela qui m'a alarmée.
— Tiens, qu'est-ce que c'est ? Cela ressemble à un journal.
Valentin rapprocha sa tête de l'écran et lut à voix haute.
Dimanche. J'avais rendez-vous avec « Dribbleur » au café du Centre. Hier il a voulu ma photo pour me reconnaître. Je lui ai envoyé ma meilleure. Je suis arrivée une heure en avance tellement j'étais heureuse et excitée. Il n'est jamais venu. Il doit me trouver moche. On avait les mêmes passions, les mêmes goûts, je l'aime comme une folle, je suis désespérée.
Lundi. J'ai écrit à « Dribbleur » pour lui dire que je l'ai attendu pendant plus de deux heures. Il m'a répondu qu'il avait eu un empêchement.
Mardi. Je lui ai proposé un second rendez-vous pour demain. Toutes les cinq minutes je vais voir s'il m'a répondu. Il est minuit, encore rien.
Mercredi. Je sais que les sportifs se couchent tôt et c'est sûrement pour ça qu'il n'a pas pu me répondre. Je lui envoie encore un message, deux messages, trois messages. Il ne doit pas se connecter le mercredi. Il a sûrement un match important.
Jeudi. Je ne lui écris pas. Peut-être que je vais lui manquer. Je pleure et j'espère.
Vendredi. Toujours rien. Je lui renvoie un message. Je ferai tout ce qu'il voudra.
— Tu vois, Val, c'est à ce moment là que j'ai commencé à me poser des questions et que je t'ai demandé.
— Tu as bien fait, la suite me semble vraiment inquiétante.
Samedi. Enfin un message. IL NE VEUT PAS ME VOIR. IL NE VEUT PLUS QUE JE LUI ÉCRIVE ! Il ne lira plus mes messages. Il les met directement à la corbeille. Je n'arrête pas de pleurer. C'est trop dur. Je n'en peux plus. Lundi matin, pendant que mes parents seront au travail, je ferai quelque chose qui lui donnera des remords toute sa vie.
— Le samedi en question, c'est bien aujourd'hui ?
— Oui, regarde la date.
— Ce qui me pose question, c'est ce coquelicot dans la baignoire. Du rouge dans l'eau... Il y a longtemps que cette photo figure sur son mur ?
— C'est la première fois que je la vois.
— Clique dessus.
— Rien, il n'y a rien dessous, elle ne mène à rien.
— Tu sais où elle habite ta copine si nous devons faire intervenir quelqu’un ? Tu as son adresse ?
— J'ai bien peur que non.
— Elle t'a déjà envoyé des e-mails ?
— Oui, la dernière fois c'était il y a une dizaine de jours, elle était euphorique, elle trouvait la vie belle. Elle me disait qu'elle s'était inscrite dans le club de basket de sa ville.
— Tu l'as encore ce message ?
— J'ai peur de l'avoir benné avec les autres.
— Laisse moi ta place un instant. Tu permets que je fouille dans ton courrier ? Il y a longtemps que tu as vidé la corbeille ?
— Je crois bien ne l'avoir jamais fait. Vas-y, fouille, je n'ai pas de secret.
Valentin s'installa face à l'écran, lança Thunderbird, le logiciel de courrier et développa la liste des dossiers sous le nom d'Amandine. Il cliqua sur celui nommé « Corbeille » et la liste des e-mails supprimés s'afficha.
— Quelle est l'adresse électronique de ta copine virtuelle ?
— Là, « renarde02 » répondit Amandine en pointant du doigt une ligne sur l'écran.
Valentin cliqua la ligne indiquée et sourit en constatant les banalités échangées. Dans le menu d'affichage il cliqua sur « code source du message ». Une page de texte incompréhensible s'afficha à l'écran.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je cherche son adresse réelle.
— Tu t'y retrouves dans tout ce fouillis ?
— C'est internet qui va trouver à ma place. Regarde, je copie ce texte, voilà, maintenant j'ouvre ton Firefox, je cherche la page « Email Header Analyser ». Top, ça y est. Là, dans la fenêtre blanche, je colle ce que je viens de copier, je clique sur Analyse et, abracadabra, tu obtiens le pays, la ville et même les coordonnées latitude et longitude de l'expéditeur du message.
— Et ben dis donc ! Tu en connais un rayon !
— Il n'y a pas que Youtube ou Deezer sur internet ! Si tu sais chercher et t'en servir, tu trouves une solution à tout, disons à presque tout, mais je reviens à ta copine, il faut encore affiner la recherche. J'ouvre une nouvelle fenêtre et je cherche « Google Maps Coordonnées ». Je copie la latitude, je la colle là, pareil pour la longitude, je clique « Obtenir l'adresse » et voilà !le tour est joué. Regarde « 2 rue Notre Dame, Chauny, France. »
— Extraordinaire. Tu es vraiment champion du monde !
— Bah, quand tu l'as fait une fois, tu sais faire. Est-ce que tu as des photos de ta copine ?
— Oui, au début de notre relation, elle m'a envoyé une photo d'elle devant sa maison.
— Ça c'est bien, cela va peut-être nous permettre de vérifier les données trouvées par Google. Elle est où cette photo ?
— Dans un mail bien avant celui que tu as décortiqué. Vas-y, remonte, encore, encore, tiens, dans celui-là : « la tanière de la renarde. »
— OK, j'affiche l'image dans un coin de l'écran. Dis donc, elle n'est pas si moche que ça ta copine, je trouve qu'elle te ressemble un peu. Le décor de briques derrière elle est un peu moins sympa mais bon. Je continue, je vais sur Google Street View. Je tape l'adresse, OK, maintenant je vais parcourir la rue. Tu me dis si tu reconnais la maison.
Valentin avec dextérité fit défiler l'image, la faisant pivoter dès qu'il trouvait quelque chose d'approchant, balaya le côté pair puis le côté impair sans rien remarquer de vraiment ressemblant.
— Flûte ! Elle n'habite pas dans cette rue là.
— Tes logiciels se sont plantés ! Au fait, pourquoi tu veux absolument connaître son adresse ?
— Écoute Amandine, je crois que ta copine est désespérée comme tu me le disais. Je sais que l'amour peut faire faire des choses complètement irrationnelles, totalement déraisonnables si tu préfères. Je crois que ta Germaine s'apprête à faire une grosse, mais une très grosse connerie. Elle a dit « lundi je ferai quelque chose qui lui donnera des remords toute sa vie » et sur son mur Facebook, il y a cette photo de baignoire avec un coquelicot dedans, sans légende, sans rien. C'est une photo-montage car en cette saison, il n'y a plus de coquelicots, donc elle a fait ça avec une intention. Une baignoire, du vide et du rouge. À mon avis c'est un dernier appel au secours. Elle va se mettre dans sa baignoire et...
— Et quoi ?
— Le rouge du coquelicot te fait penser à quoi ?
— Rouge comme du sang ? Oh mon dieu, tu penses qu'elle va se...
— Peut-être pas mais il faut agir comme si. Je cherche son adresse exacte pour pouvoir faire intervenir la gendarmerie locale.
— Comment tu peux leur demander d'agir ?
— Pas moi, mais l'adjudant-chef Lemoine, lui il peut contacter ses collègues de là-haut, enfin là-haut sur la carte.
— Mais on n'a toujours pas l'adresse, qu'est-ce qu'on va faire ?
— Peut-être que la localisation de l'IP n'est qu'approximative. Essayons de sillonner les rues avoisinantes. Je repars de la rue Notre Dame, en voilà le bout. Je reviens sur mes pas virtuels et je vais tourner à gauche, voilà, c'est la rue... Louis Mansart, les maisons ressemblent déjà plus à celle de ta photo. Je vais l'agrandir cette photo de ta copine. « Contrôle +, contrôle +, contrôle + » . Regarde Amandine, derrière ta « renarde », le mur de la maison en briques rouges avec une porte et un bout de fenêtre, au dessus de la fenêtre il y une espèce de décoration en briques blanches, une sorte de losange et au dessus de la porte, à l'aplomb de la tête de ta copine, on distingue comme un numéro, 42 je crois.
— Ça nous avance à quoi tout ça ?
— Attends, je retourne à la rue Louis Mansart. J'avance, j'avance, bon, plus loin c'est une voie de chemin de fer donc demi-tour, j'examine l'autre côté de la rue... Non , rien de ressemblant. Je passe à la rue suivante, rue... Hébert. Plus loin, plus loin, plus loin, regarde Amandine, je fais pivoter l'image, qu'est-ce que tu en dis ?
— On dirait bien que c'est ça ! Les mêmes briques blanches.
— Attends encore, je me rapproche, numéro 36, 38, 40, 42. Bingo ! C'est la maison de ta copine, 42 rue Hébert à Chauny dans l'Aisne.
— Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
— Je raconte tout à l'adjudant-chef Lemoine. Il saura prendre la décision qui convient, s'il faut ou non prévenir ses collègues de Chauny.
— Il est sept heures, la gendarmerie est fermée !
— Son téléphone privé est toujours ouvert pour moi.
— Vas-y, appelle-le.
— Oui mais auparavant j'aimerais bien en savoir plus sur ce « dribbleur ». Est-ce que tu peux te connecter sur son profil Facebook ?
— Oui, je crois.
— Prends la place et trouve-le si tu veux bien. Il faut que j'aille aux toilettes.
— Tu sors et à droite, porte au fond.
Quand Valentin revint, il avait l'air songeur. Il sentait confusément que quelque chose n'allait pas dans le mini journal de « renarde ».
« Voyons, elle et son « dribbleur » se fixent rendez-vous dans un café. Il ne vient pas, ou plus exactement la personne ressemblant à la photo de « dribbleur » ne vient pas. Pourquoi n'est-il pas venu au rendez-vous ? La Germaine n'est pas moche du tout, ce n'est pas la photo qui a pu le dissuader de venir...
Et s'il était venu malgré tout, pourquoi Germaine la renarde ne l'a-t-elle pas reconnu ?
Un, parce qu'elle ne l'a pas vu. Non, ce n'est pas vraisemblable car elle devait guetter. Alors deux, parce qu'il ne ressemble pas à la photo. Et si ce n'était pas SA photo ? Et dans ce cas, ce serait la photo de qui ?
Il faut faire une nouvelle recherche, sur les images cette fois » dit-il à mi-voix pour lui-même en poussant la porte de la chambre.
— Qu'est-ce que tu bougonnes ?
— Pardon ? Oh, je réfléchissais tout haut. J'ai un horrible doute.
— Tu me fais peur là. À quoi penses-tu ?
— Je vais te dire mais avant, il faut que je tente une exploration dans Google Images. Je reprends la place, d'accord ? Ah, tu es sur le profil du « dribbleur » ou son soit disant profil, très bien. Je fais une copie d'écran. Il faudrait que je découpe la photo, tu as un logiciel de traitement d'images ?
— En fait, je ne sais pas tout ce qu'il y a dans cette machine.
— Je vais trouver... Oui, tu possèdes XnView, avec ça je peux faire mon découpage. Ok, voilà, je l'agrandis. Elle a du goût Germaine, c'est un beau mec.
— Ouais, si on veut, c'est le genre gros bras et petite tête !
— Passons, bon je tape « jeune basketteur » dans Google puis je clique sur Images.
Presque instantanément l'écran se remplit de photos de sportifs : jeunes en action de match, d'autres en train de tirer au panier, des groupes sur deux rangs face au photographe, quelques joueurs tenant un ballon dans leurs mains. Valentin faisait doucement défiler la page, examinant systématiquement toutes les images. Il atteignit le bas de la présentation sans rien trouver. Il cliqua sur « Voir plus de résultats ». Une nouvelle page s'afficha qu'il fit à nouveau défiler.
— C'est l'histoire de l'aiguille et de la botte de foin se désola Amandine, on ne trouvera rien tu penses. Un basketteur parmi ceux du monde entier...
Sans se décourager, Valentin passa à la troisième page.
— Stop, regarde, là Val, ce type assis derrière une table avec un ballon posé dessus et lui avec les mains sur le ballon, c'est lui ! C’est dribbleur s'exclama Amandine.
— On dirait bien ! Je clique l'image. Attends, il y a une légende à la photo : « Un collégien fan de basket. Yan Gautier meneur de jeu de l'équipe minime 1 du BBCV semble promis à un bel avenir dans son sport... »
— C'est quoi BBCV ?
— C'est écrit plus haut dans la page : Basket-Ball Club de Villeurbanne. On dirait bien que le « dribbleur » de Germaine est plus Lyonnais que Picard ! Je te rends la place, retourne sur son profil et essaie de savoir où il prétend habiter.
— Rien à faire... information réservée aux amis et à la famille.
— Attends un peu, tu as une jolie photo de toi sur ton compte Facebook ?
— J'ai une photo.
— Donc une jolie photo. Demande-lui de t'accepter comme amie.
— Merci pour ton appréciation, mais il peut très bien ne pas me répondre, enfin pas tout de suite.
— Si ce mec est bien le genre de type auquel je pense, il doit recevoir une notification de Facebook sur son smartphone à chaque demande, donc en voyant ton âge et ta photo il va te répondre, surtout si tu ajoutes « fondue de basket » dans ton profil. Au fait, c'est quoi ton pseudo ?
— Titamande.
— Joli ! Dis donc, il est sept heures et demie, je téléphone à mes grands-parents pour les avertir de mon retard. Si dans un quart d'heure il n'a pas répondu, nous aviserons demain.
— Tu es sûr que Germaine ne va pas passer à l'acte ?
— À cette heure-ci, elle doit-être chez elle et ses parents aussi, donc non, rien à redouter pour le moment.
— Tu ne m'as pas dit, c'est quoi le fond de ta pensée ?
— Je pense à un adulte qui se fait passer pour un jeune sportif, probablement un sale type qui cherche des proies faciles.
— Tu penses à un pédophile ?
— Possible.
— Alors pourquoi n'est-il pas venu au rendez-vous de Germaine ?
— Il est sûrement venu mais une circonstance fortuite a pu l'empêcher de contacter ta copine.
— Comme quoi ?
— Quelqu'un qui le connaît et qui se trouvait présent dans le café du rendez-vous et qui aurait pu le reconnaître, s'en souvenir par la suite si un drame était arrivé et possiblement témoigner.
— De toute façon, ce n'était pas lui qu'elle attendait !
— Certes mais il aurait pu lui dire qu'il vient de la part de « dribbleur » et que celui-ci l'attends ailleurs.
— Ben oui, pourquoi ne l'a-t-il pas fait ?
— Parce que ce possible témoin l'aurait vu parlant avec Germaine. Une jolie rouquine, ça se remarque !
— Attends Val, j'ai un message de Facebook. C'est la réponse de « dribbleur », il m’accepte dans ses amis, qu'est-ce que je fais ?
— Rien, il faut le laisser mijoter. En attendant que nous prenions une décision à son sujet, envoie un courriel à ta « renarde » et explique lui tout . Passe par Facebook, je suis sûr qu'elle doit encore guetter et elle ouvrira ton message. Commence par dire que c'est à propos de « dribbleur », comme ça elle te lira. Explique-lui tout, dans le détail. Son amour virtuel va se transformer en haine bien réelle, mais elle sera sauvée.
— Si elle lit mon message !
— Demande-lui une réponse immédiate. Si elle ne le fait pas, demain nous préviendrons la gendarmerie.
Le lendemain matin, dès son réveil, Valentin alluma son iPhone et téléphona à son amie.
— Allô Titamande ?
— Salut Val, c'est gentil de m'appeler comme ça.
— Bonjour, tu as eu une réponse à ton courriel ?
— Oui, un mail expédié à une heure du matin mais je viens seulement de le découvrir et de lire.
— Que te dit-elle ?
— Elle se pose des tas de questions. En gros pour te résumer, c'est « comment ai-je pu me laisser piéger comme ça ». Elle a mon âge donc quatorze ans et elle était prête à tout lui donner ! Tu te rends compte ? Maintenant elle est vachement secouée, mais elle est sauvée.
— Absolument. Il faudra la tenir au courant des suites s'il doit y en avoir. En réalité, son « dribbleur », enfin votre « dribbleur » est probablement un adulte qui l'aurait attirée dans un endroit secret et désert sous prétexte de le rejoindre, qui l'aurait séquestrée, violée et peut-être tuée, sûrement tuée même pour ne pas laisser de traces. C'est un prédateur, il faut tout faire pour le mettre hors d'état de nuire.
— Tu me fais peur ! Il a mon profil maintenant !
— Du calme. Apparemment il habite en Picardie, il ne fera le voyage jusqu'ici que s'il te sent prête et s'il a ton adresse.
— Vu la façon dont tu as récupéré celle de Germaine, je ne suis pas plus rassurée. Qu'est-ce que tu suggères ?
— Que nous passions le relai à l'adjudant-chef Lemoine. Allons le voir tous les deux, nous lui expliquerons toute l'affaire. Tu lui communiqueras ton profil Facebook et tes mots de passe. Quelqu'un à la gendarmerie se fera passer pour toi, comme ça, ils pourront le piéger.
— Qu'est-ce qu'ils pourront lui reprocher ?
— En fouillant son ordinateur et son téléphone, ils peuvent trouver des indices, des preuves. Qui sait s'il n'est pas déjà passé à l'acte ?
— Les mecs sont vraiment des salauds !
— Hé, doucement, ne généralise pas ! Mais avant d'accorder ta confiance à quelqu'un, réfléchis avec ta tête autant qu'avec ton cœur.
— Valentin tu est un extra-terrestre !
— Mais non, je ne suis pas un martien, je suis né en avril ! Hi hi hi !