« Qu'est-ce qu'on fait Val ? » demanda Gilles quand ils se furent suffisamment éloignés du Clos des Pins pour ne plus être repérés.
— Nous rentrons à Saint Thom.
— On va déclarer le vol à Lemoine ?
— Si nous voulions rester dans la légalité, c'est ce que nous devrions faire mais cela suppose blocage de ton smartphone par ton opérateur, plainte à la gendarmerie dans ce qu'ils appellent une main courante. Le brigadier de service va enregistrer ta déclaration, t'en donner un double pour l'assurance et probablement classer l'affaire. Ils ne vont pas enquêter pour un simple vol même avec contrainte physique, ce qui veut dire adieu bel appareil et tout ce qu'il contient, textos, mails et photos de Lucie.
— Aïe aïe aïe... Tu vois une autre solution ?
— Je crois que j'en ai une. Te souviens-tu des individus qui m'avaient séquestré ? Dans les deux il y en a un qui s 'appelle Hugo et ce type habite au Clos des pins. En ne portant pas plainte contre lui à l'époque, je lui ai évité le centre éducatif fermé. Ses parents m'ont dit merci mais lui pas encore, je vais lui en donner l'occasion. Donc je vois les choses comme ça : un nous rentrons à Saint Thom, heureusement qu'ils ne nous ont pas taxé nos cartes de bus, deux, je récupère mon iPhone. J'en ai un moi !
— Salopard ! émit affectueusement Gilles. Valentin sourit et enchaîna :
— Trois j'appelle Amandine.
— Pourquoi ? Que vient-elle faire là-dedans ?
— Amandine a une sœur : Camille et Camille était la copine de Hugo avant qu'il ne lui joue un sale tour.
— Quel sale tour ?
— Séquestration et violences.
— Décidément, c'est un habitué des faits.
— Donc je demande à Camille si elle a encore le numéro de Hugo. Je pense que oui.
— Et dans le cas contraire ?
— Il n'y a pas de cas contraire. Même si tu n'as plus ton téléphone, tu as oublié le numéro de Lucie, toi ? Alors quatre, je sonne Hugo et je lui propose un marché : l'oubli complet de tout ce qu'il a fait à Camille et à moi contre des renseignements sur capuche grise et capuche noire, sur leur lieu de réunion et peut-être sur leur planque. Je suppose que ce sont des habitués des vols, arnaques et autres rackets, ils ont donc un lieu où entreposer leur butin car quel âge ils ont ces deux types ? Quinze ans ? Donc ils vivent chez leurs parents et n'osent sûrement pas cacher leurs larcins chez eux. Dès que nous aurons ces renseignements, et je vais exiger de les avoir ce soir, nous agirons.
Les deux amis mirent un quart d'heure pour atteindre le centre ville, attendirent un autre quart d'heure l'arrivée de la navette et un troisième avant de débarquer à l'arrêt collège de Saint Thomas du Lac. La nuit était tombée quand ils arrivèrent devant la maison de Valentin.
— Reste là, je monte prendre mon smartphone et je te rejoins.
Valentin avait deviné juste pour Camille, elle n'avait rien oublié, ni de l'aventure, ni le numéro de téléphone de Hugo.
— Donne-moi son numéro puis appelle-le, lui demanda Valentin, il répondra s'il voit que c'est toi qui le sonne. Dis-lui simplement que je vais l’appeler et que tu oublies tout s'il accepte de m'aider et de me fournir quelques petits renseignements.
Camille s'exécuta de bonne grâce, heureuse de rendre service à celui qui l'avais tiré d'un très mauvais pas quelques mois auparavant. Valentin attendit cinq bonnes minutes avant de recevoir l’appel de Camille puis ayant reçu son feu vert, il appela Hugo. Celui-ci prit la communication dès la première sonnerie.
— Oui, c'est Valentin, tu te rappelles ? Celui à qui tu as gentiment prêté le camping-car de tes parents.
— Camille m'a prévenu, qu'est-ce que tu veux ?
— Comment se nomment deux individus qui habitent dans ton quartier, un en survêtement gris, l'autre pareil en noir ?
— Je ne vois pas de qui tu parles.
— Ils fument du shit tous les deux.
— Comme tout le monde !
— Non pas comme tout le monde, il y a des jeunes plus malins que ça.
— Je ne vois toujours pas.
— Le gris a une matraque et le noir un poing américain.
— Qu'est-ce que tu leur veux ?
— Donc tu les connais !
— Ouais, de vue.
— Je veux connaître leur planque, débrouille-toi comme tu veux. Si tu réussis, pour moi tu redeviendras blanc comme neige.
— S'ils viennent à savoir que c'est moi qui les ai balancés, je suis mort.
— Personne ne saura jamais que tu as joué un rôle dans l'affaire.
— Qu'est-ce que tu leur veux exactement ?
— Ils ont piqué le téléphone d'un de mes copains, je veux le récupérer, cela te va ?
— Immeuble C, cave numéro treize au Clos des pins, c'est leur planque.
— L'immeuble est fermé la nuit ? Y a-t-il un digicode ou un autre dispositif de verrouillage ?
— Il est comme le mien.
— Donc en accès libre. La cave numéro treize est-elle fermée à clé ? Tu peux m'en dire plus ?
— Oui, elle est fermée.
— On ne se balade pas avec une grosse clé de cave dans sa poche. Où la cachent-ils ?
— Sur la petite poutre au dessus de la cave d'à côté, la quinze.
— Est-ce tout ce que tu peux me dire ?
— Ouais, fais gaffe à toi, ce sont de vrais méchants.
— OK. Si tout ce que tu m'as dit est vrai, pour Camille et moi, tout est effacé. Salut.
Communication coupée, Valentin resta longuement songeur, silence respecté par Gilles qui d'expérience savait qu'il ne fallait pas troubler sa réflexion. Après cinq bonnes minutes de silence, Valentin reprit à voix haute :
— Deux heures du matin, VTT, sacs à dos, habits sombres et chauds, chaussures de gym, gants, lampe de poche, opinel, clous tordus, ficelle et pince. Si tout va bien, à cinq heures nous serons rentrés et tu auras à nouveau les photos de ta chérie.
— Tu comptes agir cette nuit ?
— Je compte que NOUS opérions cette nuit ! Tu peux t'évader de chez toi ?
— Je vais essayer. Mon père a le sommeil lourd mais pas ma mère.
— Ton surnom, c'est Agil, non ? Alors soit-le. Rendez-vous sur la piste cyclable au niveau du stade à deux heures du matin. Seul, je ne peux rien faire.
Il était presque deux heures quand Valentin arriva sans éclairage au niveau du stade. Gilles était déjà là, faisant des grands cercles de bras tout en sautant sur place pour se réchauffer.
— Pas de difficultés ? demanda Valentin.
— Mes parents se sont couchés à minuit. J'ai eu du mal à tenir les yeux ouverts ensuite. J'ai veillé parce que je ne sais pas si tu es au courant mais je n'ai plus mon smartphone pour programmer mon réveil en musique.
— Tu dormiras mieux la nuit prochaine. En route. Tu as une lampe ? Alors passe devant mon vieux.
Pédalant dans le noir contre une méchante bise qui glaçait les visages et les pieds simplement chaussés de baskets, les deux amis mirent presque une heure à couvrir les dix kilomètres les séparant de l'entrée de la ville et encore un quart d'heure pour rejoindre le Clos des pins. Ils n'avaient croisé personne sur la piste et à peine deux ou trois voitures en ville. Imité par Gilles, Valentin cala son VTT contre la bordure du trottoir grâce à une pédale, loin des lampadaires et à distance des immeubles du Clos.
— Si on se fait voler nos vélos, on est fichu, déplora Gilles.
— Il faut prévoir un départ précipité et dans ce cas nous n'aurions pas le temps de débloquer un antivol. Il faut donc prendre le risque, minime à mon avis étant donné l'heure.
— Lequel est le bâtiment C ? demanda Gilles en regardant les quatre immeubles du Clos des pins.
— Celui-ci, c'est le A, déclara Valentin en désignant celui de gauche le plus près de la rue, donc le C c'est celui du fond à droite. Nous allons nous déplacer à petits sauts de puce en nous cachant derrière les troncs des pins.
— Pourquoi ? Il fait nuit noire dans ce Clos.
— C'est une impression parce que nous venons d'une rue éclairée. Il y a toujours un peu de lumière résiduelle dans le noir et il y a toujours aussi des insomniaques qui peuvent regarder par leurs fenêtres, murmura Valentin à l'oreille de son ami.
Par petits trajets rapides et silencieux, ils progressèrent à travers le parc des immeubles. Valentin sans le vouloir, marcha sur une pomme de pin qui crissa et craqua sous sa semelle. Une fenêtre du bâtiment A s'éclaira. Les deux hardis adolescents s'accroupirent et ne bougèrent plus. La lumière persista une minute puis s'éteignit.
— Tu crois que nous sommes repérés ? murmura Gilles.
— Non, c'est probablement quelqu'un qui va dans ses toilettes. Continuons.
Arrivé au niveau du bâtiment, Valentin se colla contre le mur près de la porte d'entrée, imité par Gilles. Il ôta son sac à dos, en sortit son iPhone dont il activa l'écran. À l'aide de la faible lumière émise par celui-ci, il put voir à côté de la porte une plaque indiquant « Bat. C. »
— C'est bien ça, dit Valentin en approcha sa bouche de l'oreille de Gilles. Reprends ta lampe mais ne l'allume pas. Silence absolu maintenant, si tu as besoin de me dire quelque chose, tu me touches l'épaule et tu articules à mon oreille en aspirant les sons comme je le fais là avec toi.
Valentin poussa lentement la porte d'entrée qui émit un premier grincement. Il diminua sa poussée et, centimètre par centimètre, augmenta l'ouverture. Quand il jugea le passage suffisant, il se glissa à l'intérieur, cala le battant de son pied pour permettre à Gilles de s'introduire avant d'accompagner la fermeture. Retenant son souffle, il activa de nouveau son écran et le dirigea successivement vers les quatre murs du hall d'entrée : les boites aux lettres, le départ d'un couloir, une porte pleine peinte en vert jouxtant le départ d'un escalier ascendant. Valentin s'avança vers cette porte, actionna doucement le bec de cane tordu et tira lentement. Quelques grincements l'obligèrent à ralentir encore son action.
— Passe en premier, attention escalier. Allume ta lampe dès que j'aurai refermé.
— J'ai la trouille.
Sans répondre, Valentin toujours tenant la porte poussa doucement son copain puis referma le battant sans le clore complètement. Gilles donna la lumière, éclairant la descente d'un escalier en ciment. De fines particules de poussières volèrent dans le faisceau lumineux.
— Comment reconnaître la bonne cave ? s'inquiéta Gilles.
Valentin fit glisser du doigt l'affichage de son iPhone, toucha l'icône lumière puis éclaira la première porte qui se présentait, aucun numéro ne figurait sur le panneau d'isorel, il balaya ensuite du faisceau lumineux toute l'huisserie en bois blanc terni.
— Là, murmura-t-il, un numéro marqué au crayon de menuisier. Celle-ci, c'est la numéro deux. Voilà où chercher, tu fais les travées de gauche, je fais celles de droite chuchota-t-il.
— Non, on reste ensemble, répliqua Gilles un peu plus fort.
— OK, d'accord, articula Valentin qui avait compris la raison de la réticence de son ami. Ensemble ils parcoururent les allées qui présentaient trois portes de chaque côté.
— Voici la douze, celle-ci n'a pas de numéro et là c'est la quatorze, souffla Gilles.
Valentin éclaira le bois de l'huisserie à l'endroit où les autres portes avaient leur numéro, le bois lui parut un peu plus clair, comme s'il avait été gommé.
— C'est bien celle-ci. Où est la quinze ?
— Là, face à la douze. La clé est sur la poutre, tu dis ? Mais il n'y a pas de poutre.
— Par poutre, il voulait dire la partie haute de l'huisserie, de l'entourage si tu préfères.
— OK, je saute, fit Gilles pressé de récupérer la clé.
— Nooon ! dit Valentin. Mais trop tard. De la main Gilles avait touché le bout du sésame et celui-ci, en équilibre instable venait de basculer à l'intérieur du réduit numéro quinze.
— Oh non, dit à son tour Gilles désespéré, je crois que j'ai fait une boulette.
— C'est heureux que tu t'en rendes compte.
— Tu n'as pas un truc pour ouvrir cette porte ?
— Si, mais autant s'attaquer directement à la treize dans ce cas, non ? Éclaire-moi.
Valentin tomba son sac à dos et farfouilla. Un léger tintement métallique et il sortit une petite poche en plastique contenant un assortiment de clous attachés par une ficelle. Les clous étaient coudés à angle droit, formant des becs de différentes longueurs à leurs extrémités.
— C’est toi qui a fabriqué ça ?
— Oui. Éclaire la serrure de la treize, reprit Valentin.
Il tenta d'introduire un clou de charpentier mais si la partie coudée était à la bonne dimension, le diamètre de la tige était trop fort pour passer dans l'arrondi du trou de la serrure. Valentin prit un autre clou qui cette fois s'adapta aux dimensions en forçant un peu. Il sortit de son sac une petite pince universelle avec laquelle il saisit fermement l'autre bout du clou. Il tourna plusieurs fois son outil rudimentaire dans la serrure sans rien accrocher.
— Le bec est trop court, murmura-t-il pour lui-même. Il saisit un autre clou tordu au bec un peu plus long et tenta la même manœuvre. Un bruit de métal frotté prouva que le passe-partout improvisé mordait dans la serrure. Valentin sentit comme une résistance élastique. Il tourna lentement le clou à l'aide de la pince mais un petit claquement lui indiqua que le pêne avait repris sa position fermée.
Patiemment il recommença, sans plus de succès. À sa troisième tentative il inclina légèrement la tige du clou vers le bas de façon à monter un peu plus le bec d'accroche qui cette fois mordit franchement dans le mécanisme rudimentaire de la serrure de cave. Valentin tourna lentement son engin en maintenant l'inclinaison pendant un quart de tour puis finit d'un mouvement plus sec. Un clac caractéristique retentit dans le silence du sous-sol suivit par un bruit ressemblant à du papier froissé précipitamment.
— Il y a quelqu'un là-dedans, viens, on file, fit Gilles presque à voix haute.
— Silence ! intima Valentin. Reprends tes esprits. Ton téléphone est sûrement là.
— Mais ce bruit...
— Un animal qui a pris peur, sûrement.
— Un chat tu crois ?
— Je pense plutôt à un rat. Il doit y avoir là-dedans des aliments comme des gâteaux ou des biscuits et c'est ça qui les attire.
— Un rat, mais c'est dangereux ces bêtes là !
— Un animal est dangereux quand il se sent menacé, quand il défend son territoire ou ses petits, sinon il se sauve ou va se cacher. Mets toi de côté, j'ouvre la porte.
Du pied Valentin poussa le battant qui vint cogner quelque chose avec un bruit mat suivi d'un léger bruit d'objets entrechoqués qui prit une ampleur exagérée dans le silence de la nuit. Gilles sentit quelque chose passer sur un de ses pieds et cria :
— Aaah !
— Chut bon sang ! Tu vas réveiller l'immeuble alors que nous touchons au but.
Gilles pinça les lèvres, se reprit et éclaira le local exigu de sa lampe torche. Le lieu ne ressemblait pas à un entrepôt de bric-à-brac comme la plupart des caves d'immeuble mais se présentait comme un vétuste lieu de réunion avec cinq chaises dépareillées entourant une table basse en plastique décorée d'un logo publicitaire sur laquelle se trouvait posé un énorme cendrier plein de mégots informes. Gilles balaya les murs de la lumière de sa lampe et mit en évidence un matelas taché dressé contre l'un d'eux ainsi que deux caisses, l'une contenait des bouteilles d'alcools divers sur le goulot desquelles étaient renversés des verres sales. Dans l'autre se trouvaient des revues et des emballages de paquets de gâteaux.
— Voilà où folâtrait ton ami le rat, plaisanta Valentin. Fouille dans cette caisse si tu n'as pas peur, ton téléphone y est peut-être.
Surmontant sa répulsion, Gilles saisit une revue de motos et à l'aide de celle-ci roulée en cylindre, il retourna tout sans rien trouver.
— Flûte, il n'y a rien. Tu t'es trompé dans tes déductions, hélas.
— Assieds-toi et passe-moi ta torche.
Valentin à son tour retourna le contenu de la caisse sans rien trouver non plus. En se redressant il heurta la porte qui revint cogner contre un mur. Le bruit mat et les légers tintements se firent à nouveau entendre. Il referma la porte dont il éclaira la partie intérieure. Suspendu à une patère vissée dans l’isorel du battant pendait un sac de sport noir.
— Bingo ! chuchota Valentin en décrochant l'objet.
— Y a mon téléphone ? demanda aussitôt Gilles.
— Je ne sais pas, mais comme il n'y a rien d'autre, nous embarquons le sac. Je reverrouille et nous filons.
La technique étant acquise, Valentin referma rapidement la serrure avec son passe-partout improvisé puis les deux amis, cœurs battants à tout rompre, rebroussèrent chemin dans le couloir, l'escalier en ciment et le hall d'entrée.
— Prends le sac et sort le premier, articula sans bruit Valentin. Avance le plus naturellement possible, sans courir mais en choisissant les zones sombres. Je te rejoins dans quelques secondes.
Au bord de l'évanouissement par accumulation d'émotions trop fortes, Gilles s'exécuta néanmoins, observé depuis l'entrée de l'immeuble par Valentin prêt à intervenir en cas de mauvaise rencontre de son ami. Rien de tel ne se produisit, il put rejoindre Gilles à l'entrée du clos et lentement ils se dirigèrent vers leurs vélos.
— On regarde dedans tout de suite ? espéra Gilles.
— Non, pas ici. Garde le sac à l’épaule et roulons jusqu'au début de la voie verte, il y a un lampadaire et c'est désert.
Quinze minutes après, ils mirent pied à terre. Toujours ganté, Valentin reprit le sac que Gilles portait en bandoulière et un à un sortit les objets qu'il contenait. Des boites en plastiques remplies de feuilles séchées, une boite d'allumettes pleine de barres de résine, un, deux, trois quatre téléphones portables. Le quatrième fut le bon.
— C'est mon étui, c'est le mien ! s'écria Gilles fou de joie en saisissant vivement l'objet. Ôtant ses gants, il tenta de l'allumer mais en vain.
— La batterie est vide, rassura Valentin en voyant la mine déconfite de son ami. Oh, nom d'un chien ! s'exclama-t-il en sortant un pistolet automatique du sac.
— Montre voir.
— Remets d'abord tes gants. Là ça devient très grave, émit-il en continuant son inventaire. Il ressortit deux autres téléphones, un rouleau de billets de banque, un chargeur plein de balles ainsi qu'une courte matraque, un poing américain, deux étoiles « ninja » à lancer et un couteau de chasse.
— C'est un véritable arsenal ! Ils sont vraiment graves ces deux là. Heureusement que personne ne nous a surpris. Qu'est-ce qu'on fait ?
— Tu gardes ton téléphone, je reprends mes dix euros, nous remettons tout le reste dans le sac et nous allons le déposer à la gendarmerie de Saint Thom. Ne traînons pas, reprit Valentin après un coup d’œil à l'écran de son smartphone, il est déjà quatre heures et demie.
Tout en pédalant de front dans la nuit, la piste cyclable vaguement éclairée par la torche fixée à son guidon Gilles demanda à voix basse :
— Est-ce qu'on dit à Lemoine d'où vient cet arsenal ?
— Et nous nous accusons du même coup d'entrée par effraction dans une propriété privée ? se moqua Valentin, non, sûrement pas. Nous allons faire un don anonyme. Lemoine n'est pas bête, il fera parler les téléphones si on peut dire comme ça, donc il retrouvera les propriétaires et en recoupant leurs témoignages, il obtiendra probablement une description des voleurs.
— Et les armes ?
— Elles doivent présenter des empreintes : le canon du pistolet, les côtés du chargeur, le manche de la matraque, les branches des étoiles, c'est pour cela que je t'ai dit de remettre tes gants avant de les manipuler. Allons tout de suite à la gendarmerie, ils dorment la nuit les gendarmes, comme tout le monde.
— Sauf nous !
— Temporairement. Donc nous allons balancer le sac dans la cour de la gendarmerie et rentrer chez nous. J'ai envie de dormir, pas toi ?
— Je ne sais pas si je pourrai. C'était une sacrée aventure, hein ? Tu ne peux pas savoir ce que je suis content d'avoir récupéré mon iPhone. Je vais le brancher aussitôt rentré dans ma chambre.