VALENTIN AU COLLEGE

21. MATHILDE

« Valentin, je veux te parler. »
Au moment de l'interclasse, Mathilde, qui ne lui avait jamais adressé la parole, venait de toucher le bras de Valentin qui leva des sourcils étonnés.
— Oui, parle.
— Pas ici. Dans la cour, à la récré de dix heures.
— Comme tu veux. Ce sera quoi le thème de la discussion ?
— Tout à l'heure, dit-elle avec un sourire contraint.
— OK, d'accord.

Valentin passa les temps morts de l'heure de cours qui suivit à chercher des raisons à cette demande. Ce n'était pas de l'aide scolaire car Mathilde était la plus brillante des filles de la classe. Le seul point commun qu'ils avaient était justement le fait qu'ils étaient bons l'un et l’autre. Quand la sonnerie de dix heures les libéra, Mathilde vint rapidement se placer à son côté.
— Alors Mathilde ?
— Viens, marchons. Voilà, tu sais que je suis représentante des élèves au conseil de classe ?
— Oui.
— J'ai entendu dire que certains veulent que je démissionne et que je te laisse la place. Je veux connaître ton avis. Je veux savoir si c'est toi qui est à l'origine de ces bruits. Je veux savoir si tu convoites ma place.
— Sincèrement ?
— Autant que possible.
— Sincèrement, je trouve que tu fais très bien ton travail, que tu remplis bien ton rôle. Je ne suis pas à l'origine de ces bruits et même si tu voulais démissionner, je ne serais pas candidat pour te remplacer.
— Bon, et bien au moins comme ça c'est clair ! sourit Mathilde rassérénée.
— Pour être encore plus franc, je dois te dire que certains m'ont confié que tu étais un peu jalouse de mes résultats, surtout en anglais, parce qu'avant mon arrivée tu étais la meilleure. Sache que je ne fais jamais rien pour rabaisser les autres et surtout pas toi. Je trouve même que pour quelqu'un dont ce n'est pas la langue maternelle, tu te débrouilles très bien. As-tu autre chose à me demander ?
— C'est vrai que j'étais un peu jalouse de toi. Alors tu trouves que j'ai bien fait mon boulot au conseil de classe ?
— Je n'y étais pas mais j'ai trouvé ton compte-rendu tout à fait clair et conforme à l'idée que j'ai du niveau et du travail des autres de la classe donc tu as bien noté les avis des profs et tout bien rapporté. Ceux qui veulent te remplacer sont vraiment dans l'erreur, ils ne trouveront pas meilleure représentante que toi. Je ne dis pas cela pour te flatter mais parce que je le pense vraiment.
— Donc nous pourrions devenir copains ?
— Je n'étais pas ton ennemi, Mathilde. L'amitié ne se décrète pas mais tu ne m'es pas antipathique. Si tu as besoin de moi un jour, si tu as besoin d'un service que je peux te rendre, tu m'en parles.
— Je suis contente que tu dises ça. J'aurai peut-être quelque chose à te demander.
— Vas-y, pose ta question.
— Pas maintenant, demain à la même heure, tu veux bien ?
— À demain, Mathilde.

Valentin demeura songeur quelques instants. Il n'avait pas la moindre envie de recommencer un épisode comme celui d'Océane. Il se sentait trop naïf avec les filles et ne savait pas bien comment se comporter quand elles lui souriaient ou plus simplement lui adressaient la parole. Il prenait alors, presque malgré lui, une attitude distante et un parler bref, sec, cassant quelquefois.
Que voulait-elle lui demander qui ne pouvait pas se dire dans l'instant ? Une aide pour ses devoirs ? Non, sûrement pas, parmi les filles, c'était elle la meilleure en toutes matières. Une petite aventure sentimentale ? Non plus... Elle l'avait ignoré et même jalousé jusqu'à cet instant. Si sa demande ne concernait ni elle ni lui, c'est qu'elle avait pour objet quelque chose ou quelqu'un d'extérieur à eux-mêmes et probablement au cadre de la classe. Il s'agissait donc d'un problème qu'elle ne pouvait pas résoudre, sinon, en fille intelligente, elle ne ferait pas appel à lui. Cela ne concernait évidemment pas non plus les adultes. Qu'est-ce qu'il avait, lui Valentin, de plus que les autres de la classe ?
La réponse lui apparut, évidente, lumineuse. Ses bons copains avaient ébruité les affaires apparemment compliquées qu'il avait résolues et son aura avait dépassé les limites de leur petit cercle. Mathilde devait être au courant d'un problème et allait lui demander de l'aider à le résoudre. Satisfait de ses déductions, Valentin rejoignit ses amis Agil, Olive, Flo et Bouboule qui ne lui épargnèrent pas les quolibets :
— Encore amoureux Val ?
— Océane va être furieuse !
— Il te les faut toutes !
— Tu ne choisis pas les plus moches !
Valentin haussa les épaules, négligea les remarques et leur dit :
— J'aurai probablement besoin de vous demain.
— D'accord mais pourquoi faire ? demanda Gilles, appuyé par les regards interrogateurs des autres.
— Demain ! fut la brève réponse.