VALENTIN ET SES COPAINS

29. LA REMPLAÇANTE

Mathilde, avec la permission de mademoiselle Fontaine professeure remplaçante de STV, s'installa derrière le bureau professoral et commença son compte-rendu.
— Le conseil de classe a eu lieu hier de dix huit à dix neuf heures dans la salle de documentation.
Les professeurs étaient tous là à l'exception de monsieur Jobard lequel est en stage. Il y avait un seul représentant des parents d'élèves, madame Marchand.
— C'est une affaire de famille ! s'exclama Tony.
— Si ma mère est seule représentante des parents d'élèves, c'est parce que les tiens n'ont pas voulu se dévouer ! riposta Mathilde...
— Toi, tu ne dis pas de mal de mes parents sinon...
— Sinon quoi ? intervint Valentin.
— ...
— Continue Mathilde, encouragea mademoiselle Fontaine.
— Chaque professeur a donné un avis général sur la classe et ils sont tombés d'accord pour dire qu'il y a une excellente tête de classe, un ensemble plutôt bon et malheureusement quelques perturbateurs.
— C'est pour moi qu'ils ont dit ça ? questionna Tony furieux.
— Je vois que tu t'es tout de suite reconnu, mais tu n'es pas le seul. Comme il n'y a que deux élèves qui n'ont pas la moyenne générale mais qu'ils en sont assez proches, le conseil n'a pas proposé de redoublement. Nous passons donc tous en quatrième sans qu'il soit besoin de faire appel.
Une ola de satisfaction parcourut la classe. Mathilde laissa passer l'agitation avant de reprendre en forçant un peu la voix :
— Le conseil de classe a néanmoins recommandé à ceux qui n'ont pas la moyenne ainsi qu'à ceux qui en sont proches de réviser pendant les vacances afin de ne pas être distancés dès la prochaine rentrée. Voilà, c'est tout.
— Merci Mathilde, tu peux retourner à ta place. Nous allons reprendre le cours de monsieur Jobard là où il en était resté. Qui peut me dire où vous en étiez du programme ?
Tony Thénard leva la main.
— Oui, Tony ?
— Moi je peux le dire.
— Alors je t'écoute.
— Je peux mais je n'en ai pas envie alors je ne le dirai pas.
— Très drôle ! Tu cherches une punition Tony ?
— On est fin juin, y a plus de colle ! jubila l'intéressé.
— Tu peux toujours aller chez le principal avec un mot à ramener signé, cela te tente ?
— Pourquoi ? J'ai rien fait.
— Alors continue à ne rien faire et surtout à ne pas parler.
Valentin leva la main.
— Oui Valentin.
— Nous avions juste fini le programme et monsieur Jobard...
— Jocrisse ! fit Clébar.
— ... voulait que nous revoyions le système respiratoire et les échanges gazeux au niveau des poumons.
— Idiot, connard ! commenta Thénardier en cachant sa bouche avec ses mains.
— Je t'ai entendu Tony, tu viens de dire « idiot et connard » à mon propos. Sache que «  passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet », répliqua Valentin avec un sourire narquois. C'est une citation de... de...
— Georges Courteline, un romancier français de la fin du dix neuvième siècle et du début du vingtième, intervint la professeure. Maintenant stop ! On arrête les disputes et on se met au travail.
— Quel con ! commenta Clébar à voix basse.
— Continue Clément, je savoure !
— Moi, je veux travailler, intervint Gilles. Que tous ceux qui sont contre lèvent la main !
Aucun opposant n'osa se manifester. Valentin regarda son ami d'un air complice, sa méthode avait une fois de plus fonctionné.
— Bien, qui peut me dire ce qui se passe au niveau des alvéoles du poumon lorsque vous respirez ? commença mademoiselle Fontaine.
— Le dioxygène passe à travers la paroi des alvéoles pulmonaires et il est capturé par les globules rouges des petites artères, récita Marion.
— C'est bien mais ce n'est pas tout.
— Le dioxyde de carbone fait le trajet inverse, compléta Benjamin.
— Exact. Pour fonctionner votre corps a besoin de carburant fourni par les aliments et de dioxygène qui se trouve dans l'air que vous respirez. C'est comme un moteur de voiture, il lui faut de l'essence et du dioxygène. Sans le dioxygène de l'air l'essence ne peut pas s'enflammer et un moteur ne peut pas tourner. Comme un moteur rejette des gaz d'échappement, votre corps rejette du dioxyde de carbone. C'est ce qui se passe au niveau de vos poumons, je vous fais le schéma au tableau.
Ici la veinule qui conduit le sang chargé de dioxyde de carbone arrive au contact de l'alvéole qui en quelque sorte « aspire » le gaz et en même temps le sang récupère le dioxygène du poumon et repart par l'artériole dans la circulation générale. Cet échange est vital, sans lui, vous êtes mort !
— Madame, questionna Quentin, est-ce que ce sont les seules choses qui sont échangées ?
— Tu as raison de poser la question, non, ce ne sont pas les seuls échanges qui se passent à ce niveau. Vous avez déjà entendu parler d'alcootest, de souffler dans le ballon ?
— Ouais, mon vieux s'est fait coincer à cause de ça ! s'exclama Morgane, déclenchant un rire général.
— Quand quelqu'un ingurgite une boisson alcoolisée, l'alcool passe dans le sang. Une partie est transformée par le foie et l'autre s'échappe par les poumons, ce qui fait qu'en soufflant l'air des poumons dans le ballon, on peut savoir si vous avez bu de l'alcool. L'échange s'est fait du sang vers le poumon, mais dans de nombreux cas, c'est l'inverse : du poumon vers le sang. Par exemple quand quelqu'un fume...
— Comme Clément par exemple, osa dire Bouboule.
— Toi ta gueule ou gare à tes lunettes, riposta l'intéressé.
— Du calme ! La fumée de cigarette contient des tas de produits toxiques qui passent dans le sang comme la nicotine, le monoyde de carbone qui tue des globules rouges. Respirer certaines drogues peut également nuire gravement à votre santé.
— Oui, la gendarmerie nous en a parlé quand ils ont fait une conférence, expliqua Lucie.
— Vous avez retenu ça, c'est très bien. À l'inverse, certains produits bénéfiques peuvent passer de la même manière, comme les huiles essentielles que l'on peut respirer pour se soigner. Les poumons sont un lieu d'échange fondamental entre votre corps et l'air extérieur. Est-ce que quelqu'un pense à un autre produit qui s'échange par les poumons ?
— L'odeur d'ail ! dit sérieusement Quentin ce qui déclencha à nouveau un grand rire dans la classe.
— Ce n'est pas idiot du tout ce que dit Quentin dans la mesure où une odeur se compose de très très fines particules qui s'échangent comme le dioxygène au niveau des poumons.
— Ah, hein ! reprit Quentin rasséréné.
— Pensez-vous à autre chose ?
— De l'eau, proposa Valentin.
— Ha ha ha , de l'eau ! s'esclaffa Tony.
— Peux-tu expliquer à tes camarades sceptiques ?
— En hiver, quand on respire, on rejette de la vapeur, tout le monde a déjà pu le constater.
— Oui mais en été, tu peux le prouver ? tenta Romuald.
— Quand nous sommes partis en stage découverte et que le chauffeur du car a eu un malaise, à la demande de monsieur Doucet, j'ai pu voir qu'il respirait encore en mettant la glace de mon iPhone devant sa bouche. Vous pouvez essayer, la vitre se recouvre de buée.
Une dizaine de smartphones sortirent des poches pour tenter l'expérience.
— Mince, c'est vrai ! s'écria Pauline, tu as fait ça avec le chauffeur ? Tu ne nous l'as jamais dit !
— Valentin ne se vante pas de ce qu'il fait, contrairement à d'autres ici, appuya Gilles.
— Stop, c'est l'heure, vous pouvez sortir, dit la professeure éteignant du même coup la nouvelle dispute qui s'amorçait.
Au lieu de se précipiter comme les autres vers la sortie, Valentin retint ses amis simplement en disant leurs noms : Gilles, Flo, Olive, Bouboule, Quentin ! Ils laissèrent sortir les autres élèves de la classe. Quand ils furent seuls avec leur professeure, Valentin demanda :
— Comment va Asya mademoiselle ? En fait je pose la question mais je suis sûr qu'elle va bien car vous n'avez plus votre sourire triste.
— Elle va très bien, mais elle est devenue un peu peureuse.
— C'est comme mon Guzzy, appuya Pascal.
— Je ne vous ai pas assez remerciés de l'avoir sauvée.
— Ça a été une sacrée aventure ! On a délivré dix sept chats ce jour là, c'est ça notre récompense, commenta Gilles.
Valentin reprit :
— Mademoiselle, comme vous êtes trop gentille, Tony, Clément et quelques autres veulent faire du chahut dans vos cours. C'est la fin de l'année et ils ne craignent plus les punitions ; si vous n'arrivez plus à les supporter, dites-le nous, nous avons des moyens de pression efficaces.