VALENTIN ET SES COPAINS

30. DERNIER COURS

Pauline allongée sur le ventre dans l’herbe prématurément sèche de la pelouse du collège, menton calé dans le berceau de ses mains, discutait avec Valentin au milieu du cercle de ses amis.
— J’aimerais savoir comment tu fais pour toujours être dans les bons partout alors qu’on ne te voit jamais travailler. Tu as dix sept de moyenne sans rien faire alors que moi j’arrive péniblement à douze en travaillant tous les soirs. Tu ne bosses jamais tes cours ?
— Je n’ai pas besoin de le faire.
— Parce que tu as une mémoire extraordinaire ?
— Même pas.
— Alors dis-nous ton secret...
— Je suis un extra-terrestre !
— Sérieux Val.
— Sérieusement : je travaille moins parce que je travaille mieux.
— Comprends pas bien.
— C’est tout bête : j’apprends mes leçons pendant les cours.
— Et tu ne te fais jamais prendre ?
— Je veux dire que j’écoute intensément les cours en me concentrant à fond et à la sortie, je sais la leçon.
— Jamais de par cœur ?
— Si, mais rien que les choses essentielles : quelques formules par ci, quelques définitions par là, une date importante ou une citation intéressante quand c’est nécessaire, et voilà comment on passe pour un bon élève en travaillant moins que les autres. Avec ma méthode, je suis gagnant sur tous les plans.
— Tu as raison, tu es un extra-terrestre, personne ne fait comme ça.
— Libre aux autres de perdre leur temps libre. Marrante celle là non ?
Bouboule qui s’était rapproché de Valentin changea le sujet de la conversation.
— Tu sais Val que Thénardier, Clébar, Romuald et leurs suiveurs ont décidé de pourrir la prof de sciences pour son dernier cours ?
— Ils veulent faire pleurer la Fontaine ! s’amusa Gilles.
— Tu as l’esprit agile Gilles ! dit en souriant Valentin.
— Ha ha ha, hyperdrôle. Mais nous n’allons pas les laisser faire tout de même !
— Que vont-ils essayer de lui faire ? enchaîna Valentin.
— Du chahut, des lancers de projectiles divers dès qu’elle aura le dos tourné, des remarques imbéciles, des grossièretés pour la faire rougir, fumer en classe, toute leur panoplie débile quoi ! énuméra Bouboule.
— Si on leur dit encore de fermer leurs gueules, on aura le mauvais rôle surtout pour le dernier cours, affirma Florian. Personne n’aura envie de travailler à ce moment là, moi le premier.
— Ce n’est pas une raison pour laisser humilier cette gentille prof, intervint Mathilde.
— Il faut les prendre de court, imagina Olivier.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? s’étonna Quentin.
— Je veux dire que si on les attaque les premiers, ils ne penseront qu’à se défendre et oublieront le reste. Ce qui serait bien c’est que chacun de nous trouve un truc pour les embêter.
— Tu deviens un fin tacticien, Olivier, complimenta Valentin. Pour gagner une guerre, il faut tuer le chef. Le meneur, c’est toujours le Thénardier, c’est lui qu’il faut attaquer.
— Dites voir les amis, si on s’occupe ouvertement du Thénardier en classe, c’est nous qui allons devenir les perturbateurs et embêter mademoiselle Fontaine, raisonna Pascal.
— Tu as raison Bouboule, concéda Gilles, il faut qu’on la mette dans le coup. Qui est le mieux placé pour ça ? dit-il en se tournant vers Valentin.
— Vous voulez que je lui parle, que je l'avertisse que nous allons faire du chahut mais que ce n'est pas contre elle ? Je pense que ce n'est pas une bonne idée, ce serait la rendre complice d'une attaque contre l'un de ses élèves, elle ne pourrait pas accepter un tel marché.
— Alors qu'est-ce que tu proposes ? fit Gilles douché.
— D'abord que chacun de nous avance une idée, ensuite nous déciderons.
— On colle à la super-glu des punaises sur sa chaise ! jubila Bouboule.
— Ou on met directement la super-glu sur son siège ! corrigea Quentin. Lui qui se lève tout le temps, il sera obligé de se balader avec une chaise aux fesses ou d'enlever son froc !
— Ce serait en effet cocasse mais imaginez qu'ensuite ses parents portent plainte parce que son vêtement est inutilisable !
— Que quelqu'un passe en douce à quatre pattes par derrière et attache un de ses pieds à sa chaise ? proposa Pauline.
— Oui mais qui ? interrogea Eva la timide.
— Ou alors on vole son cartable et on balance ses cahiers par la fenêtre, suggéra Lucie.
— Ses cahiers, il s'en fout, je crois que tu lui rendrais plutôt service, objecta Florian. Moi je propose que j'aille au parking deux roues du collège et que je dégonfle les pneus de sa nouvelle mob. Je suis spécialiste du dégonflage, hein Val ?
— Pourtant tu n'es pas un dégonflé, s'amusa Bouboule.
— Ça le rendrait furieux à la sortie mais ça ne le calmerait pas en cours, commenta Mathilde.
— Mettre des revues cochonnes dans son sac et s'arranger pour le faire découvrir par la prof, imagina Olivier.
— Et faire circuler des papiers disant qu'il a un tout petit zizi, cela ferait rire à ses dépens, rougit Lucie.
— Rédiger plein de messages d'amour, chacun signé par une fille différente de la classe et lui faire passer, pensa tout haut Mathilde, il se poserait plein de questions et ne penserait pas à autre chose, ce gros macho. Et à la fin, on se moquerait tous de lui !
— Quel est ton avis Valentin ?
— Toutes vos propositions sont marrantes et seraient sûrement efficaces. J'y vois quand même un inconvénient majeur : elles créeraient du désordre ou du chahut. Les autres profs savent se défendre mais c'est ce que nous voulons éviter avec mademoiselle Fontaine.
— Tu as une meilleure idée ? fit Gilles déçu.
— Je crois beaucoup à la dissuasion. Je propose : un, la technique de l'encerclement : que nous ne lui laissions comme possibilité de s'asseoir qu'entre nous par exemple Florian derrière lui, moi à droite, Olivier à gauche et Quentin devant. Pour ce faire, il faut s'arranger pour qu'il entre en dernier. Éloigné de ses fidèles, il sera beaucoup moins conforté dans ses bêtises.
— S'il prend quand même une autre place, qu'est-ce qu'on fait ? s'inquiéta Florian.
— Nous virons ses voisins et prenons leurs places, ajouta calmement Valentin.
— Cela fera du chahut ! observa Bouboule, logique.
— Oui, mais ce sera en début d'heure. Il y a toujours du bruit quand tout le monde s'installe.
— Et Gilles, Pascal et nous les filles, qu'est-ce qu'on fait, on compte pour du beurre ? fit Pauline déçue.
— Mais non, Pauline, vous constituerez un deuxième cercle autour de nous.
— Et si le placement que tu imagines échoue ? objecta Gilles.
— Deuxième technique, la menace. D'abord la menace légère, filmons-le pendant ses tentatives de chahut et prévenons-le que c'est un reportage pour la fête de fin d'année du collège.
— Il y a le risque qu'il soit fier de ses conneries et qu'il en rajoute ! commenta Florian.
— Alors l'artillerie lourde ! Je repique sur DVD le film de la récupération du porte-monnaie de Lucie et de mon iPhone volé et je le menace de demander à la prof de passer la vidéo en classe.
— Voilà qui devrait le calmer en effet, admit Gilles. En résumé, je suis pour la proposition de Lucie et celle de Mathilde avec en plus l'essai d'encerclement et les vidéos. Qui est contre ?
— Bien joué Gilles, répondit Valentin en constatant qu'aucune main ne s'était levée.