« Les voilà m'sieur ! » cria Bouboule au prof de gym.
— Ouf, ils sont vivants ! osa dire Eva la timide.
— Où étiez-vous ? On s'est fait un sang d'encre ! reprocha Florian.
— Vous nous avez fait très peur tous les deux, appuya Gilles.
Valentin leva les deux mains et sourit :
— Du calme, tout va bien, nous nous sommes juste mis à l'abri pendant l'orage car nous étions trop loin pour revenir à temps.
— Dites-donc, vous sentez le jambon fumé tous les deux ! remarqua Bouboule moqueur.
— C'est à cause des aborigènes, sourit Pauline.
— Vous avez vu des arborigènes ? C'est quoi ça d'abord ? s'étonna Olivier.
— Des A-borigènes ! Des gens qui font du feu en frottant deux bouts de bois, expliqua Pauline.
Valentin, silencieux, un petit sourire ironique au coin de la bouche, décida de laisser la gloire des explications à son amie.
— Tu peux être plus claire, on ne comprend rien ! exigea Mathilde.
Les professeurs, silencieux et pédagogues, visiblement soulagés, laissaient les adolescents s'expliquer sans intervenir.
— Bon, nous étions à un peu plus d'un kilomètre d'ici, nous longions la falaise du Roc quand l'orage nous a surpris. En moins de dix secondes nous étions trempés...
— Tu racontes des bobards, vos cheveux et vos habits sont secs ! objecta Romuald.
Pauline, sans tenir compte de l'intervention malveillante, continua :
— Nous avons alors décidé de redescendre en suivant le bas de la falaise pour éviter la foudre et nous avons trouvé une grotte dans la paroi, alors nous nous sommes mis à l'abri. L'orage était vraiment très fort, deux fois nous avons vu la boule de feu frapper des rochers tout près de nous, la pluie était démente.
— Vous avez rudement bien fait de vous abriter, commenta Olivier, c'est vachement dangereux l'orage, vous auriez pu être foudroyés.
— Dans la grotte il y avait un reste d'ancien feu, un tas d'herbes sèches, du vieux bois très sec, des chiffons. Nous avons alors décidé de faire du feu pour nous sécher mais nous n'avions pas d'allumettes. Valentin à réussi à faire de la poudre de charbon de bois avec les vieux tisons pas complètement brûlés et à l'enflammer en frottant un bâton bien sec sur un bout de vieille planche.
— Ah la rigolade ! s'esclaffa Tony. Faire du feu en frottant du bois ! Tu nous prends pour des demeurés la mogotte !
— Parfaitement monsieur l'incrédule, Valentin à réussi à faire du feu comme le font les sauvages d'Australie.
Valentin intervint :
— Les Aborigènes ne sont pas des sauvages, ce sont des hommes avec des traditions différentes des nôtres, ils ont été les premiers habitants de l'Australie et savent faire beaucoup de choses que nous ignorons. Continue Pauline.
— Donc nous avons pu faire du feu, nous sécher et attendre la fin de la tempête. Et voilà !
— Je ne crois pas un mot de ton histoire, décida Amandine.
— Qu'est-ce que tu paries que tout ça est vrai ?
— Cinq euros ! Mais tu ne pourras pas le prouver.
— On ne parie pas d'argent ! intervint madame Chevallier.
— Alors trois paquets de chewing-gum.
— Tenu, se réjouit Pauline. Valentin s'il te plaît, prête ton portable à madame Chevallier. Madame, pouvez-vous regarder les photos et leur dire la vérité ?
La professeure d'histoire géographie acquiesça d'un hochement de tête, pris le portable que lui tendait Valentin et fit un a un défiler les clichés en commentant :
— Superbe « Cypripedium calceolus », c'est le vrai nom du Sabot de Vénus, la plus belle des fleurs sauvages de Savoie. Valentin devant un rocher. Un portrait de Pauline cheveux au vent. Un paysage de montagne. Oh, vous avez réussi à prendre un éclair, très bien.
De l'index, la professeure fit défiler les photos suivantes sans commenter, revint en arrière, recommença avec une expression étonnée et admirative.
— Valentin, tu as réussi quelque chose que je n'aurais pas cru possible. Tu as effectivement réussi à faire du feu à la manière aborigène. C'est vraiment extraordinaire ! Il faudra que tu nous montres comment faire. Pauline avait raison Amandine, je crois bien qu'elle vient de gagner quelques paquets de chewing-gum. Garde précieusement ce reportage, Valentin, nous essayerons d'exposer tes photos quand nous serons de retour au collège. Toutes mes félicitations pour ta débrouillardise.
— Viens voir Amandine, dit Valentin après avoir récupéré son iPhone, Pauline a fait le reportage de la technique aborigène, la poudre de charbon de bois, la planche creusée, le bâton de frottement et le plus important, l'arc ou l'archet destiné à faire tourner le bâton. Là, après plusieurs minutes, la poudre commence à fumer. Pauline a ensuite mis un peu d'herbes sèches dessus et en soufflant doucement, elles se sont enflammées. Quelques chewing-gums pour apprendre tout ça, ce n'est pas trop cher, n'est-ce pas ?
Sans un mot, Amandine retourna vers ses copains habituels, Tony, Clément, Romuald et Morgane.
— Il est temps de passer à table, intervint monsieur Doucet. Au menu, des pâtes à la bolognaise trop cuites ! Heu, Valentin, je veux te voir après le repas.
— Pas de problème monsieur.
Les élèves s'installèrent. Tous leurs amis voulurent voir les photos de Pauline, le portable passa de main en main. Quand Tony voulu le saisir, Valentin se leva et reprit son iPhone.
— Stop ! Toi tu n'y touches pas. Je n'ai pas oublié ce que tu as fait à Lucie avec ce même téléphone, ce que tu as voulu me faire ensuite par deux fois, sans compter que tu serais capable d'effacer le dossier.
— La confiance règne ! bougonna Thénardier.
— Non, elle ne règne pas avec tout le monde. Mais tu as le droit de voir les photos comme les autres. Je vous les montre comme cela à toi et tes copains, dit-il en levant l'appareil et en faisant défiler les clichés. C'est bon ? Vous avez vu ? Alors je mange, j'ai trop faim, conclut-il en rangeant son appareil.
— Valentin, comment se peut-il que frotter deux bouts de bois fasse du feu ? questionna Lucie.
— Avec ton index, frotte très fort et très longtemps la table devant toi et dis-moi ce qui se passe.
La jeune fille sceptique s'exécuta.
— Plus vite, plus fort, appuie plus ton doigt, tu ne sens rien ?
— Si, ça chauffe un peu.
— Plus tu vas vite et fort, plus ça frotte et plus ça chauffe. Tu vois que les aborigènes qui ont su utiliser ce principe ne sont pas bêtes.
— Ça va plus vite avec une allumette, ricana Clément.
— Si tu n'as pas d'allumettes ni de briquet, comment tu fais dans un cas comme celui-là ? contra Mathilde. Tu dis des bêtises parce que tu n'es pas aussi malin que Valentin et que tu es jaloux.
— Ça va pas ! Jaloux de qui d'abord ?
— De Pauline pardi. Parce qu'elle a préféré faire la sortie avec Val plutôt qu'avec toi.
— Je m'en fous de Pauline.
— Alors pourquoi tu es toujours à la regarder en bavant avec des yeux de merlan frit, rigola Mathilde.
— Fais gaffe à c'que tu dis, toi la fayotte.
Valentin se leva et pointa son index vers Clément Barilla.
— Toi Clébar, si tu insultes mes amis, c'est comme si tu m'insultais personnellement et c'est à moi que tu auras à faire. Compris ?
— Parce que la Mathilde ne fait pas de la lèche à tous les profs peut-être !
— Mathilde fait très bien son travail de déléguée si c'est à ça que tu penses. Ce n'est pas faire de la lèche comme tu le dis mais c'est se dévouer pour nous les élèves de la classe, toi y compris. Réfléchis un peu si tu en es capable, quel avantage tire-t-elle de son poste de déléguée ? Rien ! Sinon les critiques de mecs comme toi et tes potes. Si ce que je fais, si ce qu'elle fait ne te convient pas, il y a deux façons de régler le problème, un : l'intelligence et la discussion, deux : la force et la bagarre. Dans les deux cas je suis ton homme !
— Calme-toi, je ne t'ai pas cherché, toi !
— Alors tu évites tes remarques blessantes ! Tu nous ignores et tout ira bien. En ce qui me concerne, l'incident est clos.
— Viens Valentin, faisons quelques pas ensemble, dit monsieur Doucet. Tout d'abord bravo pour ta technique de feu, tu nous as tous épatés. Vous êtes restés combien de temps dans la grotte ?
— Une heure peut-être, mais impossible de vous prévenir, il n'y avait pas de réseau.
— Nous avons bien pensé que vous vous étiez abrités. Qu'est-ce que vous avez fait une fois à l'abri ?
— Comme l'a dit Pauline, nous étions trempés et commencions à avoir froid, alors j'ai décidé de faire du feu. Ce n'est pas si facile que ça.
— Je n'en doute pas, ça t'a pris longtemps ?
— Avec les préparatifs, un quart d'heure ou vingt minutes, je n'ai pas chronométré, répondit Valentin avec un demi-sourire.
— Et ensuite, qu'avez-vous fait ?
— Nous nous sommes assis devant le feu pour nous réchauffer.
— Vous avez laissé vos habits sécher sur vous ?
— Non, j'ai confectionné un étendage.
— Vous vous êtes déshabillés ?
— J'ai enlevé ma chemisette pour la mettre sur le fil.
— Et Pauline ?
— Elle a fait sécher son tee-shirt.
— Et puis ?
— Nous nous sommes assis devant le feu, c'était agréable, surtout avec la tempête dehors.
— Elle avait peur ? Tu l'as réconfortée ?
— Pauline est solide dans sa tête, je n'ai pas eu besoin.
— Je veux dire, tu l'as tenue contre toi ?
— J'ai mis mon bras sur ses épaules.
— Et c'est tout ?
— Écoutez monsieur Doucet, si vous voulez savoir si nous nous sommes comportés comme... comme des amoureux, la réponse est non. J'aime beaucoup Pauline, elle m'aime bien aussi et... c'est tout. Donc je pense que votre questionnaire va s'arrêter là.
— Tu es subtil pour un garçon de...
— Treize ans et deux mois. Je suppose que madame Chevallier va questionner Pauline ?
— Je crois que ce ne sera pas nécessaire, Valentin.