VALENTIN DÉTECTIVE

1. FIN DE VACANCES

Une tache mauve dans l’herbe tapissant çà et là le sol à l’orée du petit bois attira l’attention de Valentin. Il stoppa son VTT qu’il appuya contre le tronc d’un chêne et fit les quelques pas le séparant de l’objet de sa curiosité. S’accroupissant, il écarta quelques brins et, à la fois mélancolique et ravi, contempla la délicatesse du premier colchique de l’année. Les paroles de la célèbre comptine s’imposèrent immédiatement dans sa tête :
Colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent,
Colchiques dans les prés, c’est la fin de l’été…

« Eh oui, c’est la rentrée dans deux jours » soupira-t-il. Il sortit son smartphone pour photographier la jolie fleur mauve nuancée de rose.
— Oh, c’est toi Valentin ? fit une agréable voix féminine.
L’adolescent tourna la tête et leva les yeux : une jeune fille en brassière couleur prune et collant de sport vert foncé trottinait sur place à côté de lui, à son bras un téléphone portable dans son étui de toile. Ses cheveux longs, d’un roux acajou, maintenus en queue de cheval par un chouchou assorti à sa brassière, oscillaient en cadence à droite et à gauche, sa jeune poitrine encore menue montait et descendait au rythme de ses foulées.
— Amandine ! Charmant tableau. Tu t’es convertie à l’athlétisme ?
— Pour cette rentrée j’ai décidé de maigrir un peu. Tu ne trouves pas que j’ai pris des fesses pendant les vacances ?
— Heu, quand je regarde quelqu’un, c’est plutôt dans les yeux.
— Si, regarde !
Toujours trottinant sur place, Amandine fit un tour complet sur elle-même.
— Alors ?
— Alors tu es en train de devenir une femme, c’est naturel.
— Oui, ben si c’est pour ressembler à ma mère, voire à ma sœur, non merci. J’ai décidé de faire un circuit d’au moins trois kilomètres chaque jour.
— C’est une excellente résolution, comme ça tu vas garder ta forme, heu je veux dire…
— Oui, merci, j’ai compris. Et toi, que fais-tu ?
— Dans le même esprit que toi, je roule une douzaine de kilomètres à vélo par jour pour m’oxygéner.
— Tu m’accompagnes un petit bout ?
— Démarre, je te rattrape. Tu prends quel chemin ? ajouta-t-il quand il l’eut rejointe.
— Je continue le petit bois jusqu’à la prairie du camp scout que je traverse pour arriver à la plage, là je tourne à gauche le long du lac puis je remonte par la digue aux platanes, ensuite j’emprunte la petite route à travers les pâturages et, arrivée à la piste cyclable, je reviens vers le centre-ville.
— OK, je t’accompagne. Tu fais toujours le même circuit ?
— Pas tout à fait, j’ai plusieurs itinéraires mais je passe souvent par le parcours de santé. Je fais entre trois et cinq kilomètres par jour. J’ai une application sur mon portable pour contrôler. Alors, tu es prêt pour la rentrée ?
— J’ai toutes les fournitures que demande le collège si c’est ce que tu veux dire et je suis super content de bientôt retrouver tous les amis.
— Ça va être une année plus difficile, avec le brevet à passer.
— Pas tant que ça. J’ai cherché sur internet les taux de réussite à l’examen : quatre-vingt-huit pour cent au plan national, autrement dit quasi neuf reçus sur dix, donc dans notre classe il n’y en a que deux ou trois qui risquent d’échouer et, à mon avis, en travaillant normalement, aucun dans notre groupe.
— Ça serait super. Tu as des nouvelles récentes des copains ?
— Pas depuis notre réunion chez Charly.
— Il est devenu sympa Charly, hein ?
— Sympa, disponible et généreux.
— À quelle heure on rentre lundi ?
— Quatorze heures, en même temps que les quatrièmes. Le matin à huit heures ce sont les sixièmes puis les cinquièmes à dix heures.
— Sais-tu s’il y a des changements chez les profs ?
— Probablement en SVT, mais pour les autres matières, ignorance totale. Bon, nous arrivons à la voie verte, je peux te laisser rentrer seule ?
— Oui papa, je suis une grande fille maintenant ! Allez, salut Val, à lundi !