VALENTIN DÉTECTIVE

11. UN NOUVEAU TÉMOIGNAGE

Restés seuls, Charly et Valentin demeurèrent quelques minutes sans dire un mot. Valentin réfléchissait intensément. Son esprit logique butait contre la chronologie des faits. Il finit par dire à Charles-Henri :
— Dis-moi Charly, qu’est-ce qui peut faire qu’on tombe évanoui selon toi ?
— Le KO du boxeur par exemple.
— Cela suppose qu’on reçoive un coup violent.
— Amandine a été bousculée, nous ont dit Pauline et Quentin.
— Oui mais elle a aussitôt protesté, donc elle était consciente.
— Un malaise alors ?
— Tu connais Amandine aussi bien que moi, elle n’est ni molle, ni maladive, ni chochotte. Elle a de la répartie et de la réaction. Ce n’est pas le genre à se laisser aller. Non, à mon avis c’est autre chose.
— À quoi penses-tu ?
— Je pense qu’elle a pu être droguée, mais je ne vois pas comment. Personne n’aurait pu la faire boire de force, elle aurait crié si fort qu’elle aurait ameuté tout le village.
— Alors c’est qu’elle a été volontairement assommée et kidnappée, fit Charly la mine sombre.
— Viens, nous allons demander dans le camping privé si quelqu’un a vu ou entendu quelque chose.

Le portail coulissant du camp était fermé mais non verrouillé. Valentin tira la poignée d’ouverture et pénétra à la suite de Charly dans l’enceinte privée. Non loin de l’entrée se trouvait une petite construction d’accueil. À l’intérieur, une dame brassait des papiers. Valentin se posta devant la fenêtre encore ouverte de ce local et attendit que la femme fasse attention à lui. Quand elle leva les yeux, il ôta sa casquette américaine pour la saluer.
— Bonsoir madame, je ne suis pas du camp mais je voudrais un renseignement si c’est possible.
— Oui, demande-moi.
— Voilà, mercredi vers cinq heures cinq heures et demie, une personne a été accidentée dans le bois juste de l’autre côté de la petite route. Cette personne est une amie à nous. Nous voudrions savoir si quelqu’un a vu ou entendu quelque chose.
— Écoutez les jeunes, le mieux est que vous alliez questionner les adhérents qui campent le long de la haie, juste après le terrain de boules. Entrez et si quelqu’un vous demande ce que vous faites ici, dites que la personne de jour vous a donné l’autorisation.
— Merci beaucoup madame, remercia Valentin appuyé par un sourire de Charly.
Le terrain était propret malgré l’herbe grillée par la sécheresse de l’été, les installations encore présentes dispersées. Le long de la haie stationnaient encore deux caravanes. Les occupants de l’une d’entre elles étaient occupés à replier un auvent. Les deux adolescents échangèrent un bref coup d’œil et abordèrent les vacanciers.
— Bonsoir madame, bonsoir monsieur, fit Charly, sans vouloir vous retarder dans vos occupations, pouvons-nous vous demander quelques renseignements ?
— C’est toujours un plaisir de renseigner des jeunes gens polis. Que désirez-vous savoir ?
Charly regarda Valentin qui enchaina.
— Je m’appelle Valentin et mon ami c’est Charles-Henri. Y a-t-il longtemps que vous campez sur cet emplacement ?
— Une quinzaine, pourquoi ? s’étonna l’homme.
— Il y a deux jours, mercredi donc, une amie à nous a eu un problème en faisant son jogging dans le bois juste de l’autre côté de la route par rapport à votre emplacement. Avez-vous été témoins de la scène ?
— Nous non, mais nos voisins nous ont effectivement parlé de cela.
— Sont-ils là en ce moment ?
— Non, mais je pense qu’ils ne vont pas tarder. Ah, tenez, c’est cette Peugeot 3008 qui passe le portail. Je vais vous présenter.
Le véhicule effectua quelques manœuvres afin de se positionner parfaitement sur l’emplacement déjà occupé par leur petite caravane. — Salut voisins, dit l’homme aux arrivants, j’ai là deux jeunes bien convenables qui veulent vous demander des renseignements, je vous les envoie.
— Bonjour, dit Charly avec son plus affable sourire, nous souhaiterions vous entretenir d’un évènement survenu mercredi dernier dans le bois voisin…
— Et bien, dit la femme, c’est dans votre collège qu’on vous a appris à vous exprimer comme ça ? Bravo. Donc vous voulez parler de ce que nous avons entendu ce jour-là vers dix-sept dix-huit heures ?
— C’est bien cela. D’abord, avez-vous pu voir quelque chose ?
— Regardez vous-même, la haie est dense, il est à peu près impossible de distinguer quoi que ce soit de l’autre côté.
— Mais vous avez entendu certaines choses, n’est-ce pas ?
— Oui, nous avons entendu une voix de jeune fille assez haut perchée s’exclamer : « Aïe, vous pourriez faire attention quand même ! » Je pense que la personne venait de se faire bousculer assez fortement. Quelques secondes plus tard, la même voix a crié : « Aïe, mais vous le faites exprès de bousculer les gens » et elle a ajouté comme quelqu’un qui a mal : « aïe…ssss, quelque chose m’a piqué les fesses ! » ce à quoi une voix d’homme a répondu : « Pardon, je vous ai poussé sans le vouloir contre un acacia épineux. » Voilà, c’est à peu près tout ce que je sais.
Valentin qui avait laissé Charly faire la conversation intervint alors.
— Pouvez-vous situer l’endroit exact de cette petite altercation ?
— Ça s’est passé exactement de l’autre côté de la route par rapport à notre emplacement.
— Merci infiniment pour ces renseignements monsieur et madame, bonne fin de vacances.
— Fin de vacances en effet, dit la femme avec un soupir, demain c’est la route vers Paris.

Sortis du camping, Charly et Valentin pénétrèrent dans le bois bien connu de ce dernier. Ils marchèrent jusqu’au lieu indiqué par les campeurs.
— Tu t’y connais en arbres ? Tu sais reconnaitre un acacia, questionna Charly ?
— Oui, Lucie qui est la meilleure de la classe en SVT m’a expliqué comment le reconnaitre et je peux t’assurer qu’il n’y en a pas un seul dans les environs proches !