Assis à l’arrière dans la 2008 Peugeot des parents de Marion, Pascal regardait par la vitre baissée de la portière arrière gauche, smartphone réglé sur appareil photo. Il avait déjà opéré une prise de vue tout en faisant la conversation avec son amie et les parents de celle-ci.
— Je trouve que Marion a bien récupéré de son accident, elle parle et marche normalement maintenant et commence même un peu à courir.
— C’est vrai ce que tu dis Pascal, répondit la maman. Aujourd’hui c’est son dernier contrôle de santé. Un grand merci à toi et à tes camarades pour votre rôle dans la recherche du coupable. Grace à vous, notre fille a été très bien indemnisée.
— Oui ben j’aurai préféré ne pas avoir d’accident, dit Marion avec véhémence.
— Et le bras de Théo va mieux aussi ? enchaina Bouboule en prenant une autre photo.
— Oui, ce n’est plus qu’un mauvais souvenir pour lui. Ce matin il est parti aux champignons avec son grand-père.
— Tant mieux et j’espère que le responsable de l’accident a été sévèrement puni.
— Il a écopé de plusieurs mois de prison avec sursis pour conduite dangereuse, défaut de maitrise de son véhicule, non-assistance à personne en danger, dissimulation de preuves et fausse déclaration à son assurance, énuméra le père de Marion. En plus, il doit s’acquitter d’une forte amende, il en a pour des mois à payer son inconséquence. Bien sûr son permis de conduire a été annulé et il ne pourra pas le repasser avant un an.
— C’est bien fait pour lui, décréta Pascal.
— Je n’en ai pas eu l’occasion, enchaina la maman de Marion, mais je voulais remercier tous les amis de ma fille, tous ceux qui sont venus la voir quand elle était hospitalisée. Le médecin a dit que ces visites ont eu un effet très positif sur sa récupération. Merci Pascal et transmets mes remerciements aux autres.
— Je le ferai, répondit Bouboule en déclenchant son appareil pour une troisième prise de vue. Pendant la visite médicale de Marion, je vous attendrai à la cafétéria, je sais où elle est.
— C’est entendu comme ça. Voilà, nous arrivons.
Pendant que Marion subissait ses contrôles, Bouboule se présenta à l’accueil. Se hissant sur la pointe des pieds pour se grandir, il présenta à l’hôtesse la photo de la disparue.
— Heu, bonjour. Ma copine là est dans quelle chambre ?
— Dites-moi plutôt son nom, jeune homme.
— Amandine Fontaine.
— Pour quelle raison a-t-elle été admise ?
— Un accident de sport.
— C’était quel jour ?
— Mercredi soir.
— Non, pas d’entrée sous ce nom-là ce jour-là.
— Ah… Elle a peut- être été conduite à l’hôpital de Genève, l’ambulance était suisse.
— Là mon garçon, je ne peux pas te renseigner, téléphone-leur.
— C’est ce que je vais faire, merci.
Un peu déçu bien que ne s’attendant pas à une réponse positive, Bouboule se dirigea vers la cafétéria et ses distributeurs de boisson. Il sortit son petit porte-monnaie de toile et compta minutieusement ses euros. Il glissa deux pièces dans une machine, choisit un soda puis alla s’installer près d’une fenêtre. Pendant la demi-heure que dura la consultation de Marion, il prit trois nouvelles photos d’ambulances. Aucune ne présentait de plaque suisse mais, s’était-il dit, une plaque peut se changer.
Sur la route du retour, alors que la 2008 roulait à cinquante kilomètres à l’heure sur l’avenue longeant la voie ferrée, une soudaine sirène deux tons toute proche le fit sursauter. Une ambulance, gyrophare tournant, exigea le passage et les doubla en catastrophe. Bouboule qui n’avait plus trop d’espoir fut un peu pris de court. Il réussit cependant à déclencher une prise de vue entre les sièges avant et à travers le pare-brise. Il lui sembla que sur la plaque d’immatriculation se trouvait la croix blanche sur fond rouge.
Arrivés devant leur immeuble à Saint Thomas du lac, Bouboule remercia les parents de Marion qui le remercièrent également. Au lieu de rentrer dans l’appartement de ses parents, il descendit dans le sous-sol, récupéra son VTT dans le garage à bicyclettes et fonça jusqu’à la maison de Valentin. Il était onze heures et demie.
Reçu dans la chambre de son ami, après un bref et inutile compte-rendu de sa matinée, il lui présenta les photos obtenues. La dernière prise de vue intéressa beaucoup Valentin. Il agrandit la photo au maximum des possibilités de l’appareil de son ami et fit glisser l’image de façon à en examiner tous les détails.
— Il semble bien qu’il s’agisse d’un véhicule Renault, non ? espéra Bouboule. En plus il est blanc. Malheureusement l’épaule de la maman de Marion empêche de voir l’immatriculation. J’ai été surpris tu comprends, je n’ai pas eu le temps de cadrer correctement. Il m’a semblé qu’il y avait du rouge sur la plaque mais je regardais l’écran alors je n’en suis pas sûr.
— Envoie-moi tout de suite cette photo par courriel, je vais voir si on distingue mieux les détails sur ma tablette.
Ayant récupéré le message de Bouboule, il amena le cliché à l’écran. L’image était un peu bancale, le véhicule photographié penchait sur la droite. Effectivement la plaque était masquée par le premier plan. Agrandissement au maximum, il fit glisser la photo sur la gauche. Quelques pixels de couleur rouge apparurent au-dessus de l’épaule gauche du chauffeur.
— Il est possible que ce soit l’ambulance que nous cherchons. Tu m’as dit qu’elle venait de la direction de Genève et roulait vers le centre-ville ? C’est étrange.
— Pourquoi ? Une ambulance va où on l’appelle, non ?
— Premièrement, ce n’est pas une vraie ambulance, donc je trouve bizarre qu’elle aille dans ce sens-là.
— Là je n’arrive pas à te suivre. Explique-moi.
— Hier soir, considérant que nous étions dans l’impasse, que le temps joue contre nous et surtout contre Amandine, je me suis décidé à dire à l’adjudant-chef Lemoine tout ce que nous avons appris. Il a aussitôt lancé une alerte enlèvement qui depuis passe en boucle sur les radios et chaines de télévision. Tous les véhicules d'aujourd'hui sont équipés d’une radio et les ravisseurs sont au courant, tu peux en être sûr. Si le véhicule revenait vers la ville, c’est probablement qu’il ne pouvait pas aller dans l’autre sens.
— Bizarre ta réflexion. Une voiture peut aller ou elle veut, non ?
— Lemoine a fait installer des contrôles sur toutes les routes autour de la ville, en particulier sur celles qui vont vers la Suisse. Le chauffeur a été averti qu’il y avait un barrage de gendarmerie sur son chemin et il a fait demi-tour.
— Tu crois que les ravisseurs ont des complices qui les ont prévenus ?
— Non, pas nécessairement. Mes grands-parents quand ils voyagent utilisent une application de guidage sur smartphone. Les utilisateurs de cette application interagissent et peuvent signaler les contrôles de police ou de gendarmerie. Tous les automobilistes qui utilisent ce système et qui empruntent le même itinéraire sont avertis en temps réel. Si les ravisseurs possèdent ce genre d’application, et c’est fort probable, ils ont été avertis et ont pu faire demi-tour avant d’être contrôlés. Dans ce cas, ils sont encore en ville. Je préviens tout de suite Lemoine.
Joignant l’action à la parole, Valentin lança l’application de courrier électronique de sa tablette et tapa :
Mon adjudant-chef,
Selon toutes probabilités, l’ambulance que vous recherchez est encore en ville. Explications :
Mon ami Pascal a pu prendre la photographie jointe à ce message alors qu’il revenait de l’hôpital en voiture par l’avenue qui longe la voie de chemin de fer. Il semble bien qu’il s’agisse d’un véhicule Renault blanc aménagé en ambulance (gyrophare). Sur ce cliché on ne peut voir que le sommet gauche de la plaque d’immatriculation mais un fort agrandissement permet de distinguer un peu de rouge, ce qui pourrait correspondre au blason suisse.
Nous espérons que ce renseignement vous sera utile et que vous allez très vite retrouver notre amie Amandine en bonne santé.
Votre dévoué,
Valentin
Voilà, je mets ta photo en insertion et j’envoie. Maintenant, je vais écrire en WhatsApp à tous les amis pour leur expliquer. Je propose que nous nous retrouvions tous ici chez moi en tout début d’après-midi, disons vers treize heures trente. Nous discuterons des actions que nous pouvons encore mener. Ça te va Bouboule ? Alors à tout à l’heure et merci pour ce que tu as fait.