VALENTIN DÉTECTIVE

17. LE DOCTEUR DUNANT

La voiture de l’adjudant-chef Lemoine se gara sur le parking privé de la gendarmerie.
— Vous nous emmenez où ? s’étonna Gilles qui connaissait bien les lieux.
— Chez moi. Ce sera plus confortable et peut-être moins impressionnant pour vous trois.
Le logement de l’adjudant-chef situé au premier étage du petit immeuble était composé d’un séjour, d’un bureau et de deux chambres. Après avoir saisi une chaise du séjour, le gendarme fit entrer les trois adolescents dans le bureau.
— Voilà, asseyez-vous tous les trois. Le temps d’un coup de téléphone… « Dufournet ? Le docteur est-il arrivé ? Accompagnez-là chez moi. Oui, dans mon appartement, qui a-t-il d’extraordinaire à cela ? Non, pas de procès-verbal pour l’instant. »
Amandine, je vais récupérer le plaid que tu as encore sur les épaules pour le confier à notre cellule scientifique. Peut-être y trouveront-ils des indices sur tes ravisseurs.
— Comme quoi ? demanda Gilles.
— Des traces d’ADN. C’est pour les différencier des tiennes Amandine que je vais demander à la doctoresse de te faire un petit prélèvement dans la bouche. Ça ne fait pas mal du tout. Ah, entrez docteur. Mon subordonné vous a mise au courant ?
— Oui, parfaitement. Qui est la personne à examiner ? Vous ? Bien. Commandant, y a-t-il une chambre où je pourrais faire tranquillement mes examens sur cette charmante jeune fille ?
Conduits dans la chambre d’amis de l’appartement par l’adjudant-chef, la doctoresse mit rapidement Amandine à l’aise.
— Comment vous appelez-vous mademoiselle ?
— Amandine Fontaine.
— Moi c’est Claire Dunant, je suis pédiatre, médecin pour enfants et adolescents. J’ai été réquisitionnée pour t’examiner car tu as été enlevée et tu ne te souviens de rien, c’est bien ça ? Peux-tu me raconter ce qui te reste en mémoire ?
— J’étais en train de faire mon jogging, c’était mercredi après-midi, j’ai été bousculée par deux hommes, j’ai senti une piqûre à la fesse gauche et puis c’est le trou noir jusqu’à ce que je me réveille dans une ambulance. J’ai pu me détacher et m’enfuir lors d’un arrêt, c’est tout.
— D’accord. Plus de deux jours sans aucun souvenir. Il faut d’abord que je sache si tes ravisseurs t’ont fait du mal. Tu veux bien te déshabiller ? Oui, complètement, c’est nécessaire pour que je voie si tu as des traces de coups, des ecchymoses, des bleus… Tu as des meurtrissures aux bras. Visiblement u as été attachée…
— Oui, quand je me suis réveillée, j’étais sur une sorte de lit, bloquée par une sangle. J’ai forcé sur mes bras pour les libérer et me détacher.
— Tu as des traces de piqûres au creux de ton bras gauche. Il faut que je te fasse une prise de sang pour savoir ce qu’on t’a injecté. A priori, je penche pour de l’acide gamma hydroxybutirique.
— Hein ? Qu’est-ce que c’est ?
— C’est un produit plus connu sous son sigle, le GHB. Il a des propriétés sédatives et amnésiantes, autrement dit calmantes et qui effacent les souvenirs. L’ennui, c’est que cette saloperie ne laisse pas de traces, mais cette absence de trace est en soi une signature.
— Ah oui, le GHB, je me rappelle, il y a deux ans nous avons eu une conférence sur les dangers des drogues et on nous a parlé du GHB qui serait la drogue du violeur, vous pensez que j’ai été…
— Je vais vite le savoir, allonge-toi sur le lit, écarte… Bon, il me semble que non. Je vais faire un prélèvement vaginal, rassure-toi, cela ne va pas te faire mal… Voilà… c’est fait. Ils veulent aussi un échantillon de ton ADN. Cette fois, c’est dans la bouche que cela se passe mais c’est tout aussi indolore. Peux-tu me dire si tu as en ce moment des sensations bizarres, inhabituelles ?
— J’ai l’impression très désagréable que ma vie maintenant est différente de celle d’avant, que je ne suis plus vraiment moi.
— Avec l’amnésie rétrograde que tu présentes, je veux dire le trou dans tes souvenirs, c’est normal, mais cette impression s’estompera quand tu retrouveras ton environnement et tes activités habituels. Tout reviendra dans l’ordre petit à petit. Il est possible que des bribes de ce qui s’est passé pendant ces deux jours et deux nuits de captivité te reviennent en mémoire. Si c’est le cas, note bien toutes ces choses qui pourront être utiles à l’enquête.
— J’ai également mal à la tête, mal au ventre, mal au cœur, un peu des vertiges quand je suis debout.
— Tu dois avoir très faim. Tu ne te rappelles pas quand tu as mangé pour la dernière fois ? Non ? Bon, rhabille-toi. Je vais demander au commandant Lemoine de te faire apporter un sandwich. Je pense qu’il a dû prévenir et rassurer tes parents. Ils ne vont pas tarder à venir te chercher.