VALENTIN DÉTECTIVE

19. À L'ESPLANADE

La première équipe arriva cinq minutes après l’envoi du message collectif de Valentin. Dix minutes après, ils étaient tous là. Les trois premiers comptes-rendus furent brefs.
— Rien de nouveau depuis qu’on vous a signalé le mec s’engageant sur la digue aux platanes, dit Olivier approuvé par Margot.
— Pour nous, rien de rien nulle part, énonça Emily, appuyée par un hochement de tête de Charly.
— Rien non plus pour Quentin et moi, dit succinctement Lucie.
— Quand tu nous as rappelé il y a un quart d’heure, nous inspections le parking derrière l’église, raconta Mathilde. Il y avait bien un utilitaire Renault avec un type à la place conducteur mais ça ne ressemblait pas du tout à une ambulance : pas de gyrophare, pas d’indication sur les côtés de la carrosserie. J’ai quand même pris une photo, tu veux la voir ?
— Il a démarré juste au moment où nous recevions ton message, ajouta Florian.
Avant que Valentin ait eu le temps de répondre, Gilles prit la parole.
— Je vous donne tout de suite les conclusions de la dame médecin qui a examiné Amandine. Elle a effectivement été endormie par une piqûre à la fesse à travers son collant de jogging. Ensuite elle a été droguée au GHB, mais à part des traces de piqûres au creux du coude, elle n’a pas été violentée. Ses parents sont venus la chercher, elle est chez elle maintenant. Pour notre enquête, j’ai essayé d’écouter les messages radio arrivant à la gendarmerie mais il n’y a rien eu concernant notre affaire.
— Et pour vous trois ? voulut savoir Pauline en s’adressant visiblement à Valentin.
Eva, après un coup d’œil à celui-ci lequel opina discrètement d’un léger mouvement de tête, raconta leur filature et son imprévisible conclusion.
— Donc fiasco sur toute la ligne, se désola Charly. Enfin, Amandine est sauve, c’est le principal.
— Montre quand même ta photo, dit Valentin en tendant le bras vers Mathilde.
Il examina minutieusement l’épreuve, l’agrandit au maximum des possibilités du smartphone puis il fit apparaitre la panoplie d’outils de retouches des photos. Il fit varier la luminosité, le contraste, la saturation des couleurs pour finir en une photo en noir et blanc.
— C’était l’ambulance ! s’exclama-t-il, j’en suis sûr !
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ? fit Florian, sceptique.
— J’ai mis l’image en noir et blanc puis j’ai rajouté de la luminosité. Le flanc du véhicule étant blanc, cela ne change pas pour lui mais si je rajoute alors du contraste, il est possible de distinguer des traces sur la carrosserie : une barre oblique, quatre barres verticales, une autre barre oblique etc. comme si des lettres en relief avaient été collées puis enlevées. Le côté vers l’avant de chaque lettre a récolté la poussière de la route et les barres restantes constituent la preuve qui me manquait.
— Ben et le gyrophare ? fit remarquer Bouboule.
— C’était sûrement un gyrophare aimanté amovible, comme pour certaines voitures de police banalisées. Avez-vous d’autres photos ? demanda-t-il à Mathilde et Florian.
— C’est la seule pour moi, dit la jeune fille un peu dépitée.
— Moi j’ai pu prendre le tub quand il partait, en fait je n’ai photographié que l’arrière.
— Montre vite, dit Valentin en tendant la main.
Le cliché de Florian était un peu flou, mais en l’agrandissant il put lire la plaque d’immatriculation : CA-956-EN suivi, à la place de l’écusson régional, de celui de la Haute Savoie : une croix blanche sur fond rouge.
— Donc, comme au départ c’était une plaque suisse, celle-ci est une fausse, déduisit Florian. Alors fin de la piste, enquête terminée.
— Pas tout à fait. Grâce à vous deux nous avons récupéré un indice sérieux les amis. Je vais communiquer ce numéro à l’adjudant-chef et lui demander de me retourner le résultat du service des cartes grises. S’il refuse, je lui ferai valoir que, sans prendre de risques, treize personnes qui regardent et qui cherchent peuvent être un atout non négligeable dans son enquête et que nous lui communiquerons immédiatement si nous apercevons cette fausse ambulance. Nous ne pouvons rien faire d’autre pour l’instant. Pauline, est-ce que tu pourras appeler Amandine pour avoir des nouvelles de sa santé, de sa mémoire et de son moral ? De mon côté je vous répercuterai la réponse de Lemoine. Revoyons-nous demain chez moi, par exemple à dix heures.
— Venez plutôt chez moi, il y a plus de place, dit Charly, tout le monde est d’accord ?
— OK Charly, à demain. Que chacun vienne avec ses idées.

À dix heures le lendemain, ils étaient tous là, passionnés par l’enquête, désireux de venger leur amie Amandine, tous impliqués mais impuissants à imaginer la suite à donner. Charly, généreux, avait prévu une quinzaine de croissants, lesquels disparurent rapidement, Florian le grand sportif et Bouboule le plus gourmand héritant d’une double portion avec l’assentiment amusé des autres.
La dernière bouchée avalée, Valentin expliqua :
— J’ai eu ce matin la réponse de Lemoine au sujet de l’immatriculation du Renault. Mauvaise nouvelle, cette immatriculation n’est pas celle d’un Renault mais d’un Fiat Ducato.
— Donc les plaques françaises étaient bien des fausses, déduisit Gilles avec lassitude. Fin de nos recherches.
— Sauf si la gendarmerie ou la police repèrent le véhicule et interpellent les occupants, modéra Mathilde.
— Mais pour nous, c’est fini, se désola Lucie.
— Pas tout à fait, reprit Valentin. Un jour, en revenant de Grenoble avec l’adjudant-chef Lemoine, nous avons discuté de plaques d’immatriculation. J’ai appris que les seules personnes habilitées à les faire sont les garagistes agréés sur présentation de la carte grise de la voiture. Donc une carte grise a été présentée à un garagiste. Bon d’accord, nous ne connaissons pas lequel. Mais Lemoine a pu remonter la piste et connaitre sinon le propriétaire de l’ambulance, du moins celui du Fiat Ducato correspondant à la carte grise présentée.
— Ça nous mène à quoi ? dit Quentin, pessimiste lui aussi.
— Après négociations avec L’adjudant-chef, j’ai pu obtenir le nom et l’adresse du propriétaire, un certain monsieur Blanc qui habite à Marboz, ce n’est qu’à une quinzaine de kilomètres d’ici, je vais aller le voir.
— Je peux t’accompagner, tenta d’imposer Emily.
— Écoute ma belle, ce n’est pas pour te refuser mais je crois que ce serait mieux que ce soit une authentique savoyarde qui m’accompagne. Le monsieur propriétaire du Fiat Ducato est un homme âgé et les anciens préfèrent plutôt discuter avec des autochtones, pour trouver des points communs, des connaissances partagées, une complicité avec des mots de patois. Et quand on est en confiance, on bavarde plus facilement, tu comprends ?
— Moi, chus d’la Yaute , je peux venir avec toi, se réjouit Pauline.
— D’accord, on fera comme avec l’homme aux oiseaux, quand nous enquêtions sur la disparition de Pascal , tu te rappelles ? Bon cela dit, je n’ai que l’adresse de ce monsieur, donc je ne peux pas le prévenir et peut-être ne sera-t-il pas chez lui.
— Dans ce cas nous aurons fait une belle balade. Nous partons quand ?
— Je te propose de démarrer tout de suite si personne n’a de nouvelle idée.