VALENTIN DÉTECTIVE

21. CHEZ AMANDINE

À quatorze heures trente, Pauline freina son vélo devant la maison des grands-parents de Valentin. Le garçon sortit aussitôt montrant par là qu’il guettait son arrivée.
— Les parents d’Amandine sont d’accord pour que nous venions la voir mais sa mère veut être présente quand nous discuterons avec elle.
— Je la comprends, elle veut être rassurée et aussi que sa fille le soit. Tu envisages de poser des questions… particulières ?
— Je ne perds pas de vue que notre but essentiel c’est d’identifier ces deux abjects individus et peut-être aussi ceux qui les commanditent afin de les faire arrêter. Je ne sais pas encore comment opérer, je veux tenter d’accumuler des indices et espérer qu’en les recoupant nous arrivions à trouver une nouvelle piste à remonter.

Le logement de la famille Fontaine se situait dans un immeuble récent situé presque en plein village. Un salon-salle à manger avec coin cuisine constituait la pièce à vivre. En plus de celle des parents, chacune des sœurs disposait d’une chambre et une pièce était réservée à l’espace travail. Au moment où les deux arrivants posaient pied à terre, la porte d’entrée s’ouvrit et madame Fontaine les accueillit avec un grand sourire.
— Bonjour Valentin, bonjour Pauline, Amandine est très heureuse que vous veniez la voir. Elle est encore choquée mais votre présence va la replonger dans son monde d’avant et ça, c’est une très bonne chose. Entrez, elle vous attend dans le salon.
— Salut Titamande, lança Valentin pendant que Pauline la serrait dans ses bras, bonjour Camille, tu vas bien ? Monsieur Fontaine n’est pas là ?
— Non, il est à la gendarmerie pour les besoins de l’enquête, des questions de routine parait-il, mais il est comme moi, il ne sait rien. Nous n’avons pas d’ennemis sur lesquels orienter les recherches vers une possible vengeance. Installez-vous, vous désirez boire un rafraichissement ?
— Merci bien, madame Fontaine, mais nous sortons de table, alors tout va bien.
— N’hésitez pas à me demander.
— Est-ce que tu te sens mieux, Amandine ? Hier à la gendarmerie tu étais visiblement choquée, dit Pauline.
— Ça va mieux mais c’est encore tout bizarre dans ma tête. Ce grand trou noir dans mes souvenirs me gêne comme vous ne pouvez pas imaginer. C’est comme si j’avais été morte pendant deux jours. Dites-moi tout ce que vous savez qui s’est passé pendant ce temps.
— Nous allons tout te dire Titamande, mais je ne voudrais pas que nous te fabriquions des souvenirs. Acceptes-tu que nous te posions d’abord des questions ? tenta d’ajourner Valentin.
— Si je peux y répondre… Mais ça m’étonnerait.
— Est-ce que mercredi dernier, quand tu es allée courir, tu as eu l’impression d’être suivie ? demanda Pauline.
— Non… Non.
— Est-ce que tu as bien vu les deux types qui t’on bousculée ?
— Je les ai vus, oui.
— Peux-tu les décrire, intervint Valentin.
— Je ne sais pas trop…
— Prenons ton premier heu contact. était-il grand, moyen, petit ?
— Plus grand que moi mais pas immense. Taille moyenne je crois.
— Ses cheveux ?
— Très courts mais pas rasés, son crâne m’a fait l’impression d’être noir.
— Je vois, cheveux bruns et coupe tondeuse. Et ses yeux ? Bleus, verts, noisette, marron, noirs ?
— La couleur, je ne saurais dire mais ils étaient sombres il me semble.
— Et ses habits ?
— Je crois qu’il avait un t-shirt blanc.
— Un motif sur le t-shirt ?
— Quelque chose ressemblant à un arbre. Il y avait quelque chose d’écrit dessus mais je ne sais pas quoi.
Valentin arrêta son questionnaire et regarda Pauline qui enchaina.
— Et l’autre type, qu’est-ce que tu peux nous dire à son sujet ?
— Je l’ai à peine vu.
— Tu as bien remarqué un détail ?
— Il portait des lunettes, j’en suis sûre. Ah oui aussi, ses cheveux coupés bizarrement, je ne sais pas s’ils étaient longs ou courts.
— Une couleur d’habit peut-être ?
— J’ai une vague impression de bleu, mais en fait je ne sais pas.
— Quelle taille il avait par rapport à toi ?
— Beaucoup plus grand, ma tête n’arrivait pas à son menton.
— Combien mesures-tu ? intervint Valentin très intéressé par cette révélation.
— Un mètre soixante.
— Une tête de plus que toi, donc ce type mesure plus d’un mètre quatre-vingt.
À ce moment le smartphone de Pauline émit quelques notes. Elle l’extirpa de sa sacoche de ceinture, toucha deux fois son écran.
— C’est un SMS d’Eva qui me demande des nouvelles de toi ; je passerai la voir tout à l’heure.
— Et mon téléphone ! Où est mon téléphone ? s’écria soudain Amandine en tentant de se lever. Oh, je ne sais plus… ajouta-t-elle en se comprimant les tempes.
— Je n’ai pas de bonnes nouvelles pour ton appareil, intervint Valentin. Je l’ai retrouvé mais il était complètement cassé. Ceux qui t’ont kidnappée ne voulaient pas être localisés par les émetteurs de ton fournisseur d’accès. Ils l’ont détruit, probablement à coups de talons. Il était dans une touffe de chardons dans la prairie à côté du petit parking à l’entrée du camp scout. J’ai aussi retrouvé ton brassard. Tu avais fait une sauvegarde de tes données dans le cloud ?
— Oui, j’en ai fait une avant la rentrée je crois, mais…
— Quand tu en auras un nouvel appareil, tu pourras donc tout récupérer.
— Ça coûte cher un smartphone ! Avec mes parents, quand je veux quelque chose, il faut que j’économise la moitié du prix pour qu’ils mettent l’autre moitié.
— Là c’est différent, intervint madame Fontaine qui était restée en retrait de la discussion jusque-là, la gendarmerie confirmera sa destruction donc l’assurance le remboursera.
— Les gendarmes sont au courant de sa destruction ?
— Oui, reprit Valentin. Je leur ai donné la carcasse brisée, mais je ne sais pas s’ils pourront en tirer quelque chose. Tu l’emmenais pour mesurer la distance parcourue ? Pour écouter de la musique ? Pour prendre des photos ?
— Attends un instant… Oui… Oui, c’est ça. Quand nous nous étions croisés avant la rentrée tu étais dans ce bois et tu photographiais des fleurs, n'est-ce pas ?
— Oui, absolument, des colchiques.
— Je voulais faire comme toi. Courir mais aussi prendre de jolies images. Je crois qu’au moment du premier choc j’avais mon appareil à la main en position photo. Je me souviens avoir engueulé le mec qui m’a bousculée et fait tomber mon smartphone. Je me suis baissée pour le ramasser et alors que j’allais le remettre dans le brassard, le second type m’a percuté. Je l’ai engueulé également puis ensuite c’est le trou noir. Ça ne nous avance pas, hein ? Qu’est-ce que vous avez appris sur ce qui s’est passé ensuite ?
Pauline se mit à raconter toutes les actions des treize amis, les patrouilles par groupes de deux, la reconstitution des trajets, les questionnements des passants. Valentin ajouta les réunions de concertation chez Charly, la recherche de l’ambulance identifiée grâce à une photo de Pascal, sa reconnaissance par une autre de Florian, les contacts avec l’adjudant-chef, leur visite du matin à Marboz chez monsieur Blanc.
— Vous avez fait tout ça pour moi, dit Amandine les larmes aux yeux.
Pauline se leva, incita Amadine à se lever, l’enlaça de ses bras et lui chuchota à l’oreille.
— Nous sommes un groupe uni et tu en fais partie. Tu es notre amie et nous ferons tout pour toi, nous te défendrons jusqu’au bout, ceux qui t’ont fait du mal payeront.
— Amandine ne pourra pas aller en classe pendant huit jours, annonça sa maman, pourriez-vous lui communiquer les cours et les devoirs ?
— Nous allons nous arranger, organisa Valentin, chaque après-midi après les cours, deux de notre groupe viendront te communiquer ce que nous aurons fait en classe. En attendant, repose-toi, oublie tout ce qui n’est pas bien. Tu vas voir : nous allons encore faire plein de choses ensemble, la vie est belle, Titamande !